CA Rennes, ch. corr., 2 mai 1990, n° 645-90
RENNES
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Procureur de la république, Le Gallic (Epoux), Direction de la concurrence et des prix
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Casorla
Conseillers :
Mme Riboulleau, M. Ploux
Avocats :
Mes Valton, Shor-Attali.
Statuant sur les appels interjetés le 3 mars 1989 par le prévenu Francis C, sur les dispositions pénales et civiles, et par le Procureur de la république de Lorient d'un jugement contradictoire du Tribunal correctionnel de Lorient en date du 23 février 1989 qui a déclaré Francis C coupable de publicité mensongère et l'a condamné à 20 000 F d'amende, ordonné la publication du dispositif du jugement et, sur l'action civile, l'a condamné à payer aux époux Le Gallic les sommes de 4 000 F en réparation de leur préjudice moral et 1 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale;
Considérant qu'il est fait grief à Francis C d'avoir, à Lorient et dans son arrondissement judiciaire, courant mai et octobre 1987, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, "comme faisant état pour promouvoir la vente d'une résidence, de son caractère exceptionnel à Lorient et de son ensoleillement maximum, alors qu'un projet de construction voisine d'un collectif interdisait les qualificatifs et descriptifs utilisés";
Fait prévu et réprimé par les articles 44-I de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973, 44-II al. 9 et 10 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905 et avec les mesures prévues par l'article 44-II al. 3 et 6 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973;
Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants:
Par lettre du 3 mai 1988, les époux Le Gallic portaient plainte contre l'agence X auprès du service de la répression des fraudes; ils exposaient que, sur la foi de diverses annonces publicitaires faites dans la presse par cette agence, ils s'y étaient présentés le 23 octobre 1987 et il leur avait été notamment proposé une maison pour laquelle la publicité était faite dans les termes suivants: "Exceptionnel Lorient Proximité immédiate du centre, propriété sur terrain de 1 000 m² env. clos, env. clos et arboré, séjour salon de 60 m² environ, ensoleillement maximum, 5 chambres, sous-sol garage, à visiter - prix justifié". Il s'avérait effectivement que cette annonce avait paru à la demande de l'agence X les 25 mai, 5 et 15 octobre 1987 dans la gazette lorientaise. Mis en confiance par la présentation de l'affaire, les plaignants signaient le jour même le compromis de vente. Le 23 janvier 1988, quelques jours avant la signature de l'acte de vente, ils apprenaient l'existence d'un projet immobilier immédiatement voisin, l'immeuble en projet situé au sud de la propriété devant comporter 20 logements sur une longueur de 25 mètres, pour une hauteur de 12 mètres sur 15 mètres de profondeur;
L'enquête des services de la répression des fraudes établissait que le promoteur de l'immeuble en construction, Y avait donné mandat en 1984 à l'agence X de vendre les appartements du futur immeuble. Par ailleurs, le projet immobilier avait subi une vive hostilité des riverains, la polémique ayant trouvé un large écho dans la presse locale. En outre, le programme avait reçu deux permis de construire successifs le 26 juin 1981 affiché le 6 juillet 1981, le 29 novembre 1983 affiché le 8 mars 1984 annulé le 7 juin 1985;
Considérant que le prévenu conteste avoir commis le délit de publicité mensongère aux motifs, d'une part, que la maison présentait bien les caractéristiques de l'annonce, le mandataire annonceur n'était pas pénalement responsable d'une omission à une obligation de renseignements alors que la construction projetée sans permis de construire valable à la date de publication de l'annonce, "était purement éventuelle, et, d'autre part, qu'il ignorait tout du projet de construction de la société Y;
Considérant que le délit de publicité mensongère suppose que soient établies outre les moyens de publicité, d'une part, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, d'autre part, que ces allégations ou indications portent sur l'existence des éléments caractéristiques ou substantiels du produit ou de la prestation de services, ou encore sur l'identité, les qualités ou les aptitudes des fabricants, vendeurs, promoteurs ou prestataires;
Considérant qu'il n'est pas contesté que l'agence dirigée par le prévenu a fait paraître de mai à octobre 1987 une annonce publicitaire insistant sur le caractère "exceptionnel" et "l'ensoleillement maximum" d'une propriété dont le prix était "justifié", qu'à la lecture de cette annonce, le consommateur normalement attentif pouvait s'attendre à des prestations particulières compte tenu des termes employés "exceptionnel", "maximum", "prix justifié";
Considérant qu'il n'est pas davantage contesté qu'un projet immobilier important jouxtant, au sud, la propriété était en projet depuis 1981, que le permis de construire avait été affiché à deux reprises le 6 juillet 1981 et le 8 mars 1984 avant d'être annulé le 6 juillet 1985, qu'une importante polémique alimentée par les riverains et notamment par le vendeur de la propriété, Marc Pierrat, avait trouvé son prolongement dans la presse ainsi qu'en témoigne un article de presse en date du 30 décembre 1985, qu'au moment de la publication de l'annonce, une nouvelle demande de permis de construire déposée le 31 mars 1987 par Y, promoteur de l'opération, était en cours d'instruction pour aboutir le 26 février 1988 à l'obtention d'un nouveau permis de construire;
Qu'interrogé par les fonctionnaires enquêteurs du service des fraudes, M. N, responsable de Y, a confirmé avoir acheté le terrain mitoyen de la propriété le 7 octobre 1980 aux fins d'édification d'un immeuble d'habitation collectif et avoir donné en 1984 un mandat à l'agence X de vendre les futurs appartements;
Considérant qu'en l'état de ces éléments du dossier, Francis C ne saurait davantage prétendre y compris dans ses trois notes en délibéré qu'il ignorait l'existence d'un projet immobilier important, mitoyen au sud, d'une propriété dont il vantait par voie d'annonce publicitaire le caractère "exceptionnel" et l'ensoleillement "maximum", alors même qu'à la tête d'une importante agence immobilière lorientaise, il se présente dans les publicités litigieuses comme un "Centre immobilier" traitant de l'évolution du marché immobilier lorientais, qu'il lui appartenait de s'assurer, avant toute publicité, alors qu'il avait été en contact professionnel avec le promoteur propriétaire du terrain voisin, du maintien d'un projet immobilier;
Considérant qu'il apparaît clairement, notamment par l'emploi des termes "exceptionnel, ensoleillement maximum", "prix justifié" que le prévenu en ne s'assurant pas de la sincérité de la publicité et en s'abstenant de révéler une nuisance ou un environnement de nature à affecter les qualités substantielles de la propriété, objet de la publicité, a commis le délit de publicité mensongère qui lui est reproché, que la décision sur l'action publique exactement appréciée par les premiers juges sera confirmée dans toutes ses dispositions;
Sur l'action civile
Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que c'est à la suite de la consultation des publicités, dont la publicité litigieuse, parues à l'initiative de l'agence X que les époux Le Gallic se sont présentés pour se voir proposer diverses maisons dont celle faisant l'objet de la publicité litigieuse et pour laquelle le compromis de vente était signé le jour même;
Considérant que les dispositions civiles du jugement, exactement appréciées seront confirmées, que les parties civiles, sollicitant l'attribution d'une somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel, il leur sera alloué de ce chef la somme de 1 500 F;
Par ces motifs: Statuant publiquement et contradictoirement; En la forme: Reçoit les appels; Au fond: Confirme le jugement dans toutes ses dispositions; Condamne Francis C à payer aux époux Le Gallic la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale en cause d'appel; Condamne Francis C aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de vingt mille neuf cent soixante seize francs dix-neuf (20 976,19 F); En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant de l'amende prononcée et non compris les frais postérieurs éventuels; prononce la contrainte par corps; Le tout en application des articles: 44-I, 44-II al. 3, 6, 9 et 10 de la Loi 73-1193 du 27-12-73, 1 de la Loi du 1er août 1905, 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.