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Décisions

CA Lyon, 7e ch. A, 13 novembre 1991, n° 628

LYON

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Conseillers :

MM. Poudensan, Gouverneur

Avocats :

Mes Benoliel, Lemaire, Stasi, Morin.

TGI Lyon, 5e ch. corr., du 14 févr. 1991

14 février 1991

Par jugement en date du 14 février 1991, le Tribunal de grande instance de Lyon,

* statuant sur les poursuites diligentées à l'encontre des susnommés des chefs :

- d'avoir, à Paris, Lyon et sur l'ensemble du territoire national, courant 1984 et 1985, fait paraître des publicités comportant des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles d'appareils d'électrothérapie (mention d'une homologation du Ministère de la Santé suggérant leur efficacité thérapeutique alors qu'elle se rapportait à leur conformité aux normes de sécurité électrique) et sur les conditions de vente desdits appareils (bons à retourner en vue de l'envoi d'une documentation informative entraînant le démarchage immédiat des clients),

- d'avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, à l'occasion de démarchages au domicile de personnes physiques,

* omis de remettre aux clients au moment de la conclusion du contrat un document portant mention de la faculté de renonciation prévue à l'article 3 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 et comportant un formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de cette faculté de renonciation,

* exigé ou obtenu des clients une contrepartie avant l'expiration du délai de réflexion prévu à l'article susvisé,

- de s'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, en employant des manœuvres frauduleuses pour faire naître l'espérance d'un événement chimérique (présentation ambiguë d'appareils d'électrothérapie, mise en avant d'une homologation à la portée équivoque desdits appareils, dans le but d'apporter aux clients la guérison ou un soulagement de leurs douleurs) fait remettre des fonds et d'avoir, par ce moyen, escroqué tout ou partie de la fortune de MM. Tunc, Marmounier, Mounier, Beaulaygue, Conductier, Torrent, Grillet et Loizy ;

Faits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1, 2, 3, 4 et 5 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 et 405 du Code pénal ;

A :

Relaxé E et D,

Relaxé C du chef d'escroquerie et d'infraction à la loi sur le démarchage, l'a déclaré coupable pour le surplus,

Relaxé Brigitte A du chef d'escroquerie et d'infraction à la loi sur le démarchage par la non-remise d'un document portant mention de la faculté de renonciation, l'a déclarée coupable pour le surplus,

Relaxé M du chef d'escroquerie, l'a déclaré coupable pour le surplus,

Les a condamnés :

Gino M à treize mois d'emprisonnement avec sursis et cinquante mille francs d'amende,

Brigitte A à treize mois d'emprisonnement avec sursis et cinquante mille francs d'amende,

Gérard C à treize mois d'emprisonnement avec sursis et cinquante mille francs d'amende,

A ordonné la publication par extraits, dans les journaux :

* Notre Temps

* Le Pélerin

* Le Chasseur Français

* Lyon-Matin

le coût de chaque insertion ne pouvant excéder 5 000 F hors taxe, aux frais des condamnés,

A condamné Ma, M et C aux dépens et a fixé la durée de la contrainte par corps conformément à la loi.

Sur l'action civile :

A condamné solidairement M, A et C à payer à la partie civile 30 000 F à titre de dommages-intérêts et 4 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Les a condamné aux dépens.

I - Sur les faits :

Attendu qu'à la suite d'une plainte adressée au Procureur de la République de Lyon le 26 novembre 1984 par l'Union des Consommateurs du Rhône l'enquête effectuée par les Services de police judiciaire révélait que de nombreuses personnes, généralement âgées voire très âgées, ayant pris connaissance de publicités parues dans les quotidiens régionaux ou dans les revues Notre Temps, Le Pélerin, Le Chasseur Français et avoir renvoyé un coupon-réponse pour demander une documentation, ont reçu à leur domicile la visite d'un démarcheur qui leur a présenté un appareil d'électrothérapie dénommé X, les a persuadés de son efficacité pour soulager les douleurs et soigner diverses maladies, leur a fait signer un " contrat-facture " stipulant la vente de l'appareil, qui leur était immédiatement livré, pour un prix de l'ordre de 7 000 à 8 000 F, et s'est fait immédiatement remettre en paiement total ou partiel soit des espèces, soit un ou plusieurs chèques, soit des traites acceptées, soit une autorisation de prélèvement bancaire ou postal, en leur faisant en outre souscrire le cas échéant une demande de crédit, sans respecter le délai de réflexion prévu par la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 ; que dans leur grande majorité les acquéreurs se sont plaints de la totale inefficacité de l'appareil qu'ils avaient acheté, alors que la publicité vantait l'efficacité des appareils en question pour soulager les douleurs et soigner diverses maladies et faisait état de l'homologation accordée par le ministre de la Santé et rappelée par un papillon tricolore apposé sur chaque appareil ;

Attendu que, lorsqu'elle n'était pas purement et simplement omise, la faculté de renonciation prévue par la loi du 22 décembre 1972 était mentionnée au dos du " contrat-facture " en très petits caractères, le coupon détachable étant lui aussi imprimé au verso et portant au recto le nom de la société débitrice de l'appareil ;

Attendu qu'un client, André Conductier, qui avait exercé la faculté légale de rétractation, s'en est vu refuser le bénéfice et a dû payer le prix stipulé ;

Attendu que deux autres clients, Maurice Grillet et Victorine Marmounier, ont signé des contrats où cette faculté n'était même pas mentionnée ;

Attendu que l'enquête a révélé que les appareils d'électrothérapie litigieux, ainsi que d'autres appareils similaires, ont été distribués successivement par plusieurs entreprises à l'existence plus ou moins éphémère implantées à Paris ou dans la banlieue parisienne, outre d'autres sociétés établies à Luxembourg et dans la Région de Metz étrangères à la présente poursuite :

- SA Laboratoires C, alias Laboratoires D, <adresse>à Paris 11e, dirigée par L assisté de Pierre F et de Gino M,

- SARL S, ayant la même adresse et les mêmes dirigeants, déclarée en état de liquidation des biens le 4 juin 1981,

- SARL E, <adresse>à Montreuil, animée sous le couvert de gérants de paille par F avec le concours de M, déclarée en état de liquidation des biens le 26 mai 1981,

- SARL G, même adresse, gérée de fait par M, déclarée en état de liquidation des biens le 2 juin 1983,

- SARL H, ayant son siège <adresse>à Paris 19e mais fonctionnant dans les mêmes locaux que E et G à Montreuil, gérée officiellement par William D puis André E mais de fait par M, déclarée en liquidation des biens le 26 juillet 1985,

- SARL O, société en sommeil reprise par M qui en est devenu le gérant le 24 janvier 1985, ayant son siège <adresse>à Paris 10e mais exerçant son activité <adresse>à Montreuil,

- I, commerce en nom personnel créé en 1977 par Gérard C, déclaré en règlement judiciaire le 28 février 1983,

- SARL J, alias Laboratoire K, ayant son siège successivement <adresse>à Paris 12e puis <adresse>à Paris 11e, gérée par Brigitte A avec le concours technique bénévole de Gérard C ;

Attendu que ce dernier a créé d'autre part une SARL L ayant son siège <adresse>à Paris 12e, ayant pour activité l'édition publicitaire et s'occupant notamment de la publicité de J ;

Attendu que les liens entre les sociétés susnommées sont illustrés par des cession de coupons-réponses de l'une à l'autre, notamment de J à H et O, et ayant pour effet que les signataires des coupons-réponses étaient souvent démarchés par une société autre que celle à qui ils s'étaient adressés ;

Attendu qu'à de nombreuses reprises des arrêtés du ministre de la Santé pris en application de l'article L. 552 du Code de la santé publique ont prononcé l'interdiction des publicités en faveur des appareils X ou similaires en raison d'allégations injustifiées en ce qui concerne leurs propriétés, dénigrantes à l'égard d'autres procédés thérapeutiques ou même inexactes ou erronées ; que ces interdictions ont conduit plusieurs des sociétés susvisées au dépôt de bilan mais n'ont pas découragé leurs animateurs puisque chaque fois le fonds de commerce et l'activité ont été repris par une nouvelle société utilisant le même genre de publicité ; que l'on doit notamment citer les arrêtés du 26 décembre 1974 et du 18 mai 1976 concernant les Laboratoires C, 4 mars 1985 et 23 décembre 1985 concernant H et K ;

que d'autres arrêtés d'interdiction, publiés au Journal Officiel, ont été pris soit à l'encontre d'autres sociétés concernant les mêmes appareils et procédés, soit à l'encontre des sociétés ou entreprises susvisées (G, I, etc ...) concernant d'autres appareils ou procédés (balnéothérapie, hydrothérapie, etc ...) faussement présentés comme ayant des propriétés curatives ;

Attendu qu'en raison des faits ainsi résumés les quatre prévenus présentement en cause devant la cour se voient reprocher des infractions à la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, des publicités mensongères et des escroqueries ;

II - Sur les prétentions des parties :

Attendu que M sollicite verbalement sa relaxe au moins partielle et l'indulgence de la cour, faisant valoir qu'il exerce son activité en qualité de gérant de la SARL O rebaptisée P, que les appareils d'électrothérapie sont réellement efficaces, comme le démontrent de nombreux témoignages de satisfaction et une étude faite à l'hôpital Beaujon, et que les irrégularités dénoncées sont imputables à l'initiative personnelle de Mme O ;

Attendu qu'E s'affirme totalement innocent et ignorant des infractions commises et demande la confirmation de sa relaxe ;

Attendu que Brigitte A fait déposer des conclusions tendant à la confirmation de la relaxe partielle prononcée à son égard par le tribunal et à sa relaxe du chef du surplus de la prévention ; qu'elle souligne notamment que l'appareil distribué bénéficiait d'une homologation du Ministère de la Santé concernant sa conformité aux normes électriques et l'innocuité de son emploi, et que la mention de son homologation, étant obligatoire, ne pouvait induire en erreur le consommateur ; qu'elle allègue l'efficacité des appareils d'électrothérapie, démontrée selon elle par des études scientifiques et reconnue par un jugement du Tribunal correctionnel de Paris qui l'a relaxé du chef d'infraction à l'article L. 552 du Code de la santé publique ; qu'elle soutient que le libellé du coupon-réponse, permettant au lecteur de recevoir une information, et non une documentation comme l'indique par erreur la citation, ne portait pas sur les procédés de la vente et n'est donc pas punissable ;

Attendu que Gérard C fait également déposer des conclusions de relaxe pure et simple, soulignant l'efficacité des appareils d'électrothérapie, qui exclut le délit d'escroquerie, arguant de ce que l'indication dans la publicité de leur homologation par le ministre de la Santé correspondait à la stricte réalité des faits et affirmant que l'encart publicitaire annonçant la présentation d'une information gratuite contre le retour du coupon-réponse ne saurait constituer une publicité de nature à induire en erreur sur les procédés de la vente ;

Attendu que le Ministère public requiert pour le moins la confirmation du jugement déféré ;

Attendu que la partie civile intimée conclut à la culpabilité des prévenus M, A et C, y compris du chef d'escroquerie, et à leur condamnation solidaire à lui payer 30 000 F à titre de dommages-intérêts et 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

III - Sur la publicité de nature à induire en erreur :

Attendu que la poursuite incrimine des indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur portant d'une part sur les qualités substantielles d'appareils d'électrothérapie, d'autre part sur les conditions de vente desdits appareils ;

Attendu que les parties du libellé de la citation portées entre parenthèses (" mention d'une homologation du Ministère de la Santé suggérant leur efficacité thérapeutique alors qu'elle se rapportait à leur conformité aux normes de sécurité électrique " d'une part ; " bons à retourner en vue de l'envoi d'une documentation informative, entraînant le démarchage immédiat des clients ", d'autre part) doivent être considérées comme indicatives et non limitatives, la juridiction correctionnelle étant saisie d'un fait sous une qualification pénale déterminée et ne pouvant voir réduire sa mission à un simple commentaire analytique du texte de la citation ;

a) En ce qui concerne les qualités substantielles de l'appareil X :

Attendu que, comme l'a exactement relevé le tribunal, la mention de l'homologation de l'appareil X n'est critiquable que dans la mesure où elle conforte des allégations de la publicité relatives aux propriétés thérapeutiques prétendues de cet appareil ;

Attendu que cette mention figurait en caractères très apparents en tête des prospectus remis aux clients lors du démarchage et était reproduite sur une large étiquette tricolore apposée sur chaque appareil ;

