CA Lyon, 4e ch. corr., 2 mars 1988, n° 402
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Procureur de la république, Michelin (Sté), Union fédérale des consommateurs de la Loire, Association force ouvrière consommateurs de la Loire, Union départementale des associations familiales, Organisation générale des consommateurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Roman
Conseillers :
MM. Picherit, Fayol-Noireterre
Avoués :
Mes Barriquand, Guillaume, Magnillat
Avocats :
Mes Paulet, Bouchut, Moulard, Farre, Basson, Dealberti.
Par jugement en date du 9 avril 1987, le Tribunal de grande instance de Saint-Etienne,
* statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre de B du chef d'avoir à La Ricamarie, le 9 mars 1986, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les procédés de la vente de pneumatiques et objectifs, et
* statuant sur citation directe de la partie civile Michelin qui, tout en s'associant à la poursuite du Ministère public, demande que la prévention soit établie à compter du 9 mars 1983 jusqu'au 9 mars 1986 :
- A ordonné la jonction des procédures,
A déclaré B coupable du délit de publicité mensongère de nature à induire en erreur sur les procédés de vente à compter du 5 août 1984, en application des articles 44-1 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et réprimé par les articles 44 II al. 9 et 10 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905 et avec les mesures prévues par l'article 44-II al. 3 et 6 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973.
- L'a condamné à cinquante mille francs d'amende.
- A ordonné la publication du jugement dans son intégralité (sauf la partie procédure) dans le journal Hebdo au coût maximum de 4 000 F aux frais avancés par le Trésor.
- A condamné le prévenu aux dépens. A déclaré la SA X civilement responsable.
Le même jugement a relaxé B pour les faits antérieurs au 5 août 1984.
Sur l'action civile :
A condamné B à payer :
- à la société Michelin la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts, et celle de 1 500 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
- à chacune des Associations Orgeco, AFOCL, UDAF et UFCL la somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts, outre celle de 250 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
A dit n'y avoir lieu à insertion dans la presse du jugement à titre indemnitaire pour les parties civiles.
A condamné le prévenu aux dépens.
Attendu que le prévenu Jean-Jacques B et la partie civilement responsable la société X puis le Ministère public ont régulièrement interjeté appel le 16 avril 1987 contre le jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 9 avril 1987 ;
Attendu que toutes les parties régulièrement citées ont comparu à l'audience du 10 février 1988 ;
Attendu que le prévenu a soutenu que les faits reprochés ne tombent pas sous le coup de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, que l'action de la société Michelin est irrecevable puisqu'elle n'a pas la qualité de consommateur et que cette action n'est pas fondée puisqu'aucun préjudice n'est établi ; que le prévenu a demandé la condamnation de la société Michelin à lui verser 5 000 F à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que la société Michelin a demandé la confirmation du jugement ainsi que l'augmentation à 4 000 F de la somme devant lui être attribuée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'Union fédérale des consommateurs de la Loire a demandé la confirmation du jugement et l'allocation d'une somme supplémentaire de 1 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'Association Force Ouvrière des Consommateurs de la Loire et l'Union départementale des allocations familiales ont demandé la confirmation du jugement ;
Attendu que l'Organisation générale des consommateurs a demandé la confirmation du jugement et l'élévation à 1 000 F de la somme accordée en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que, le 9 mars 1986, les services de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté au magasin " X-Centre-Auto " de La Ricamarie (Loire) que Jean-Pierre C déconseillait l'achat de pneus Michelin et conseillait au contraire l'achat de pneus Firestone ;
Attendu que Jean-Pierre C était en costume de ville au moment du contrôle effectué à 9h45 ; qu'il a reconnu porter habituellement une blouse bleue pourvue sur la poitrine d'une étiquette blanche sur laquelle est tissée en rouge la mention " X-Centre-Auto " ; que cet aveu a été confirmé par Philippe D, responsable du " Centre-Auto ", placé sous l'autorité directe du prévenu ;
Attendu que Jean-Pierre C a indiqué en outre qu'il possède un badge " Firestone " accompagné de son nom mais ne le porte pas systématiquement, qu'il reçoit une rémunération fixe de la société Firestone ainsi qu'un intéressement sur la vente des pneus de cette société ;
Attendu que les contrôleurs se sont présentés tout d'abord en simples clients et que le vendeur leur a affirmé la supériorité des pneus Firestone sur les pneus Michelin qu'ils demandaient ;
Attendu que la réponse du Ministère de l'économie du 5 octobre 1979 (JO Sénat page 3034) estime que la présence de vendeurs mis par les fabricants à la disposition des distributeurs qui revendent leurs produits aux consommateurs, alors que ces distributeurs vantent dans leur publicité l'indépendance de jugement des vendeurs, rend cette publicité passible des peines prévues par l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 ;
Attendu que le port d'une blouse par Jean-Pierre C où figure une étiquette tissée portant la mention " X-Centre-Auto ", alors que ce vendeur est rémunéré par un fabricant réalisant 42 % des ventes de pneus dans le magasin, constitue une publicité de nature à induire en erreur sur les procédés de vente;
Attendu qu'en fournissant à un salarié de la société Firestone une blouse portant l'étiquette de la société " X ", Jacques B ne pouvait pas ignorer qu'il créait un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs, ces derniers pouvant légitimement croire en l'objectivité du vendeur;
Attendu que Jacques B, entré dans ses fonctions de directeur commercial de la société X le 5 août 1984, ne peut être responsable des faits commis avant cette date ; que la prévention doit être rectifiée en conséquence ;
Attendu que la peine d'amende et la publication ordonnée par le tribunal correspondent à une juste sanction de l'infraction commise ;
Attendu que le prévenu et la société X sont mal fondés à prétendre irrecevable l'intervention de la société Michelin en qualité de partie civile; qu'en effet, cette société justifie d'un préjudice personnel et direct causé par l'infraction, dès lors que le pourcentage des ventes des pneumatiques de sa marque au magasin X dirigé par le prévenu n'est que de 32,59 % de septembre à décembre 1985 au lieu de 45 % à 50 % dans les autres magasins à grande surface et que le nombre des pneus vendus est tombé en valeur absolue de 14 500 en moyenne en 1980, 1981 et 1982, à 5 754 en 1985 à la suite de la publicité incriminée;
Attendu que les demandes présentées par les autres parties civiles sont également recevables ; qu'il convient de confirmer les dommages et intérêts alloués par le tribunal ainsi que les sommes attribuées en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en portant cependant à 3 000 F la somme attribuée à ce titre à la société Michelin ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Déclare recevables en la forme les appels interjetés par le prévenu, la partie civilement responsable et le Ministère Public ; Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 9 avril 1987 sur la déclaration de culpabilité, sur la peine d'amende, sur la publication et sur les dispositions civiles, étant cependant précisé que l'infraction n'a été commise que du 5 août 1984 au 9 mars 1986 ; Elève à 3 000 F la somme allouée à la société Michelin en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Déboute le prévenu de sa demande en dommages et intérêts ; Condamne B aux dépens de première instance et d'appel et aux frais des actions civiles et les émoluments de Me Barriquand, Me Guillaume et Me Magnillat, avoués ; Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi.