CA Pau, ch. d'accusation, 25 février 1992, n° 58-92
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Chambre syndicale française de l'affichage
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lhuillier
Substitut général :
M. Dagues
Conseillers :
MM. Lacroix, Roux
Avocats :
Mes Sarfati, Rivet
En la forme :
Attendu que par ordonnance du 20 décembre 1991, motivée en fait et en droit, conforme aux réquisitions du parquet, le juge d'instruction de Pau déclarait irrecevable la plainte avec constitution de partie civile déposée par le représentant qualifié de la Chambre syndicale française de l'affichage contre M. Jean-Claude D, président de la SA D, et ordonnait la restitution à la partie civile de la consignation de 4 000 F versée le 10 avril 1990 à la régie du Tribunal de grande instance de Pau ;
Attendu que notification de cette ordonnance était adressée à la partie civile, à l'inculpé et à leurs conseils, le 20 décembre 1991 par lettre recommandée ;
Attendu que par déclaration du 31 décembre 1991, au greffe du Tribunal de grande instance de Pau, Maître Rivet, conseil de la Chambre syndicale française de l'affichage, relevait appel de l'ordonnance d'irrecevabilité de constitution de partie civile ;
Attendu que cet appel, interjeté dans les formes et délais prévus par l'article 186 du Code de procédure pénale, est recevable ;
Attendu qu'il résulte du dossier et des pièces soumis à l'examen de la Chambre d'accusation, les éléments d'informations suivants :
Le 20 mars 1990, la Chambre syndicale française de l'affichage, ayant son siège social à Paris, 40, boulevard Malesherbes, 75008, représentée par son président en exercice, M. Thill, syndicat professionnel qui regroupe tous les entrepreneurs d'affichage, et dont les statuts se proposent de défendre les intérêts généraux de la profession qu'elle représente et d'exercer tous les droits réservés à la partie civile, relativement aux faits portant une préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, conformément à l'article 411-11 du Code du travail, sur la capacité civile et le droit d'ester en justice, déposait plainte avec constitution de partie civile auprès de M. le Doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Pau contre D Jean-Claude, né le 16 septembre 1937 à Beauvais, PDG de la SA D, déclarant demeurer Sainte-Apoline, 78730 Plaisir, pour infraction à l'article 29 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes.
Il exposait qu'au mois d'avril 1988, selon un procès-verbal de constat dressé le 6 avril par Maître Barrau, huissier de justice, à la requête de la SA Dauphin, entrepreneur d'affichages et adhérente à la Chambre syndicale française de l'affichage, la SA D avait installé :
- 4 publicités sur mobilier urbain dans la zone de publicité interdite au terme de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979,
- 6 panneaux d'une superficie approximative de 9 m2 chacun, dans la zone de publicité restreinte B, ne rentrant pas dans la catégorie du mobilier urbain définie par les articles 20 à 23 du décret n° 80-923 du 20 novembre 1980.
Ces prescriptions, très rigoureuses, prévues par les textes de lois précités, et imposées aux afficheurs, étaient précisées dans une réglementation spécifique que la commune de Pau instaurait par deux arrêtés municipaux en date des 18 janvier et 23 août 1985, arrêtés portant réglementation de la publicité dans la ville de Pau.
Ainsi, l'arrêté du 18 janvier 1985, toujours en vigueur, prévoit une zone de publicité interdite et 3 zones de publicité restreinte A - B et C.
Il est expressément spécifié que :
- dans la zone de publicité interdite, toute publicité lumineuse ou non lumineuse est strictement interdite sous toutes ses formes, notamment sur mobilier urbain (titre 2 - article 1er de l'arrêté municipal),
- dans la zone de publicité restreinte B, le mobilier urbain est autorisé, mais à condition de respecter les articles 20 à 23 du décret n° 80-923 du 21 novembre 1981.
Or, les articles 20 à 23 du décret susvisé ne concernent que les abris destinés au public, les kiosques à journaux, les colonnes porte-affiches et les mâts porte-affiches.
Par ailleurs, si l'article 3 du même Code stipule que dans la zone de publicité restreinte B les panneaux existants et répertoriés sont autorisés, ils ne pourront en aucun cas faire l'objet d'une modification tendant à augmenter leur surface.
Aussi, le 2 mai 1990, le parquet de Pau ouvrait une information nominative contre Jean-Claude D pour infraction à la loi du 29 décembre 1979.
Inculpé le 29 juin 1990, ce dernier reconnaissait la matérialité des faits qui lui étaient reprochés et s'attachait à démontrer au magistrat instructeur que les infractions commises ne relevaient pas d'une volonté manifeste d'enfreindre la loi, mais tout au plus, à un manque d'attention à la réglementation et à une faille au niveau de la rédaction des arrêtés municipaux y afférents.
Il soulignait que si sa société avait passé avec la ville de Pau un contrat pour la fourniture de différents mobiliers urbains et services, la ville de Pau avait obtenu, en compensation, la mise à sa dispositions de 22 faces de mobiliers urbains d'une superficie de 7 m2 chacun, servant à placer les informations municipales et celles expressément demandées par la mairie, en particulier une information culturelle et associative.
Il s'engageait à se mettre en conformité avec la réglementation, non sans faire valoir au cours d'un second interrogatoire au fond qu'une procédure d'amendement avait été engagée et qu'un groupe de travail sur la publicité s'était réuni à la diligence de la mairie de Pau le 20 septembre 1990 afin de soumettre un projet d'arrêté à la commission des sites qui devait le refuser courant octobre 1990.
Toutefois, le conseil de M. Jean-Claude D soulevait l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de la Chambre syndicale française de l'affichage en se fondant sur les dispositions de l'article 35 de la loi du 29 décembre 1979 qui vise seulement les associations exerçant leur activité dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ou dans celui de l'amélioration du cadre de vie.
En cet état, le Parquet de Pau, par réquisitions motivées du 15 décembre 1991, constatait le bien fondé de la contestation sur l'irrecevabilité de constitution de partie civile de la Chambre syndicale française de l'affichage, mais par réquisitions complémentaires du 17 décembre 1991, invitait le magistrat instructeur à la poursuite de l'action publique, les infractions reprochées à l'inculpé étant d'ores et déjà établies, et l'action publique n'étant pas subordonnée à aucune mise en demeure ou demande préalable de l'Administration (Crim. 12-11-1986 - Bull. Crim. 330).
Sur quoi, LA COUR,
Attendu que le juge d'instruction, sur réquisitions conformes du Parquet, a rendu une ordonnance datée du 20 décembre 1991, déclarant irrecevable la constitution de partie civile de la Chambre syndicale française de l'affichage ;
Attendu que cette décision résulte essentiellement de la motivation suivante :
" L'article 35 de la loi du 29 décembre 1979 et l'article 160-1 du Code de l'urbanisme excluent formellement du champ de la constitution de partie civile les associations n'ayant pas pour objet la protection du cadre de vie et de l'environnement ".
" La Chambre syndicale française de l'affichage qui défend des intérêts professionnels et particuliers n'entre pas dans cette voie d'action ".
Attendu que la Chambre syndicale française de l'affichage soutient devant la cour, par mémoire régulièrement déposé, qu'aucune disposition législative n'interdit à un syndicat de se constituer partie civile dans le cadre de la loi du 29 décembre 1979, et ce, malgré les dispositions de l'article 35 et qu'il convient, en conséquence, d'appliquer le droit commun ;
Attendu que la partie civile estime, en conséquence, que, remplissant les conditions prévues par l'article 2 du Code de procédure pénale, elle peut exercer l'action civile ; que notamment, en s'implantant en zone interdite, le sieur D a porté atteinte aux conditions normales de la concurrence et a ainsi porté préjudice à l'ensemble de la profession qui respecte les obligations légales ;
Mais attendu que la thèse de la partie civile, pour aussi séduisante et documentée qu'elle soit, en peut triompher en la circonstance ;
Que la loi du 29 décembre 1979 est une loi d'intérêt général qui a essentiellement pour but de protéger l'environnement des atteintes pouvant résulter de l'affichage;
Attendu que le législateur a pris soin de préciser les conditions dans lesquelles pourraient s'exercer l'action civile entreprise par les associations exerçant leur activité dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement, en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux dispositions de la présente loi ... et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elles ont pour objet de défendre ;
Attendu que le préjudice allégué de la partie civile résulte d'une atteinte aux conditions normales de la concurrence;
Que ce préjudice n'est, en aucune cas, assimilable à un préjudice résultant d'une atteinte à l'environnement qui, seul, ouvre droit à une constitution de partie civile dans les conditions fixées par l'article 35 précité;
Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a rendu une ordonnance d'irrecevabilité, précision faite que l'action publique se poursuit normalement sur les réquisitions du parquet;
Attendu que X sollicite l'allocation de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Mais attendu que ce texte est inapplicable en l'espèce, seule la partie civile pouvant bénéficier des dispositions de l'article 475-1 ;
Par ces motifs, La Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Pau, après en avoir délibéré conformément à la loi, Vu les articles 2, 85, 86, 87, 88, 89, 186, 194 et suivants du Code de procédure pénale, En la forme, Déclare recevable l'appel formé le 31 décembre 1991 par le Conseil de la Chambre syndicale française de l'affichage de l'ordonnance du juge d'instruction de Pau en date du 20 décembre 1991, déclarant irrecevable la constitution de partie civile de ladite Chambre syndicale ; Au fond, Rejetant comme non fondés les moyens du mémoire déposé par l'avocat de la Chambre syndicale française de l'affichage, Confirme ladite ordonnance ; Déboute D de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne la Chambre syndicale française de l'affichage aux dépens du présent arrêt.