CA Paris, 13e ch. A, 13 mars 1991, n° 90-7669
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Seprodif (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Couderette
Conseillers :
MM. Martinez, de Thoury
Avocats :
Mes Bataille, Roulot.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
LE JUGEMENT
Le tribunal a :
Relaxé Claude Z du chef du délit de tromperie sur l'origine et les qualités substantielles des marchandises ;
L'a déclarée coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;
Déclaré Adèle X coupable de tromperie sur l'origine et les qualités substantielles des marchandises et de publicité fausse ou de nature à induire en erreur ;
Faits commis à Paris et sur le territoire national, courant 1987 ;
Et par application des articles 1er, 11-4 de la loi du 1er août 1905, loi du 28 mars 1930 et 44 de la loi du 27 décembre 1973 ;
Condamné :
- X Adèle à la peine de 50 000 F d'amende ;
- Z Claude à la peine de 20 000 F d'amende ;
Ordonné aux frais des condamnées la publication du jugement, par extraits, dans les journaux La France Horlogère et Le Parisien ;
Fait droit à la demande de la partie civile ;
Condamné in solidum Adèle X et Claude Z à lui payer un franc à titre de dommages-intérêts ;
Condamné les prévenues dans les mêmes conditions à lui payer la somme de 3 000 F en vertu des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Rejeté comme mal fondés tous autres chefs de demande ;
Condamné Adèle X et Claude Z, chacune pour moitié, aux frais et dépens envers l'Etat, liquidés à la somme de 505,65 F, droits de poste et droit fixe de procédure inclus, y compris les frais d'expertise ;
- ceux avancés par la partie civile et ceux pris sur la consignation s'élevant à la somme de 17 078,40 F.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
X Adèle, le 11 octobre 1990 ;
Le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris, le 11 octobre 1990, contre X Adèle.
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi :
I- Les appels :
Statuant sur les appels interjetés par X Adèle, prévenue, et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;
S'y référant pour l'exposé des faits ;
Par voie de conclusions, l'appelante sollicite l'infirmation de la décision déférée et sa relaxe des fins de la poursuite ;
Elle fait valoir qu'elle a été trompée par la société A qui lui livrait les piles litigieuses, sur leur provenance, et affirme que leur emballage a été réalisé par cette société sur son propre modèle, éléments qui prouvent sa bonne foi ;
Elle ajoute, reprenant en cela ses précédentes conclusions, que la mention " oxyde d'argent " figurant sur l'emballage des piles est conforme à la réalité puisque l'expertise confirme la présence effective de ce composant et souligne comme en première instance qu'en la matière il n'existe pas de normes AFNOR ;
Elle en déduit qu'elle ne peut être condamnée pour infraction à l'article 1er de la loi du 1er août, s'agissant de la composition des piles et pas davantage en ce qui concerne leur provenance puisqu'elle était de bonne foi et que le délit de tromperie implique une intention frauduleuse, et ce d'autant que la société A importatrice a été relaxée de ce chef ;
S'agissant de publicité trompeuse, elle critique le réquisitoire définitif car, contrairement à ce qui y est mentionné, l'emballage a été réalisé par la société A, Mme Z ayant d'ailleurs déclaré aux premiers juges : " Mme X a accepté la maquette proposée ".
Elle estime par ailleurs qu'il ne suffit pas d'affirmer que la prévenue est spécialiste des piles pour en déduire sa culpabilité, le simple aspect extérieur de ces objets n'étant pas de nature à révéler leur provenance ;
Elle affirme que la plainte de la partie civile constitue une manœuvre destinée à déstabiliser un concurrent ;
Enfin, elle dénie toute valeur à l'indication des premiers juges selon laquelle, elle aurait revendu ses piles à un prix quatre ou cinq fois supérieur au prix d'achat, les comparaisons de prix de vente ne devant être faites, selon la concluante, que par lot moyen de 250 et dans ce cas cette affirmation ne serait pas vraie ;
Par voie de conclusions également, la société Seprodif, partie civile, demande à la cour de confirmer le jugement frappé d'appel et de condamner la prévenue à lui payer la somme de 10 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
II - Les motifs :
A - L'action publique :
1) Le délit de tromperie :
Considérant que par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu à bon droit la prévenue dans les liens de la prévention ;
Qu'à son tour, la cour relève, sur la composition des piles et nonobstant l'absence de norme AFNOR en la matière, que la seule mention " oxyde d'argent " figurant sur le produit est constitutif du délit de tromperie.
Qu'en effet, d'une part, l'expertise comparative effectuée entre les piles litigieuses qui ne comprenaient que 10 % d'oxyde d'argent et celles entièrement composées d'oxyde d'argent, révèle la moindre qualité des premières et d'autre part, la seule mention " oxyde d'argent " établit la volonté de tromper de la prévenue puisque la composante essentielle du produit vendu était l'oxyde de manganèse dont la présence n'est pas signalée, la dame X Adèle, spécialiste de la vente de piles, ne pouvant se limiter à vendre un produit sans en vérifier la composition, alors qu'elle commande à la société A un emballage qui comporte les mentions mensongères qu'elle accepte et dont, contrairement à ses affirmations, Mme Z a précisé qu'il avait été réalisé en commun avec elle ;
Considérant qu'elle ne pouvait par ailleurs faire figurer sur l'emballage la mention " fabriqué au Japon " sans vérifier cette provenance en exigeant de la société A qui n'a fait aucune difficulté pour reconnaître que son exportateur se trouvait à Hong-Kong les certificats d'origine, alors surtout que le prix d'achat relativement modéré des piles par la société A n'a pas dû manquer d'attirer son attention, quel qu'ait été leur prix de revente ;
Que dans ces conditions, la cour, qui ne peut statuer que dans la limite des appels dont elle est saisie, estime devoir confirmer sur ce point la décision entreprise, les sanctions prononcées constituant une équitable application de la loi pénale ;
2) Le délit de l'article 44 de la loi du 27-12-1973 :
Considérant encore que par des motifs pertinents, les premiers juges ont à juste titre retenu la prévenue dans les liens de la prévention ;
Que de surcroît, et en dehors de l'élément intentionnel qui n'est pas exigé pour la réalisation de ce délit, les motifs ajoutés à ceux des premiers juges par la cour pour la réalisation du premier délit, justifient encore la culpabilité de X, la sanction infligée à la prévenue se justifiant par la nature et la gravité des faits visés à la prévention ;
B - L'action civile :
Considérant que les agissements reprochés à la prévenue causent un préjudice direct à la partie civile ;
Que la cour ne trouve pas motifs à modifier le franc de dommages et intérêts alloué à la société Seprodif ;
Qu'enfin elle estime devoir faire partiellement droit à la demande présentée par la partie civile au titre des frais irrépétibles ;
Par ces motifs, et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte : LA COUR, Statuant dans la limite des appels dont elle est saisie ; Confirme dans toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant condamne X Adèle à payer à la société Seprodif, la somme supplémentaire de 1 500 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Rejette comme non fondée toutes autres conclusions contraires ou plus amples ; Condamne la prévenue aux dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 455,88 F.