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Décisions

CA Douai, 4e ch. corr., 7 février 1990, n° 135

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Défendeur :

Chambre syndicale de l'ameublement

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chantry

Conseillers :

MM. Levy, Jean

Avocats :

Mes Carlier, Herbaut.

TGI Lille, ch. corr., du 1er sept. 1989

1 septembre 1989

Le prévenu Giuseppe M pour toutes dispositions le concernant, et le Procureur de la République ont successivement et régulièrement interjeté appel d'un jugement du 1er septembre 1989, par lequel le Tribunal correctionnel de Lille a déclaré ledit prévenu coupable de publicité mensongère, l'a condamné au paiement d'une amende de 200 000 F, a ordonné la publication de sa décision, a déclaré la SA X civilement responsable, a statué sur les dépens, a condamné le prévenu au paiement de dommages-intérêts envers la Chambre syndicale de l'ameublement, partie civile,

Giuseppe M était prévenu d'avoir en France courant janvier 1987, effectué une publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur sur l'achat de cuisines équipées,

1°) en prétendant offrir gratuitement cinq appareils électroménagers pour l'achat d'une cuisine équipée mais en limitant sur la première page de cette offre et à l'aide de caractères minuscules à 240 le nombre de cuisines offertes dans ces conditions,

2°) sans avoir été en mesure de justifier la disponibilité des 240 cuisines en question dans les 30 magasins qui relayaient cette campagne, ni l'existence elle-même des 240 cuisines en cause,

3°) en ne précisant pas que les cuisines modèles A, B et C illustrant le message publicitaire ne faisaient pas l'objet de la publicité, ni que la cuisine " façade chêne massif " donnée en exemple n'était pas disponible dans les 30 magasins au prix de 25 000 F annoncé,

Faits prévus et réprimés par l'article 44-I, 44-II alinéa 9 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et article 1er de la loi du 1er août 1905,

Les premiers juges ont exactement exposé les faits et les éléments de preuve de sorte que sur ces points la cour se réfère à leurs énonciations,

Le prévenu conclut à voir constater la nullité du " procès-verbal de constatations " en date du 29 octobre 1987 au motif qu'il ne répondait pas aux exigences de l'article 31 du décret du 29-12-1986, au fond à sa relaxe,

La partie civile conclut à la confirmation,

L'exception de procédure sera rejetée, par application des dispositions de l'article 385 du CPP, dès lors qu'invoquée pour la première fois en cause d'appel ;

Les premiers juges ont estimé qu'il résulte des faits et de la constatation de l'enquête diligentée par les services de la concurrence et de la consommation, qu'en dehors de l'utilisation de petits caractères d'imprimerie pour informer l'acheteur des conditions restrictives de la vente, la preuve n'avait pas été rapportée de l'existence ou de la disponibilité du stock annoncé ou des types de cuisine photographiés, qu'en conséquence, les publicités étaient de nature à induire en erreur ;

La disproportion entre les mentions attractives et les mentions restrictives n'est pas en elle-même caractéristique d'une publicité mensongère,

Pour le surplus les motifs venus au soutien de la décision entreprise procèdent d'un renversement de la charge de la preuve de sorte que les premiers juges auraient fondé la culpabilité sur une absence de preuves ;

Sur l'existence du stock :

A juste raison les premiers juges ont énoncé qu'il serait déraisonnable d'exiger que puisse être constatée la présence de 240 cuisines dans chacun des magasins et il n'y a pas de publicité trompeuse dans le fait pour une entreprise de décrire dans un catalogue des produits qui n'existent pas en stock, qu'elle entend procurer à sa clientèle après réception des commandes, alors qu'il n'est pas démontré qu'elle n'était pas en mesure de les lui procurer ; il est sur ce point soutenu par le prévenu que les 240 cuisines en cause étaient disponibles dans les 30 magasins, dès lors qu'elles pouvaient être acquises en se rendant dans l'un quelconque de ces magasins, que pour en justifier il a produit et versé à nouveau aux débats le press-book qui avait été envoyé dans chacun des points de vente et qui donnait toutes les caractéristiques de 157 cuisines, allègue, ce que confirme M. L, directeur de l'unité de production de la société Y qui fabrique les cuisines sous la marque " Z ", ce qu'aucun élément de preuve ne vient contredire, qu'outre les 157 cuisines disponibles dans les points de vente, étaient également disponibles une centaine de cuisines ayant fait l'objet d'annulation de commande et se trouvant en stock à l'usine de (localité),

Or, en l'espèce, les éléments de preuve à la charge du prévenu émanent essentiellement d'un procès-verbal, dit " procès-verbal de constatation ", daté du 29 octobre 1987, donc établi neuf mois après les faits poursuivis, ne faisant état de contrôles que dans sept magasins, et exempt de toutes indications quant à l'identité et la qualité des agents ayant procédé aux constatations ;

Ainsi ce document s'analyse-t-il en un simple rapport lequel ne fait foi de ce qu'il rapporte que jusqu'à preuve du contraire,

Dès lors que les conclusions de ce rapport procèdent d'une extrapolation à partir de vérifications faites uniquement dans quelques magasins, que les constatations alors faites n'apparaissent pas par elles-mêmes suffisantes pour asseoir l'incrimination, que par les moyens ci-dessus indiqués (press-book + stock usine) le prévenu a offert de rapporter la preuve de la totale disponibilité des 240 cuisines, que cette offre de preuves n'a pas donné lieu aux investigations nécessaires, la cour considère que sur ce chef de la prévention les faits ne sont et ne peuvent être établis.

Sur l'existence de certains types de cuisines :

Aux mêmes motifs que ceux ci-dessus énoncés, la preuve n'est pas rapportée de l'indisponibilité dans l'un ou l'autre magasin d'une cuisine " façade chêne massif ",

Le fait ici reproché au prévenu ne peut donc être considéré comme établi,

Pour le surplus on ne peut raisonnablement soutenir que le lecteur moyen de la publicité pouvait imaginer que tout était à 25 000 F, ni que les modèles " B " et " C " étaient tous disponibles dans le processus de solde, de sorte que les conditions de l'incrimination ne se trouvent pas réunies ;

Il échet de renvoyer le prévenu des fins de la poursuite, de dire hors de cause la société X, de déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la Chambre syndicale de l'ameublement.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, le prévenu ayant eu la parole le dernier. Infirmant le jugement déféré, Relaxe Giuseppe M, Dit la société X hors de cause, Déclare irrecevable la constitution de partie civile de la Chambre syndicale de l'ameublement, Laisse les dépens à la charge du Trésor public.