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Décisions

CA Rennes, ch. corr., 5 juin 1990, n° 834-90

RENNES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Casorla

Conseillers :

Mme Riboulleau, M. Le Quinquois

Avocat :

Me Chevallier.

TGI Brest, ch. corr., du 10 nov. 1989

10 novembre 1989

Statuant sur l'appel interjeté le 18 décembre 1989 par le Procureur général de Rennes signifié le 22 décembre 1989 à Jean-Yves L et le 2 janvier 1990 à Yves D d'un jugement contradictoirement rendu le 10 novembre 1989 par le Tribunal correctionnel de Brest qui, pour publicité mensongère les a relaxés ;

Considérant qu'il est fait grief aux prévenus :

D Yves, d'avoir à Brest, courant 1988, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité comportant des allégations de nature à induire en erreur sur le prix des marchandises proposées à la vente, en indiquant " prix direct usine " alors qu'il n'agissait qu'en qualité d'intermédiaire prélevant une marge commerciale ;

Fait prévu et réprimé par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905 ;

L Jean-Yves, d'avoir à Brest, courant 1988, en tous cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription effectué une publicité comportant des allégations de nature à induire en erreur sur le prix des marchandises proposées à la vente, en indiquant " prix direct usine " alors qu'il n'agissait qu'en qualité d'intermédiaire prélevant une marge commerciale ;

Fait prévu et réprimé par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905 ;

Considérant que l'appel est régulier et recevable en la forme ;

Considérant qu'il ressort du dossier et des débats les éléments suivants :

Le 29 mars 1988, le Service de la Consommation et de la Répression des fraudes intervenait dans le magasin de vente au détail de produits d'ameublement à l'enseigne Y à Brest, géré par la société X dont le gérant était à l'époque Yves D. Alors que la publicité effectuée par la société X faisait état pour vendre ses produits, de " l'ameublement à prix direct usine " (extrait du journal publicitaire Interservice du 28 mars 1988, prospectus distribués à 100 000 exemplaires dans les boites aux lettres de la région de Brest, inscriptions sur une cinquantaine de panneaux publicitaires de 12 m2 implantés dans la ville de Brest), les fonctionnaires constataient d'une part que les produits vendus provenaient de fabrication et marques extérieures à la société X dont l'objet social exclusif est le négoce et la distribution de meubles, articles de ménages et appareils ménagers, et d'autre part que cette société agissait en tant qu'intermédiaire entre la fabrication et la clientèle de particuliers, prélevant des marges de distribution avec des coefficients multiplicateurs variant entre 1,35 et 1,60. Yves D reconnaissait que préalablement à l'ouverture du magasin le 25 mars 1988, la société X dont il est le gérant minoritaire avait fait paraître la publicité litigieuse qui pour lui n'avait pas de signification précise, l'expression " direct usine " signifiant selon lui que les prix pratiqués étaient les plus bas du marché de la distribution ; Jean-Yves L, actionnaire majoritaire confirmait les propos du gérant ;

Considérant que le tribunal a relaxé Jean-Yves L au motif qu'il n'était pas le gérant de la société à l'époque des faits et également relaxé Yves D aux motifs que le système de distribution de la société X garantit au consommateur des prix plus avantageux que le système traditionnel, ces prix n'étant pas différents de ceux qui seraient pratiqués par le fabricant et que dès lors la preuve n'est pas rapportée que la publicité litigieuse soit de nature à induire en erreur le consommateur ;

Considérant que le tribunal sera approuvé pour avoir relaxé Jean-Yves L qui en sa seule qualité d'actionnaire majoritaire, n'apparaît pas comme ayant joué un rôle de dirigeant de la société X au sens de l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973 qui précise en outre que lorsque le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants, en l'espèce au seul dirigeant de la SARL, Yves D;

Considérant qu'aux termes de l'article 44-I de la loi du 27 décembre 1973, est illicite toute publicité comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur lorsque celle-ci portent notamment sur l'existence, la nature, l'origine, les prix et conditions de vente des biens ou services, motifs ou procédés de la vente, identité, qualité ou aptitude des revendeurs, prestataires ou promoteurs ;

Considérant que l'expression " direct usine " n'est pas contestée par Yves D, gérant de la SARL X qui a effectué la publicité litigieuse, que ce dernier se borne à indiquer que la confusion n'était guère possible pour le consommateur, l'expression visant seulement à insister sur les prix très bas en raison de marges limitées ;

Considérant qu'il apparaît clairement des constatations des enquêteurs que les produits vendus provenaient exclusivement de fabricants totalement extérieurs à la société X qui n'effectue aucune fabrication de meubles et qui se borne à les commercialiser en prélevant, grâce à une stratégie commerciale de libre-service, calquée sur celle des grandes surfaces " généralistes ", des marges réduites assurant des prix plus bas que ceux proposés par le système traditionnel de distribution ; que ce faisant, par l'emploi de l'expression " prix direct usine " dans des encarts publicitaires en raison de l'accent mis sur la notion d'usine accolée au caractère direct entre celle-ci et le prix, alors qu'il n'agissait que comme un intermédiaire classique prélevant une marge de distribution, le prévenu s'est rendu coupable du délit de publicité mensongère, de telles allégations étant incontestablement de nature à induire en erreur le consommateur, conduit à croire que les produits achetés étaient fabriqués par le vendeur et qu'il bénéficiait de ce fait de véritables prix d'usine ;

Considérant en conséquence que le jugement sera infirmé sur ce point, Yves D étant retenu dans les liens de la prévention ; que la cour dispose des éléments pour condamner le prévenu à une amende de 8 000 F ainsi qu'à la peine complémentaire obligatoire de la publication, par application de l'article 44-II, 6e alinéa de la loi du 27 décembre 1973 ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, Reçoit l'appel de M. le Procureur général ; Au fond, Confirme la relaxe de Jean-Yves L ; Infirmant pour le surplus ; Déclare Yves D coupable des faits de la prévention ; Le condamne à la peine de 8 000 F (huit mille francs) d'amende ; Ordonne la publication du présent arrêt par extrait dans les quotidiens Ouest-France, édition de Brest et Le Télégramme de Brest, dans la limite de 1 500 F par insertion aux frais du condamné. Condamne M. D Yves aux dépens de première instance et d'appel liquidés à la somme de huit mille quatre cent quatre vingt francs soixante dix huit (8 480,78 F) ; En ce compris le droit fixe du présent arrêt, le droit de poste, le montant de l'amende prononcée et non compris les frais postérieurs éventuels ; Prononce la contrainte par corps ; Le tout en application des articles : 44 de la loi du 27-12-1973 et 1er de la loi du 1er août 1905 ; 473, 749 et 750 du Code de procédure pénale.