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Décisions

CA Orléans, ch. corr., 5 mars 1990, n° 182-90

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Union des consommateurs de l'agglomération orléanaise

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Conseillers :

Mme Lardennois, M. Turquey

Avocats :

Mes Millot, Moreau.

TGI Orléans, ch. corr., du 15 févr. 1989

15 février 1989

LA COUR,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par le prévenu D Guy, le Ministère Public et la partie civile l'Union Fédérale des Consommateurs, d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel d'Orléans le 15 février 1989 qui, sur des poursuites exercées à l'encontre de Guy D du chef de publicité mensongère, a :

sur l'action publique :

- condamné D Guy à une amende de 50 000 F,

- ordonné la publication du jugement par extrait dans " La République du Centre " et les " Nouvelles d'Orléans " aux frais du condamné,

sur l'action civile :

- reçu l'Union des Consommateurs de l'Agglomération Orléanaise en sa constitution de partie civile,

- condamné Guy D à verser à l'UFC - UCAO la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- condamné D Guy aux frais de l'action civile.

Faits et procédure,

En novembre et décembre 1987, étaient apposés, en différents endroits de l'agglomération d'Orléans, des panneaux publicitaires ainsi libellés :

X

sur tout le magasin

Soldes

du 27 nov.

au 12 déc. 87 - 50 %

* marqués d'une étiquette jaune

X

<adresse>

Le 7 décembre 1987, l'Union Fédérale des Consommateurs d'Orléans, déposait plainte entre les mains du Procureur de la république d'Orléans pour publicité de nature à induire en erreur, en infraction de la loi " Royer " du 27 décembre 1973, contre le responsable du magasin X.

Etendu par les services de police, Guy D, PDG de la société Y, exploitant et responsable de " X " à Saran, conteste l'infraction en faisant valoir que 92 % des salons exposés dans son magasin bénéficiaient d'une remise de 50 %.

Guy D était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour publicité mensongère.

Le 15 février 1989, le tribunal rendait le jugement dont appel.

Devant la cour, le prévenu fait valoir que la quasi-totalité des salons exposés (92 %) bénéficiait de cette solde de 50 %.

Il ajoute que la seule constatation d'une disproportion typographique entre mentions attractives et restrictives ne suffit pas à constituer le délit.

Le prévenu fait valoir également qu'il n'a été enregistré de plainte d'aucun client pendant cette campagne publicitaire, et qu'aucune poursuite n'a été exercée par la Direction de la concurrence et des prix.

Il ajoute enfin que sa bonne foi est évidente et qu'aucune intention coupable ne peut être retenue.

Le prévenu sollicite en conséquence sa relaxe et le débouté de l'UFCO de ses chefs de demande.

Subsidiairement, si la cour le retenait dans les liens de la prévention, de fixer le montant de l'amende à 50 % des dépenses publicitaires engagées, soit au maximum à 39 198 F.

Le Ministère public requiert la confirmation pure et simple de la décision querellée.

La partie civile sollicite également la confirmation de la décision et la condamnation du prévenu au paiement de la somme de 2 500 F à titre de dommages-intérêts et 2 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur quoi, LA COUR,

Sur l'action publique :

Attendu que D Guy est poursuivi pour délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, prévu par l'article 44 de la loi n° 73-193 du 27 décembre 1973, dite loi " Royer " modifié par la loi 78-23 du 10 janvier 1978 ;

Que l'article 44-1 est ainsi rédigé : " est interdite toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur un ou plusieurs des éléments ci-après : existence, nature, composition, qualités substantielles, teneur en principes utiles, espèce, origine, quantité, mode et date de fabrication, propriétés, prix et conditions de vente de biens ou services qui font l'objet de la publicité, conditions de leur utilisation, résultats qui peuvent être attendus de leur utilisation, motifs ou procédés de la vente ou de la prestation de services, portée des engagements pris par l'annonceur, identité, qualités ou aptitudes du fabricant, des revendeurs, des promoteurs ou des prestataires ".

Attendu que, des photographies et documents versés aux débats, il apparaît que les affiches publicitaires commandées par " X " à Saran, mesuraient 4 mètres sur 3 mètres ;

Que cette affiche comportait en lettre blanche sur fond de couleur rouge, en très gros caractères " sur tout le magasin Soldes - 50 % et dont la hauteur étant de 0,54 m ;

Qu'au bas de cette affiche était portée la mention " *marqué d'une étiquette jaune " en caractère de 4 centimètres de hauteur ;

Qu'il n'est pas contesté que les panneaux publicitaires supportant ces affiches jalonnaient la RN 20 entre Orléans et Saran.

Attendu, en second lieu, que le prévenu ne saurait invoquer que, pendant la campagne publicitaire, il n'a été enregistré aucune plainte de clientet qu'aucune poursuite n'a été exercée par la Direction de la concurrence et des prix ;

Qu'il est de jurisprudence constante que le délit de publicité mensongère n'exige pas qu'un consommateur ait été réellement induit en erreur ou ait subi un préjudice ;

Qu'il suffit seulement que la publicité incriminée ait été de nature à produire cet effet.

Attendu, par ailleurs, en ce qui concerne l'absence de procès-verbal d'infraction par les agents de la Direction de la concurrence, il convient de remarquer que la Cour suprême a décidé que l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973, étendant la compétence de certains fonctionnaires à la constatation des infractions à l'article 44-I, n'excluait pas le recours à tout autre mode de preuve ;

Qu'il apparaît que la compétence des agents de la Direction de la concurrence et des prix n'est pas exclusive.

Attendu qu'en définitive, il importe de savoir si les mentions portées sur les affiches litigieuses pouvaient induire en erreur le public en raison de leur ambiguïté ou de leur manque de précision.

Attendu que les panneaux publicitaires qui jalonnaient la route nationale entre Saran et Orléans étaient destinés à des clients potentiels circulant à bord de véhicules automobiles ;

Que, compte tenu de la vitesse autorisée, la mention restrictive, d'une hauteur de caractère de 4 centimètres était telle que celle-ci était pratiquement illisible ;

Qu'il s'est agi là d'un artifice de présentation de nature à faire croire aux clients potentiels qui n'avaient pas le temps ou la possibilité de déchiffrer toutes les mentions de l'affiche, que tous les articles du magasin étaient soldés à 50 % de leur valeur ;

Que le délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur est établi ;

Qu'en effet le fait, pour le PDG de " X ", Guy D de ne pas s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité ou ne pas en vérifier le contenu avant sa diffusion suffit à caractériser l'infraction ;

Que l'élément intentionnel s'identifie avec la négligence ou l'ignorance coupable dont a fait preuve le prévenu.

Attendu que c'est à bon droit que Guy D a été retenu dans les liens de la prévention ;

Que l'infraction reprochée au prévenu est punie des peines prévues à l'article 1er de la loi du 1er août 1905, relative à la répression des fraudes, qui prévoit une peine d'emprisonnement de 3 mois au moins, 2 ans au plus, et une amende de 1 000 F au moins à 250 000 F au plus ou de l'une de ces deux peines seulement ;

Que, dès lors, le montant de 50 000 F d'amende a été équitablement arbitré par les premiers juges ;

Qu'il convient également de confirmer les mesures de publicité.

Sur l'action civile :

Attendu que c'est à bon droit que les premiers juges ont reçu l'UFC - UCAO en sa constitution de partie civile ;

Que le préjudice subi a été équitablement arbitré par le tribunal ;

Qu'il parait inéquitable de laisser à la charge de la partie civile les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Qu'il y a lieu de condamner le prévenu à lui verser la somme de 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Par ces motifs : LA COUR, statuant contradictoirement, Reçoit les appels réguliers en la forme, Tant sur l'action publique que sur l'action civile, Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Y ajoutant, Condamne D Guy à verser à l'Union des Consommateurs de l'Agglomération Orléanaise la somme de deux mille francs (2 000 F) sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, ainsi qu'aux dépens, Liquide les frais dus envers l'Etat à la somme de xxx F.