CA Paris, 14e ch. A, 15 mars 2000, n° 2000-00022
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Santé Beauté 91 (SARL)
Défendeur :
Pierre Fabre Dermo-Cosmétique (SA) ; Robapharm Groupe Pierre Fabre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Lacabarats
Conseillers :
Mme Charoy, M. Pellegrin
Avoués :
SCP Jobin, Me Baufume
Avocats :
Mes Selnet, Morvilliers.
La société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, qui commercialise par le biais d'un réseau de distributeurs agréés des gammes de produits d'hygiène corporelle et de beauté, notamment sous la marque Klorane, a confié à la société Robapharm Groupe Pierre Fabre le soin exclusif de commercialiser ces produits à l'étranger et en particulier en Afrique.
Or ces deux sociétés ont été informées par des saisies contrefaçon opérées à Douala et par des mesures de constat effectuées à Paris que la société Pharma Lab s'était procurée à leur insu auprès de la société Santé Beauté 91 de flacons de lait de toilette Klorane Bébé pour les revendre à une société camerounaise.
Par ordonnance de référé rendue le 12 octobre 1999, le Président du Tribunal de commerce de Paris a :
- pris acte de l'affirmation de la société Pharma Lab selon laquelle elle ne commercialise pas les produits cosmétiques Klorane,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner la mesure sollicitée à l'encontre de cette dernière,
- ordonné à la société Santé Beauté 91 de cesser toute commercialisation par réseau de distribution sélective et on particulier " les " produits dermo-cosmétiques Klorane, et ce sous astreinte provisoire de 500 F par infraction constatée, astreinte qui commencera à courir à compter de la signification de l'ordonnance et dont il s'est réservé la liquidation,
- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes,
- condamne la société Santé Beauté 91 à payer aux sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et Robapharm Groupe Pierre Fabre la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
La société Santé Beauté 91 demande à la cour d'infirmer l'ordonnance, de prendre acte de ce qu'elle ne commercialise plus les produits litigieux en dehors du réseau de distribution sélective, et de condamner les sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et Robapharm Groupe Pierre Fabre à lui payer une somme de 10 000 F pour ses frais irrépétibles,
Les sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmetique et Robapharm Groupe Pierre Farre sollicitent la réformation partielle de l'ordonnance, les commercialisations devant être interdites hors réseau de distribution sélective, et la condamnation solidaire de la société Santé Beauté 91 et de la société Pharma Lab à leur payer la somme de 25 000 F pour leurs frais non compris dans les dépens,
DISCUSSION :
Il convient de relever que la société Pharma Lab n'étant ni appelante ni intimée, les dispositions de l'ordonnance à son encontre ne sont pas soumises à la cour.
Il est établi, par constat d'huissier autorisé sur requête des 31 mai et 1er juin 1999, que la société Santé Beauté 91 a vendu à la société Pharma Lab au minimum 9 673 flacons de lait de toilette Klorane pour un montant TTC de 309 139 F.
La société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et la société Robapharm Groupe Pierre Fabre, faisant valoir que les actes d'acquisition et d'exportation de lait de toilette Klorane constituaient des infractions aux dispositions de l'article 36-6 de la loi du 1er juillet 1996 et des actes de concurrence déloyale, ont sollicité en référé qu'il soit mis fin à ces troubles manifestement illicites et plus particulièrement que soit ordonnée la cessation de toute commercialisation des produits faisant l'objet d'une commercialisation par réseau de distribution sélective et on particulier des produits Dermo-Cosmétiques Klorane.
Le fait que cette revente hors réseau ait eu, comme le soutient la société Santé Beaute 91, un caractère ponctuel ne supprime pas le caractère manifestement illicite du trouble qui en est résulté pour les intimées, qui sont parfaitement fondées à craindre la réitération de tel s agissements. Il s'ensuit que, contrairement aux allégations de l'appelante, les conditions d'application de l'article 373 alinéa ler permettant au juge des référés commercial de prendre toute mesure nécessaire pour mettre fin au trouble manifestement illicite dont la matérialité est démontrée, ou pour prévenir du dommage imminent, sont remplies. A supposer même que la société Santé Beauté 91 démontrerait avoir mis fin au trouble manifestement illicite en ne commercialisant plus les produits hors du réseau de distribution sélective, ce que ses affirmations à cet égard sont insuffisantes à établir, il n'en demeure pas moins que le risque de renouvellement de ses agissements demeure et constitue un dommage imminent qu'il convient de prévenir.
Mais le premier juge a ordonné la cessation de toute commercialisation " par réseau de distribution sélective " au lieu d'ordonner, comme il le lui était demandé, la cessation de toute commercialisation " des produits faisant l'objet d'une commercialisation par réseau de distribution sélective ".
La société Santé Beauté 91 soutient que le juge des référés a excédé ses pouvoirs, la décision rendue ayant les mêmes effets que la résiliation, non sollicitée par la société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique, du contrat de distribution sélective dont elle bénéficie depuis 1997. Soulignant que le fait pour un distributeur agréé de commercialiser par réseau de distribution sélective ne constitue pas un trouble manifestement illicite et ne peut causer un dommage imminent, elle rappelle que l'article 36-6 de l'ordonnance du l décembre 1936 concerne la revente hors réseau et fait valoir que le premier juge a sans doute commis une " erreur de plume ".
La société Pierre Fabre Dermo-Cosmétique précise également qu'elle ne sollicite rien d'autre que l'interdiction des ventes à des grossistes non agréés hors réseau.
Il convient, dans ces conditions, de confirmer l'ordonnance en ses dispositions entreprises sauf sur la mesure retenue par erreur et d'ordonner la cessation de toute commercialisation des produits " hors du réseau de distribution sélective ", sous astreinte de 500 F par infraction constatée, et ce à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, ainsi que le demandent les intimées.
La société Pharma Lab n'étant pas présente en cause d'appel, la demande formée à son encontre par les sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et Robapharm Groupe Pierre Fabre au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile n'est pas recevable. Il est équitable d'accorder aux intimées une indemnité complémentaire de 15 000 F pour les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'engager pour assurer leur défense en cause d'appel, la solution du litige emportant le rejet de la demande formée de ce chef par l'appelante.
DÉCISION :
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de l'appel interjeté, Constate que la société Pharma Lab n'est pas en la cause, Déclare irrecevable la demande formée à l'encontre de cette dernière par les sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et Robapharm Groupe Pierre Fabre, Confirme l'ordonnance en ses dispositions entreprises sauf sur la mesure ordonnée, La réformant de ce chef, Ordonne à la société Santé Beauté 91 de cesser toute commercialisation des produits, on particulier des produits Dermo-Cosmétiques Klorane, hors du réseau de distribution sélective sous astreinte provisoire de 500 F par infraction constatée à compter de la signification de l'arrêt, Condamne la société Santé Beauté 91 à payer aux sociétés Pierre Fabre Dermo-Cosmétique et Robapharm Groupe Pierre Fabre une somme complémentaire de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Rejette toutes autres demandes, Condamne la société Santé Beauté 91 aux dépens et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.