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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 2 décembre 1992, n° 92-648

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministère public, Matra Communication (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Conseillers :

MM. Mc Kee, Valantin

Avocats :

Mes Salem, Apelle, Delache.

TGI Paris, 31e ch., du 29 nov. 1991

29 novembre 1991

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal a :

déclaré Marie-Christine D épouse B coupable de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et de publicité sur matériel non homologué par les PTT ;

déclaré Jean-Pierre G coupable de publicité sur matériel non homologué par les PTT ;

faits commis à Paris et sur le territoire national,

- courant 1989 et janvier 1990 pour B Marie-Christine ;

- de janvier à juin 1990 pour G Jean-Pierre ;

et, par application des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 8 de la loi du 31 décembre 1989, 6 du décret du 11 juillet 1985 ;

a condamné :

- D épouse B Marie-Christine à la peine de 30 F d'amende ;

- G Jean-Pierre à la peine de 10 000 F d'amende ;

Le tribunal a condamné les prévenus, chacun pour moitié, aux frais envers l'Etat, liquidés à la somme de 678,85 F, en ce compris les droits de poste et fixe ;

Statuant sur l'action civile,

déclaré la constitution de partie civile de la société Matra Communication régulière en la forme et recevable ;

condamné Marie-Christine D épouse B à lui payer la somme de un franc à titre de dommages-intérêts et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

débouté la partie civile de toute demande plus ample ;

Vu l'article 55-1 du Code pénal ;

dispensé Marie-Christine D de la mesure de publication de la décision ;

Il est rappelé que le 9 octobre 1989 la société Matra Communication déposait plainte contre la SARL X dont la gérante est Mme B qui exploite un magasin situé <adresse>sous l'enseigne Y, à la suite d'une publicité diffusée à Paris et sur le territoire national présentant seize télécopieurs non agréés avec les indications suivantes " Y. Tous les télécopieurs du monde - Le marché des télécopieurs s'est trouvé submergé de produits fabriqués à la hâte dont le seul critère se trouve être le prix, au détriment de la qualité et de la fiabilité ". Au verso, il était mentionné " Toutes les garanties du monde. Fournir sans délai les derniers modèles de télécopieurs du monde entier ne suffit pas, encore faut-il choisir les meilleurs... C'est ce que fait Y. Tous nos télécopieurs sont rigoureusement sélectionnés après un banc d'essai technique ".

Mme B ne répondant pas aux convocations des fonctionnaires chargés de l'enquête, une information était ouverte le 23 janvier 1990. Dans le cadre de celle-ci, un OPJ constatait le 22 mai 1990 dans la vitrine du magasin <adresse>la présence de télécopieurs et téléphones portant une étiquette " appareil non agréé PTT destiné à l'export " ; il relevait également dans le magasin que des plaquettes publicitaires identiques à celles ayant motivé la plainte étaient laissées, sur des présentoirs, à la disposition de la clientèle ;

Entendue le 14 juin 1990, Mme B a reconnu n'avoir retiré que le 5 juin 1990 la plaquette publicitaire qui se trouvait à la disposition de la clientèle bien qu'elle ait connu l'existence de la loi du 31 décembre 1989 depuis deux mois. Cette plaquette avait été imprimée en février 1989 et tirée à 50 000 exemplaires. Elle a admis également qu'elle ne disposait pas de tous les télécopieurs existant dans le monde mais qu'elle pouvait les obtenir à la demande de la clientèle s'ils sont disponibles sur le marché ;

Le 21 février 1990, les PTT adressaient également au Parquet une plainte à laquelle étaient joints deux documents publicitaires ;

L'un de ceux-ci, apposé sur un véhicule administratif, émanant de Y, concernait les seize télécopieurs objet de la publicité précédente et huit téléphones " non agréés PTT destinés à l'export " ;

L'autre émanait de la SARL Z exploitant un magasin à l'enseigne A dont le gérant est M. G Jean-Pierre. Cette publicité était ainsi libellée " Vous perdez de l'argent. Alors vous ne possédez pas un télécopieur ! Mais aujourd'hui vous pouvez ! A partir de 290 F par mois. Choisissez et essayez en toute liberté parmi la plus grande gamme de télécopieurs, les marques les plus prestigieuses au meilleur prix du marché ". Au verso étaient énumérées quinze marques françaises et étrangères suivies de la mention " L'usage des télécopieurs non-agréés PTT est destiné à l'exportation ".