Attendu qu'une publicité en pleine page du Laboratoire K parue dans l'hebdomadaire France-Dimanche du 26 novembre au 2 décembre 1984 indiquait en caractères très apparents : " A tous ceux qui souffrent. Un appareil, mis au point par un médecin français, et homologué par le Ministère de la Santé, peut vous soulager à domicile... " et vantait dans le texte les " multiples indications sur le plan médical " de l'appareil X, dont " le courant pulsé à basse intensité est ... un puissant agent anti-inflammatoire et de relaxation musculo-tendineuse " et " a un rôle essentiel dans le rajeunissement des tissus provoquant un drainage des toxines, une meilleure oxygénation des tissus (en activant la circulation) ..., a également un effet antalgique ..., soulage les affections douloureuses ..., agit également contre la cellulite " ; que le texte indiquait encore que " les malades traités ont été longuement suivis, les tests montrent un réel soulagement là ou beaucoup de cures ont échoué " et que " l'électrothérapie est enseignée dans toutes les facultés de médecine " ;

Attendu que la référence à l'homologation donnée par le Ministère de la Santé donnait force et crédit aux allégations pseudo-scientifiques relatives à l'efficacité de l'appareil X, renforcées en outre après des allégations fantaisistes sur une expérimentation clinique imaginaire et par l'affirmation mensongère d'un enseignement universitaire de l'électrothérapie ;

Attendu que les publicités plus récentes parues dans la presse (Le Chasseur Français d'octobre 1985, Lyon-Matin du 16 octobre 1985, Le Progrès du 9 mars 1985) commençaient par l'accroche " Si vous souffrez de rhumatisme ou d'arthrose ", se poursuivaient par un long exposé théorique sur les bienfaits de l'électrothérapie comportant notamment, en caractères gras, l'affirmation suivante : " Des thèses médicales officielles prouvent que l'électrothérapie peut guérir les rhumatismes " et étaient complétées par un certain nombre de témoignages de satisfaction d'utilisateurs d'appareils d'électrothérapie (certains ne précisant du reste pas s'il s'agissait de l'appareil X ou d'un autre appareil) ;

Attendu que les documents produits par les prévenus, relatifs à l'expérimentation d'appareils d'électrothérapie dans les hôpitaux publics (hôpital de la Timonne à Marseille, hôpital Beaujon à Paris), ont été établis en cours de procédure, concernent les appareils autres que l'appareil X (Physiomass GT 18, Transtonic) et ne démontrent donc nullement l'efficacité de l'appareil X ;

Attendu en revanche que l'expérimentation de cet appareil à l'hôpital Henry Gabrielle à Saint-Genis-Laval à la demande de l'Union Départementale des Consommateurs du Rhône a donné lieu à un certificat du Docteur Bernard Lacroix dans lequel ce dernier, après avoir noté l'insuffisance des stimulations produites par les courants électriques provenant de l'appareil pour obtenir un effet thérapeutique, poursuit comme suit :

" Il faut noter qu'il existe dans le commerce des appareils d'ionisation utilisant des courants d'intensité plus importante et dont le prix de revient est sept à huit fois moindre que l'appareil X. Il existe également des appareils de stimulation antalgique dont l'efficacité est absolument démontrée et dont le prix de revient est également cinq à six fois moindre que l'appareil X.

En tout état de cause, l'appareil X a une efficacité qui me paraît sinon nulle, du moins sans commune mesure avec les appareils que l'on utilise couramment en physiothérapie et ceci pour un prix beaucoup moins important.

La multiplicité des indications ... est également un abus de confiance car, malheureusement, ces traitements sont incapables de traiter des affections aussi diverses avec des localisations aussi différentes ", cette phrase faisant allusion aux multiples indications thérapeutiques spécifiées dans le prospectus accompagnant chaque appareil et comportant des affections aussi variées que la goutte, la constipation, l'impuissance, les paralysies, l'arthrose, les coliques néphrétiques ;

Attendu que les indications de ce certificats sont confortées par l'expertise ordonnée par le juge d'instruction, qui révèle que le prix de revient unitaire d'un appareil, y compris la mallette qui le contient, serait de 1 150 F au maximum, et par une facture du fournisseur révélant un prix de 865 F hors taxe, soit 1 025,89 F TVA comprise, alors que le prix de vente au public était supérieur à 7 000 F TTC ;

Attendu d'autre part qu'il résulte d'une lettre du Bureau de vérification de la publicité (BVP) du 24 mai 1984 adressé à M et d'une dépêche du ministre de la Santé et des Affaires Sociales du 26 novembre 1984 adressée à l'Union des Consommateurs du Rhône que les seules qualités pouvant être mentionnées pour des appareils de ce type sont des qualités antalgiques, des arrêtés d'interdiction étant pris à l'encontre de toute publicité faisant état d'autres propriétés ;

Attendu que les prévenus tentent de faire du présent procès celui de l'électrothérapie, dont ils estiment les mérites indiscutables, alors qu'il est seulement celui de la publicité faite en faveur d'un appareil de très faible puissance présenté comme doué de propriétés mirifiques ; qu'il ne fait aucun doute que l'électrothérapie peut être utilisée avec succès, notamment pour atténuer la douleur, en général comme adjuvant d'autres sortes de traitements et notamment la kinésithérapie, mais que les appareils employés en ce cas sont spécifiques et plus puissants que l'appareil X lequel, s'il peut parfois, en serait-ce que par effet placebo, soulager quelque peu les douleurs - ce qui explique les nombreux témoignages de satisfaction invoqués par les prévenus -, est incapable d'avoir un effet curatif sur les nombreuses affections mentionnées dans la publicité ;

Attendu que non seulement la très faible intensité du courant délivré par cet appareil - qui fonctionne sur pile de 4,5 V - exclut toute véritable action sur les lésions des malades, mais qu'en outre son utilisation en automédication, en dehors de toutes prescription et de tout contrôle médical et sans lien avec les autres traitements éventuels subis par eux, diminue encore son efficacité et présente même, selon le Docteur Lacroix, le risque de " masquer une affection susceptible de relever d'une thérapeutique médicale efficace, à condition qu'elle soit prise à temps " ;

Attendu en conséquence que les allégations des publicités incriminées, et en outre dans certaines d'entre elles leur présentation mettant en parallèle l'efficacité prétendue de l'appareil X et une homologation du Ministère de la Santé concernant uniquement son innocuité et sa sécurité électrique, étaient de nature à induire en erreur sur ses qualités substantielles et sur les résultats à attendre de son utilisation ;

Attendu que M, qui reconnaît avoir été le gérant de fait de H, ne conteste pas avoir pratiqué ce genre de publicité, soit dans la presse, soit en faisant distribuer aux clients potentiels des prospectus relatifs aux applications de l'appareil X ; que pourtant son attention avait été attirée sur l'aspect trompeur des allégations et présentations en question par la lettre précitée du BVP et par les multiples arrêtés d'interdiction pris par le ministre de la Santé à l'FLabitte, soit comme dirigeant ;

Attendu qu'E prétend n'avoir été au courant de rien ;

Attendu que Brigitte A ne disconvient pas d'avoir pratiqué les modes de publicité litigieux mais déclare avoir fait supprimer les mentions et l'estampille sur les appareils relatives à l'homologation du Ministère de la Santé pour prévenir toute ambiguïté ;

Attendu que Gérard C reconnaît être le rédacteur des publicités de K, qu'il prétend avoir modifiées au fil du temps pour tenir compte des arrêtés d'interdiction du ministre de la Santé et notamment de celui du 4 mars 1985 ; que force est cependant de constater que, si l'homologation de l'appareil X n'est plus mentionnée dans les publicités les plus récentes, en revanche il y est toujours fait état de l'action de cet appareil sur les rhumatismes et d'autres maladies, alors qu'aucune preuve scientifique, constate l'arrêté, n'a été apportée sur la réalité des propriétés annoncées ;

b) En ce qui concerne les conditions ou procédés de la vente :

Attendu que toutes les publicités incriminées parues dans la presse comportaient in fine l'indication : " Une information gratuite sur ces appareils vous sera donnée contre le retour du coupon-réponse ci-dessous ",lequel était libellé comme suit : " Je désire recevoir une information gratuite sur les avantages et l'utilisation de l'appareil d'électrothérapie X " ;

Attendu que dans tous les cas l'envoi du coupon-réponse était suivi de la visite à domicile d'un démarcheur qui s'efforçait de parvenir aussitôt à la vente et y parvenait souvent, alors que les personnes intéressées s'attendaient à recevoir par courrier une documentation écrite et pensaient avoir ainsi le temps de l'étudier à tête reposée et de se renseigner avant d'envisager un achat ;

Attendu que les prévenus arguent de ce que le terme " information gratuite " n'est pas synonyme de " documentation " et s'applique aussi bien à la visite à domicile d'un démarcheur qu'à l'envoi d'une brochure ;

Mais attendu que le lecteur moyen ne s'arrête pas à de telles subtilités sémantiques et que le terme d'" information " n'aurait pu faire penser à la visite d'un démarcheur que s'il avait été accompagné du mot " démonstration " ou " présentation " ; que dans son contexte le terme " information gratuite ", rapproché du verbe " recevoir " et de l'expression " contre le retour du coupon-réponse ", donnait à penser qu'il s'agissait d'une documentation écrite envoyée par courrier ;

Attendu que les premiers juges ont à juste titre considéré que cette indication portait plutôt sur les procédés que sur les conditions de la vente ;

Attendu que très astucieusement les prévenus insinuent que l'indication publicitaire litigieuse ne portait pas sur les procédés de la vente mais sur l'information du client préalable à une vente éventuelle et ne saurait donc être punissable ; qu'ils soutiennent que la jurisprudence exclut une extension de la répression à une telle éventualité ;

Mais attendu que toute publicité comporte implicitement une offre de contracter ; qu'en l'espèce il s'agissait évidemment d'une offre de vente d'un appareil d'électrothérapie X ; que, s'agissant d'une publicité dans la presse invitant à une réponse par courrier, le lecteur s'attendait logiquement à se voir proposer une vente par correspondance ou à se voir indiquer l'adresse d'un dépositaire, tous procédés de vente lui laissant le temps de la réflexion ;que la visite d'un démarcheur impliquait une vente RA à domicile, comportant pour le client de tels risques que le législateur a entendu le protéger par une loi spéciale ;

Attendu que si la jurisprudence publiée dans les recueils ad hoc n'a jusqu'à présent pas appliqué l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 en pareille hypothèse, il n'existe en revanche, à la connaissance de la cour, aucune décision ayant refusé dans le même cas l'application de cette loi ;

Attendu qu'en l'espèce l'indication publicitaire d'une " information gratuite contre le retour du coupon-réponse " était de nature à induire en erreur sur le procédé de la vente éventuelle de l'appareil X ;

Attendu que les prévenus ne contestent pas l'emploi de cette indication dans les publicités qu'ils ont rédigées ou que les sociétés qu'ils dirigent ont fait insérer dans la presse ;

Attendu que le délit de publicité de nature à induire en erreur est donc établi, tel que spécifié à la prévention ;

c) En ce qui concerne l'imputabilité de l'infraction :

Attendu qu'en vertu de l'article 44, paragraphe II, alinéa 7, de la loi du 27 décembre 1973, le délit de publicité de nature à induire en erreur est imputable à l'annonceur pour le compte de qui la publicité est diffusée ; que cette responsabilité de plein droit ne suppose pas la preuve d'une intention coupable ni même celle de la conscience de l'infraction ; qu'elle incombe donc en l'espèce à M en qualité de gérant de droit de la même société et à Brigitte A en qualité de gérante de J ; que C, rédacteur des textes publicitaires, doit être retenu comme complice de Brigitte A dès lors qu'il avait parfaite connaissance de leur caractère trompeur, n'ignorait rien des véritables propriétés de l'appareil X, des arrêtés d'interdiction de publicité pris par le ministre de la Santé et des procédés de vente de K ;

IV - Sur l'escroquerie :

Attendu que la prévention d'escroquerie ne fait que reprendre sous une forme à peine différente les reproches faits par ailleurs à la publicité imputée aux prévenus ; que les manœuvres frauduleuses alléguées consisteraient donc dans cette publicité trompeuse, la " présentation ambiguë " d'un appareil ne pouvant déterminer le client à contracter ; qu'en l'absence d'autres manœuvres frauduleuses il y a lieu de considérer que le délit d'escroquerie n'est pas suffisamment caractérisé ;

V - Sur les infractions à la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972 :

Attendu que les infractions poursuivies portent d'une part sur l'exigence d'une contrepartie immédiate et d'autre part sur la mention de la faculté légale de renonciation ;

a) Sur l'exigence d'une contrepartie immédiate :

Attendu qu'il est établi sans contestation possible que plusieurs clients, démarchés à domicile, de H (Victorine Marmounier, André Conductier, Albert Torrent et Maurice Grillet) et de K (Joseph Tunc, René Mounier et Marie-Thérèse Beaulaygue), ayant signé un " contrat-facture " pour l'acquisition d'un appareil X, ont remis aussitôt au démarcheur une contrepartie sous forme de :

- chèque dans le cas de Conductier, Grillet et Tunc,

- espèce et chèques dans le cas de Torrent,

- traites acceptées dans le cas de Marmounier et de Beaulaygue,

- autorisation de prélèvement sur un compte de chèques postaux dans le cas de Mounier ;

Attendu que M impute cette manière illégale de procéder à sa représentante Martine Reist divorcée O, qui n'est pourtant mise en cause qu'à propos de deux contrats et qui affirme avoir reçu de lui des instructions formelles pour ne pas laisser l'appareil au client sans contrepartie d'argent ; qu'une autre représentante ayant travaillé pour H déclare avoir reçu des instructions similaires ;

Attendu que M est d'autant plus mal fondé à prétendre se disculper en invoquant un excès de zèle de Mme O qu'il a reçu sans objection les paiements transmis par cette personne et a même refusé, par une lettre GM/ST du 19 octobre 1984 signée de sa main, de rembourser la somme versée en espèces et chèques par Conductier ;

Attendu que, comme de bien entendu, E déclare tout ignorer des pratiques commerciales de H ;

Attendu que Brigitte A a reconnu qu'elle savait que ses démarcheurs se faisaient remettre des moyens de paiement avant l'expiration du délai de rétractation ;

Attendu qu'il est vainement allégué par M et Brigitte A qu'ils auraient attendu l'expiration de ce délai pour mettre à l'encaissement les chèques ou effets signés par les clients, dès lors que la signature par ces derniers de chèque ou autorisations de prélèvements, la souscription de billets à ordre, l'acceptation de lettres de change constituaient des paiements ou en tout cas de engagements ou contreparties prohibés, tout comme les paiements en espèces, par l'article 4 de la loi du 22 décembre 1972 ;

b) En ce qui concerne le défaut de mention de la faculté légale de renonciation :

Attendu qu'il est reproché à tous les prévenus d'avoir enfreint les dispositions des articles 2 et 3 de la même loi concernant la mention du délai de rétractation et le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la faculté de renonciation au contrat ;

Attendu que l'enquête n'a en fait révélé que deux cas où cette irrégularité a été commise, celui de Victorine Marmounier et celui de Maurice Grillet, l'un et l'autre démarchés par Martine O qui a déclaré leur avoir remis, sur instructions de M, des formulaires de couleur jaune ne mentionnant pas la faculté de renonciation et ne comportant pas le coupon détachable, au lieu des formulaires de couleur rose conformes à la loi ; que dans tous les autres cas le " contrat-facture " répondait aux exigences légales, même si les mentions relatives à la faculté de renonciation et le coupon détachable étaient peu visibles et peu lisibles, sinon à l'aide de forte lunettes ;

c) En ce qui concerne l'imputabilité des infractions :

Attendu qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 1er décembre 1972 les infractions relevées incombent aux dirigeants des sociétés pour le compte de qui étaient faites les ventes ;

Attendu que M, gérant de fait de H, ne peut donc pas se décharger de sa responsabilité pénale sur Martine O ;

Attendu qu'E, gérant de droit, est également responsable des infractions constatées puisque la société qu'il gérait a fait procéder au démarchage en vue de la vente à domicile dans des conditions contraires à la loi ;

Attendu en revanche que les premiers juges ont à bon droit relaxé C du chef de l'ensemble des infractions en matière de démarchage et Brigitte A du chef de l'omission des formalités relatives à la faculté de renonciation ; qu'il y a lieu de la relaxer en outre du chef d'avoir exigé ou obtenu une contrepartie de Francisque Loizy avant l'expiration du délai de réflexion ; qu'en effet ce client, démarché à deux reprises par des représentants de K, a refusé leurs propositions et ne leur a rien versé ; qu'il ne spécifie pas que ces représentants, qui lui ont indiqué le prix de l'appareil, aient exigé de lui un versement immédiat ; que Brigitte A sera donc retenue dans les liens de la prévention seulement en ce qui concerne l'exigence de contreparties immédiates de la part de Tunc, Mounier et Beaulaygue ;

VI - Sur les peines :

Attendu qu'il y a lieu d'élever très sensiblement les peines prononcées contre Gino M, individu malsain et retors ayant participé aux activités de la plupart des sociétés qui ont successivement commercialisé l'appareil X, ayant conduit à la ruine de deux d'entre elles, ayant persisté dans ses agissements au mépris des arrêtés d'interdiction de publicité pris par le ministre de la Santé et ayant enfreint sans vergogne la loi sur le démarchage et les ventes à domicile ;

Attendu qu'E doit être condamné à une sérieuse peine d'amende pour sanctionner l'irresponsabilité dont il a fait preuve dans ses fonctions de gérant de H ;

