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Décisions

CA Angers, 2e ch. corr., 27 juillet 1988, n° 656

ANGERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Procureur général, Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Micaux

Conseillers :

MM. Buisson, Malleret

TGI Angers, ch. corr., du 28 oct. 1987

28 octobre 1987

LA COUR :

Le Procureur général a interjeté appel d'un jugement du tribunal correctionnel d'Angers du 28 octobre 1987 ayant relaxé Mme Y de la prévention de publicité mensongère dirigée contre elle.

Signataire le 30 décembre 1987 de l'accusé de réception de la lettre l'avisant de la remise de la citation à son domicile, Mme Y n'est ni présente ni représentée. Par lettre et télégramme, son conseil demande le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure pour sa convenance personnelle, étant retenu devant une autre juridiction ; cependant, la cour relève que sa cliente connaissait depuis cinq mois sa date de comparution devant la cour de céans et que son défenseur, comme en fait foi son papier à lettres, exerce au sein d'un cabinet ne comprenant pas moins de dix avocats, organisation qui permet d'assurer le même jour l'expédition de plusieurs affaires dans des villes différentes.

Le ministère public requiert l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de Mme Y à une amende de 4 000 F.

Avisé de la date de l'audience, le service de la répression des fraudes est présent et explique que Mme Y a bien commis la publicité mensongère qui lui est reprochée.

Il résulte de la procédure et des débats, et notamment du procès-verbal du 20 août 1984 du service de la répression des fraudes, que les fonctionnaires dudit service procédaient le 29 septembre 1983, au centre commercial Grand Maine à Angers, rue de Launay, au contrôle de la boulangerie Z (faisant partie du groupe Y SARL), dont Mme Y est la dirigeante), dont le bandeau comporte l'annonce " pain cuit dans un four chauffé au bois ", inscrit en lettres lumineuses.

Les investigations révélaient que, si le combustible utilisé par la boulangerie Z est effectivement du bois, le four utilisé est un four de marque Llopis à chauffage continu et source de chaleur indirecte, provenant de la combustion du bois placé dans le four et réparti dans une chambre située à l'arrière du foyer, et transmise à la sole en terre réfractaire par l'intermédiaire de matériaux adéquats.

Il existe en effet deux procédés de cuisson du pain, le traditionnel qui procède d'un contrat direct des flammes et des braises sur les parois intérieures réfractaires de la sole et de la voûte du four, permettant une profondeur ; ce mode de chauffage est dit discontinu, toute combustion cessant pendant la cuisson du pain et le four allant en se refroidissant au fur et à mesure de la cuisson du pain ; l'actuel, qui permet un fonctionnement continu, la chambre de cuisson du pain étant chauffée de l'extérieur par les gaz chauds.

Or, il résulte du document technique d'emploi du four Llopis utilisé par la boulangerie incriminée, versé aux débats, et du constat d'huissier établi à la demande de la prévenue, que le four utilisé est un four à chaleur constante constitué d'une double enceinte contre les parois duquel montent les gaz de combustion provenant du foyer, permettant un enfournement et un défournement à volonté.

Ainsi, le four utilisé par la prévenue, même alimenté par le bois, ne peut être, s'agissant d'un four à chauffage indirect et à chaleur constante, assimilé à un four traditionnel.

Mme Y, pour sa défense, affirme que la paroi interne du four, en se fissurant, provoque une perméabilité permettant le passage d'aldéhydes provenant de la combustion du bois, ajoutant à la saveur du pain, mais il résulte d'un document édité par le CNRS en 1979 que les odeurs dégagées par la combustion du bois ne peuvent participer au goût du pain.

Elle soutient aussi que son pain est un excellent produit, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté, mais il est établi que la qualité d'un pain est le résultat de la réunion de plusieurs éléments, notamment de la farine employée, du levain incorporé, ainsi que du procédé de pétrissage.

Il subsiste cependant une différence entre les qualités organoleptiques que peuvent avoir l'un et l'autre pain, une différence irrémédiable entre le pain cuit traditionnellement, c'est-à-dire dans un four à chaleur décroissante, et le pain cuit dans un four à chaleur constante, et qui tient sa consistance : dans un four du premier type, le pâton est saisi par une chaleur vive et forme donc une croûte assez épaisse enfermant la mie qui, par une cuisson de plus en plus douce, va être de bonne consistance et sujette moins qu'une autre à rassir prématurément.

Ainsi, l'allégation " pain cuit dans un four chauffé au bois " qui évoque le procédé traditionnel, est donc de nature à induire en erreur le client qui croit acheter un pain de bonne qualité et susceptible de se conserver frais plus longtemps, en raison de son mode de cuisson.

De plus, la publicité faite par Mme Y s'adressait au public friand de produits traditionnels auxquels il attribue des qualités gustatives et hygiéniques, alors qu'elle n'ignorait pas que, compte tenu des caractéristiques de son four, elle était dans l'impossibilité de fabriquer un tel produit.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire à signifier, Infirmant le jugement déféré et statuant à nouveau, Déclare Mme Y coupable de publicité mensongère, En répression, la condamne à deux mille francs d'amende, Condamne Mme Y aux dépens de première instance et d'appel, Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits, par application des articles 44-I de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 410, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.