DĂ©cisions

CA Rennes, ch. corr., 19 dĂ©cembre 1990, n° 1970-90

RENNES

ArrĂȘt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

PrĂ©sident :

M. Casorla

Conseillers :

Mmes Algier, Gendry

Avocat :

Me Sabas

Statuant sur l'appel interjeté le 23 mars 1990 par le MinistÚre public, d'un jugement contradictoirement rendu le 19 mars 1990, par le Tribunal correctionnel de Lorient, qui a relaxé Bernard X du chef de publicité mensongÚre et de tromperie, l'a déclaré coupable d'infraction à la réglementation des professions commerciales, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende ;

Considérant que l'appel est régulier et recevable en la forme ;

Considérant qu'il est fait grief à M. X Bernard, d'avoir à Charleville-MéziÚre (08), entre le 6 et le 14 juin 1987, à Lessay (50), le 12 septembre 1987, à Saint-Etienne (42), le 27 septembre 1987, à Charleville-MéziÚre le 9 juin 1988 et à Lorient, les 24 et 25 juin 1988,

1) effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur (promesses de distributions gratuites), portant sur l'existence, la nature, la composition, les qualités substantielles, les prix et conditions de vente des biens ou services faisant l'objet de la publicité, en l'espÚce, du linge de maison ;

2) trompé le contractant sur la nature, l'espÚce, l'origine, les qualités substantielles, ou la composition de la marchandise, ou sur la quantité des choses livrées ou leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée et qui fait l'objet du contrat (vente qualifiée faussement d'opération promotionnelle, prix fixé d'aprÚs un catalogue de référence fictif et produits qualifiés faussement comme étant d'origine française ou provenant de marques réputées) ;

3) entrepris une profession commerciale alors qu'il avait fait l'objet d'une condamnation définitive pour faits qualifiés de crime le 20 septembre 1979 par la Cour d'assises de Quimper ;

et ce, en état de récidive en ce qui concerne les faits de publicité mensongÚre et d'exercice du commerce malgré incapacité, par rapport à une condamnation prononcée le 27 novembre 1986 par le Tribunal de grande instance de Lorient ;

Faits prévus et punis par les articles 57, 58 du Code pénal, l'article 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, l'article 1er de la loi du 1er août 1905 et les articles 1 et 4 de la loi 47-1635 du 30 août 1947 ;

Considérant qu'il résulte du dossier et des débats les éléments suivants :

Le 9 juin 1988, un fonctionnaire du service de la rĂ©pression des fraudes dressait procĂšs-verbal des mĂ©thodes publicitaires de vente de Bernard X au stand Y Ă  la 56e exposition de Charleville-MĂ©ziĂšre. AprĂšs une distribution gĂ©nĂ©rale de coupons au public mentionnant " Distribution d'Ă©chantillons, gratuit, sans obligation d'achat " qui devaient se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre des gants et des mouchoirs, Bernard X annonçait la distribution gratuite de plusieurs couvertures en laine, de parure de draps, de parures de bains et de couettes dans le cadre d'un budget publicitaire de 20 000 F qu'il devait dĂ©penser dans la soirĂ©e. En trois heures de " prestation ", une seule parure de lit devait ĂȘtre remise Ă  titre gratuit, tandis qu'Ă©tait amenĂ©e la prĂ©sentation d'une nappe annoncĂ©e comme Ă©tant " brodĂ©e main " mais dont le prix excessif (10 400 F) rendait la vente impossible, sauf Ă  " l'offrir " Ă  moitiĂ© prix, soit 5 200 F, ce qu'acceptaient aussitĂŽt six personnes qui se voyaient aussitĂŽt remettre contre la somme de 5 200 F un trousseau comprenant la nappe ainsi que deux parures de lit, une parure de bain et une couette ;

Les 24 et 25 juin 1988, le mĂȘme manĂšge Ă©tait constatĂ© par un fonctionnaire du service de la rĂ©pression des fraudes Ă  Lorient. Selon le procĂšs-verbal Ă©tabli, l'opĂ©ration qui devait durer prĂšs de trois heures commençait de façon identique en attirant la clientĂšle par la distribution de menus objets puis des mĂȘmes coupons pour la distribution d'Ă©chantillons gratuits tandis que Bernard X annonçait sa mission d'opĂ©rer Ă  titre promotionnel pour 20 000 F la distribution de produits de marques prestigieuses (Paco Rabanne, Pierre Cardin...) avec promesse de remise d'un catalogue d'une sociĂ©tĂ© Z de vente par correspondance Ă  laquelle les spectateurs Ă©taient invitĂ©s Ă  envoyer leur adresse rĂ©digĂ©e sur des bons distribuĂ©s (D.48) comportant " Y, [adresse] " et au bas de ce bon " marques reprĂ©sentĂ©es : Pierre Cardin, Toison d'Or, Guislaine, ... ". L'ensemble du discours Ă©tait ponctuĂ© de la prĂ©sentation d'articles de linges de maison constituant des lots qui devaient ĂȘtre distribuĂ©s gratuitement au public pour une valeur annoncĂ©e de 5 000 F, lorsque soudainement Bernard X annonçait l'existence de la nappe " d'une valeur de 10 400 F ", liant alors la remise du lot annoncĂ© comme gratuit Ă  l'achat Ă  moitiĂ© prix, soit 5 200 F, de la nappe. Six ventes Ă©taient Ă  nouveau ainsi rĂ©alisĂ©es ;

L'enquