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Décisions

CA Colmar, ch. corr., 23 avril 1990, n° 391-90

COLMAR

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grandsire (faisant fonction)

Conseillers :

MM. Vernette, Litique

Avocat :

Me Puech.

TGI Strasbourg, ch. corr., du 19 janv. 1…

19 janvier 1990

Vu le jugement contradictoire rendu le 19 janvier 1990 par le Tribunal correctionnel de Strasbourg qui :

Sur l'action publique :

Déclare les prévenus coupables d'avoir à seize reprises, entre le 1er août et le 18 décembre 1988, émis par voie d'annonce dans la presse locale, une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur la nature de la prestation de services, l'identité, les qualités ou aptitudes des promoteurs ou prestataires, en l'espèce en publiant une annonce stipulant la recherche par une société bancaire suisse d'immeubles ou de terrains à acheter, alors que l'annonce n'émanait pas d'une telle société mais de l'agence immobilière gérée par les prévenus et que ceux-ci n'avaient nullement reçu mission d'une société bancaire suisse de procéder à la prospection ci-dessus désignée ;

En répression, les condamne chacun à une amende de 5 000 F ;

Ordonne la publication du jugement dans " Les dernières nouvelle d'Alsace " aux frais des condamnés ;

Vu les appels de ce jugement interjetés le 22 janvier 1990 par les prévenus et le Ministère public ;

Sur la preuve des faits et leur qualification:

Attendu que pour retenir dans les liens du délit de publicité mensongère les frères D co-gérant de la SARL X, les premiers juges ont notamment relevé :

- qu'une annonce émanant d'un commerçant recherchant des clients, que ce soit pour acheter ou pour vendre, constitue une publicité ;

- que le fait de se présenter comme une société bancaire suisse quand on est un agent immobilier de la place à la recherche de biens à vendre et qu'on n'a aucun mandat d'une telle société constitue une grossière tromperie ;

Attendu que les prévenus prient la cour de les relaxer et subsidiairement de les relever de la peine complémentaire de la publication du jugement ou de l'arrêt ;

Attendu que l'annonce litigieuse répond cependant à toutes les définitions de la publicité proposées par les frères D dans leurs conclusions, soit :

- le fait, l'art d'exercer une action psychologique sur le public à des fins commerciales (Petit Robert) ;

- par analogie avec la loi du 29 décembre 1973 pour la préservation du cadre de vie et de l'environnement, toute inscription, forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son attention (en l'espèce sur les services que pouvait offrir l'agence X en ce qui concerne la vente d'immeubles) ;

- en droit européen, toute forme de communication dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services ;

Attendu que l'élément incitatif ne fait pas plus défaut que l'élément informatif en l'espèce, l'annonce étant de nature à exercer une action psychologique sur le lecteur;

Que l'organisation bancaire suisse jouit, en effet, dans le public, d'une aura particulièrement favorable et d'un prestige certain;

Qu'une société bancaire suisse est supposée dans l'esprit de ce public mettre en œuvre, pour réaliser une opération qu'elle a décidée des moyens financiers plus puissants qu'un promoteur immobilier ou une agence immobilière de la place, a fortiori qu'un simple particulier ;

Qu'il y a bien là, technique de caractère commercial destinée à susciter ou à accroître le désir de contracter avec l'annonceur supposé;

Attendu que les premiers juges ont caractérisé l'allégation mensongère ;

Attendu que le 3 mars 1989, D reconnaissait devant un inspecteur principal de la Direction de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, qu'il n'avait " aucun mandat d'une société bancaire suisse déterminée " (C3) ;

Que ce n'est que le 30 mai 1989 que dans son audition par la police, il alléguait avoir eu " un intermédiaire " dont il se refusait à communiquer les coordonnées (C13) ;

Que dans son audition du 6 juin 1989 (C11), D co-gérant, avouait : " Au moment où nous prenions connaissance d'une affaire, nous ne savions absolument pas à qui serait destiné ce bien " et " personnellement nous n'avons eu aucun contact avec ces sociétés (suisses) et nous ne savons même pas qui c'est " ;

Attendu que l'on ne voit pas ce qui aurait pu empêcher les frères D d'indiquer l'identité d'un intermédiaire sérieux et honorable, s'il y en avait eu un ;

Qu'il s'agissait à l'évidence de découvrir des affaires à traiter et de se faire accorder la préférence sur ses collègues en recourant ainsi à une sorte de concurrence peu loyale;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer sur la culpabilité le jugement entrepris ;

Sur l'application de la peine :

Attendu qu'il existe des circonstance atténuantes ;

Que les amendes prononcées par le tribunal constituent des sanctions appropriées ;

Attendu que la cour ne trouve en la cause aucun motif de relèvement de la peine complémentaire de la publication ;

Qu'il y a lieu toutefois de substituer la publication de l'arrêt par extrait à celle, intégrale, du jugement ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Reçoit les appels en la forme ; Au fond, Confirme sur la culpabilité et les peines d'amende le jugement entrepris ; L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau : Ordonne la publication de l'arrêt par extrait dans " Les dernières nouvelles d'Alsace ", toutes éditions du Bas-Rhin, aux frais des condamnés ; Les condamne aux frais envers l'État ; Le tout par application des articles 410, 473, 497 et suivants du Code de procédure pénale, 436 du Code pénal, 44 de la loi du 27 décembre 1973.