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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 7 septembre 1992, n° 92-3094

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Ministère public, Chambre syndicale des Horlogers Bijoutiers Joailliers Orfèvres Détaillants et Artisans de Paris et de la région parisienne, Fédération nationale des Horlogers Bijoutiers Joailliers Orfèvres, Union fédérale des consommateurs de Paris

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Martinez, de Thoury

Avocats :

Mes Cohen, Dupeux, Ourtanier.

TGI Paris, 31e ch., du 18 mars 1992

18 mars 1992

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal a déclaré Eric S coupable :

- d'avoir à Paris, courant novembre 1990 à courant décembre 1990 effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur le prix et les conditions de vente de biens en annonçant faussement sur les vitrines de magasin une réduction de 50 % sur l'or (SARL X et SARL Y),

- d'avoir à Paris, le 20 novembre 1990, effectué une publicité comportant des allégations indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix et conditions de vente d'un bien en annonçant faussement par des affiches apposées dans les vitrines de son magasin qu'une remise de 50 % sur l'or était faite à la caisse ;

et, par application des articles 44-I, 44-II alinéas 7, 8, 9, 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1 de la loi du 1er août 1905,

l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis et 250 000 F d'amende,

l'a dispensé de publication par application de l'article 55-1 du Code pénal,

reçu l'Union fédérale des consommateurs, la Fédération nationale des Chambres syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de France et la Chambre syndicale des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de Paris et de la région Parisienne en leur constitution de partie civile.

Condamné Eric S à verser :

- à l'Union Fédérale des Consommateurs, la somme de 50 000 F de dommages-intérêts et celle de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, - à la Chambre syndicale des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de Paris la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

- à la Fédération nationale des Chambres syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de France la somme de 30 000 F de dommages-intérêts et celle de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale. Ordonné à titre de dommages-intérêts complémentaires la publication du jugement, par extraits, et aux frais du condamné, dans un journal au choix de chacune des parties civiles, sans que le coût de chaque insertion excède la somme de 15 000 F. Rejeté les demandes pour le surplus. Le tribunal a condamné le prévenu aux frais envers l'Etat, liquidés à la somme de 775,78 F ;

Il est seulement rappelé que la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Région de l'Île-de-France est intervenue courant novembre 1990 dans trois magasins à l'enseigne Z situés l'un <adresse>exploité par la SARL Y, le second <adresse>exploité par la SARL X et le troisième <adresse>exploité par la SARL W, ces trois SARL ayant M. S Eric pour gérant. Celles-ci faisaient une publicité en faveur d'articles de bijouterie annonçant une réduction de 50 % sur l'or à la caisse. Le prévenu n'a pas été en mesure de prouver la réalité du prix de référence sur lequel la réduction annoncée était effectuée. Se référant alors aux factures d'achat produites par le prévenu et comparant les prix de vente pratiqués par le prévenu et ceux des bijoutiers concurrents pour des articles similaires, l'Administration a établi que les prix de référence annoncés par le prévenu étaient majorés au point qu'après application de la prétendue réduction de 50 %, le coefficient multiplicateur était supérieur à celui pratiqué sans ristourne par la concurrence, si bien que l'annonce de la remise de 50 % était illusoire et de nature à tromper le consommateur sur la valeur réelle des marchandises offertes à la vente ;

Le prévenu sollicite par conclusions sa relaxe au motif que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis, le rapport d'enquête comportant des inexactitudes. A titre subsidiaire, il demande une application modérée de la loi pénale, de déclarer irrecevable les constitutions de partie civile des deux organismes professionnels au motif qu'ils ne justifient ni d'un préjudice ni de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession. Il demande enfin de réduire la somme allouée à l'UFC.

Dans leurs conclusions, les organismes professionnels réclament 50 000 F chacun à titre de dommages-intérêts, la publication de l'arrêt à intervenir dans cinq publications au choix des demandeurs ; ils demandent que soit ordonnée dans le mois du prononcé de l'arrêt la cessation de toute publicité comportant les messages incriminés et 15 000 F chacun au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

L'UFC conclut à la confirmation du jugement déféré et demande de porter à 5 000 F la condamnation du prévenu sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Discussion :

Sur les critiques formulées par le prévenu :

Considérant que le prévenu fait grief à l'enquête de la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes :

a) de n'avoir pas tenu compte que sur les factures produites par l'appelant figurait des factures d'achat de matière première et des factures concernant le façonnage des bijoux ;

b) que, pour les bijoux sur lesquels étaient montés des pierres précieuses, le coefficient dégagé n'est pas significatif dans la mesure où il ne tient compte que du poids en or de ces bijoux ;

c) que les éléments de comparaison tirés des prix pratiqués dans la concurrence ne sont pas significatifs, les magasins choisis étant situés dans le 12e arrondissement de Paris ;

Considérant que, contrairement aux affirmations du prévenu, il ressort de la procédure :

que le prix d'achat établi à partir des factures fournies par le prévenu est, soit celui figurant directement sur la facture lorsqu'il s'agit d'un produit fini, soit celui calculé par addition du prix de l'or mis en œuvre et de la façon, lorsque celle-ci est assurée par un sous-traitant ;

Qu'en ce qui concerne les bijoux montés de pierres précieuses, le coefficient multiplicateur a été établi, non pas à partir du prix de l'or uniquement, mais à partir du prix d'achat HT du produit fini ;

Qu'en outre, les magasins dans lesquels l'Administration est intervenue pour vérifier les prix et coefficients multiplicateurs pratiqués par la concurrence, sont des bijouteries traditionnelles de Paris, situées dans les 11e et 12e et qu'il a été établi que les prix et coefficients multiplicateurs pratiqués dans ces bijouteries pour des bijoux identiques sont conformes à ceux couramment pratiqués par les détaillants de la profession en région parisienne ;

Sur l'infraction objet de la poursuite :

Considérant que les premiers juges, par des motifs pertinents que la cour adopte, ont fait une exacte appréciation des circonstances de fait et de droit de la présente affaire ;

Que, notamment, c'est à bon droit qu'ils ont écarté des débats les " factures " produites par le prévenu au cours de l'enquête pour établir les prix de référence pratiqués par lui hors période de promotion ;

Qu'en effet, les documents produits ne sont pas des factures mais des attestations délivrées à leurs clients par les SARL Y et X,que les dates qu'elles portent sont les dates de délivrance de ces attestations et non les dates de vente des bijouxet qu'elles sont toutes, sauf une, antérieures au mois d'octobre 1990, seul mois à prendre en compte pour le calcul des prix de référence selon l'article 3 de l'arrêté du 2 septembre 1977 ;

Considérant dès lorsque les premiers juges ont tiré des circonstances de fait de la présente affaire et de leurs constatations les conséquences juridiques qui s'imposaient en retenant la culpabilité du prévenu, à qui il appartenait en tout état de cause de communiquer les éléments de justification de la publicité incriminée, ce qu'il n'a pas été en mesure de faire, et en le condamnant à six mois d'emprisonnement avec sursis ;

Que, toutefois, la campagne publicitaire litigieuse ayant été purement locale, effectuée par voie d'affiches sur les vitrines des trois magasins, il est équitable de réduire la peine d'amende à 100 000 F ;

Sur les intérêts civils :

Considérant que les syndicats professionnels tiennent de l'article L. 411-11 du Code du travail le droit de se constituer parties civiles " relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;

Que la campagne publicitaire mensongère initiée par le prévenu a porté atteinte aux intérêts des professions que représentent la Fédération nationale des chambres syndicales des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de France et la Chambre syndicale des Horlogers, Bijoutiers, Joailliers, Orfèvres Détaillants et Artisans de Paris et de la région Parisienne, par le discrédit que de telles campagnes jettent sur les pratiques commerciales de ces professions ;

Que ces deux organismes professionnels sont donc recevables à se constituer partie civile ;

Considérant que les premiers juges ont procédé à une juste évaluation des dommages-intérêts à accorder à chacune des trois parties civiles ;

Que la cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour confirmer l'évaluation qu'ils ont faite tant en ce qui concerne le montant du dommage proprement dit, que la publication de la décision à intervenir ;

Qu'il convient cependant de porter à 5 000 F la somme à allouer à chacune des parties civiles sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Considérant enfin qu'il n'y a pas lieu faute d'éléments d'appréciation, d'ordonner la cessation des publicités en cours ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement ; Confirme le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité, la peine d'emprisonnement de six mois assortie du sursis et sur les intérêts civils ; Le réformant pour le surplus condamne S Eric à une amende de 100 000 F ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; Condamne S Eric à payer à chacune des parties civiles la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Condamne le prévenu aux dépens, ceux d'appel étant liquidés à la somme de 524,24 F.