Attendu que Brigitte A et Gérard C méritent une relative indulgence, notamment quant à la peine d'emprisonnement prononcée ;

Attendu qu'il y a lieu de maintenir, mais aux frais de l'ensemble des condamnés, la mesure de publication ordonnée à juste titre par les premiers juges, laquelle s'appliquera au présent arrêt ;

VII - Sur les intérêts civils :

Attendu que l'Association des nouveaux consommateurs du Rhône, agréée par arrêté du 13 juillet 1983 du Préfet du Rhône, est recevable et bien fondée par application de l'article 1er de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988 à demander réparation du préjudice direct ou indirect causé par les infractions dont les prévenus sont reconnus coupables à l'intérêt collectif des consommateurs qu'elle représente ;

Attendu que les consommateurs sont exposés par une publicité trompeuse telle que celle qui est reprochée aux prévenus à des achats inconsidérés ; que les infractions à la loi du 22 décembre 1972 les incitent à effectuer des paiements indus sur lesquels il leur sera difficile, voir impossible de revenir ; qu'ils ont donc intérêt à voir respecter strictement les lois sur la publicité de nature à induire en erreur et sur le démarchage et les ventes à domicile, intérêt qui en l'espèce a été gravement lésé ;

Attendu que les premiers juges ont évalué à juste titre 30 000 F le préjudice ainsi causé ;

Attendu que la partie civile, qui avait initialement dénoncé l'infraction au Parquet, a suivi toute la procédure jusqu'en cause d'appel ; qu'il y a lieu d'élever à 6 000 F le montant des frais irrépétibles qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

Par ces motifs, Et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi ; Ordonne la disjonction des poursuites en ce qui concerne William D, qui devra être recité à une audience ultérieure à la diligence du Ministère Public ; Confirme les mesures de relaxe partielle prises par les premiers juges à l'égard de Gino M, de Brigitte A et de Gérard C et la relaxe d'André E du chef d'escroquerie ; Renvoie en outre Brigitte A des fins de la poursuite en ce qui concerne l'exigence ou l'obtention d'une contrepartie de la part de Francisque Loizy lors d'un démarchage en vue d'une vente à domicile ; Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Gino M et Brigitte A coupables du surplus des faits visés à la prévention ; Déclare André E coupable du délit de publicité de nature à induire en erreur et des infractions en matière de démarchage et de ventes à domicile visées à la prévention ; Déclare Gérard C coupable de s'être, avec connaissance, rendu complice, par aide et assistance dans les faits qui l'ont préparé, facilité et consommé, du délit de publicité de nature à induire en erreur commis par Brigitte A ; Condamne : - Gino M aux peines de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et 200 000 F d'amende ; - André E à la peine de 20 000 F d'amende ; - Brigitte A aux peines de huit mois d'emprisonnement avec sursis et 30 000 F d'amende ; - Gérard C aux peines de huit mois d'emprisonnement avec sursis et 60 000 F d'amende ; Constate que l'avertissement prévu à l'article 737 du Code de procédure pénale a été donné aux condamnés M, A et C dans la mesure de leur présence effective à l'audience où le présent arrêt est prononcé ; Confirme la mesure de publication par extraits, de la décision de condamnation dans les journaux Notre Temps, Le Pélerin, Le Chasseur Français et Lyon-Matin, au coût maximal de 5 000 F hors taxe par insertion, ordonnée par les premiers juges, mais dit que cette publication s'appliquera au présent arrêt et aura lieu aux frais des condamnés M, E, A et C ; Confirme la condamnation solidaire de Gino Ma, Brigitte A et Gérard C à payer à l'Association des nouveaux consommateurs du Rhône la somme de 30 000 F à titre de dommages-intérêts ; Condamne solidairement Gino M, Brigitte A et Gérard C à payer à ladite Association la somme de 6 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et aux frais de l'action civile ; Condamne Gino M, André E, Brigitte A et Gérard C aux dépens de première instance et d'appel avancés par l'Etat, lesquels seront partagés par parts égales entre chacun desdits condamnés, sans solidarité entre eux ; Fixe la durée de la contrainte par corps conformément à la loi ; Le tout par application des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 1 à 5 de la loi n° 72-1137 du 22 décembre 1972, 1er de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988, 470, 473, 475-1, 509, 512, 514, 515, 516, 734-1, 749, 750 du Code de procédure pénale.