M. G entendu le 19 juin 1990 a déclaré que deux des appareils présentés sur cette publicité n'étaient pas agréés, qu'il avait fait imprimer 20 000 plaquettes publicitaires dont la moitié avait été distribuée dans la région Bourgogne et l'autre dans la région Nord, qu'il connaissait l'existence de la loi du 31 décembre 1989 depuis deux mois environ et avait cessé toute publicité aussitôt. Il ajoutait qu'il n'avait pas de stock, qu'il travaillait à la commande, l'essentiel de son activité portant sur du matériel agréé puisqu'il n'avait vendu que cinq ou six télécopieurs sans agrément ;

A l'appui de sa demande de relaxe, le prévenu G soutient dans ses conclusions que les poursuites n'ont pas de base légale au motif qu'elles sont fondées sur l'article 8 aliéna 4 de la loi du 31 décembre 1989 abrogé par l'article 29 de la loi du 29 décembre 1990 et remplacé par l'article L. 39-3 du Code des postes et télécommunications qui, faisant référence à l'article L. 34-9 du même Code, interdit la publicité des terminaux destinés à être raccordés à un réseau ouvert au public et non pas la publicité de ceux qui sont seulement susceptibles d'être raccordés au réseau, distinction introduite par le décret du 4 février 1992 pris en application de l'article L. 34-9. La publicité incriminée, mentionnant que l'usage des télécopieurs non agréés PTT est destiné à l'exportation, portait, du fait de cette mention, sur des matériels qui n'étaient pas destinés à être raccordés au réseau puisque destinés à l'exportation. Elle n'était donc pas répréhensible ;

Mme D épouse B soutient dans ses conclusions tendant à sa relaxe :

a) que sa publicité ne pouvait tromper personne,

b) que la législation française n'est pas conforme à la réglementation communautaire, notamment aux articles 6 et 8 de la directive du 16 mai 1988.

La partie civile conclut à la confirmation de la décision entreprise. Elle demande en outre la publication de la décision à intervenir et 10 000 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Discussion

Sur l'infraction à la loi du 31 décembre 1989 :

Considérant que la disposition de l'article 8 de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 qui interdisait toute publicité portant sur des matériels non agréés susceptibles d'être raccordés au réseau des télécommunications de l'Etat, fondement des poursuites engagées contre les deux prévenus, a été abrogée par l'article 29 de la loi n° 90-1170 du 29 décembre 1990 ;

Que les articles L. 34-9 et L. 39-3 du Code des postes et télécommunications dans leur rédaction de la loi du 29 décembre 1990 susvisée ne prohibent plus que la publicité des terminaux destinés à être connectés à un réseau ouvert au public qui sont soumis à un agrément alors que les terminaux seulement susceptibles d'être connectés à un réseau sont soumis à déclaration (art. R. 20-2-2° du même Code).

Considérant qu'en l'espèce, la cour ne trouve dans la procédure soumise à son appréciation aucun élément permettant de classer les terminaux pour la publicité desquels les prévenus sont poursuivis, dans la catégorie des terminaux destinés à être raccordés au réseau ou simplement susceptibles de l'être ;

Qu'il existe donc un doute qui doit bénéficier aux prévenus ;

Sur la publicité mensongère reprochée à Mme B :

Considérant qu'il est reproché à la prévenue d'avoir " effectué une publicité de nature à induire en erreur ... en annonçant faussement de tenir à disposition tous les répondeurs (en réalité télécopieurs) du monde et les meilleurs alors que n'étant pas homologués leur vente et leur utilisation était interdite ".

Considérant que les termes " tous les télécopieurs du monde " et " les meilleurs " s'ils sont hyperboliques, ne sont pas de nature à tromper le consommateur moyen ;

Que l'intéressée sera également relaxée de ce chef.

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement, Reçoit les appels interjetés ; Réformant le jugement déféré renvoie les prévenus des fins de la poursuite ; En conséquence déboute la partie civile de ses demandes ; Laisse les dépens à la charge du Trésor.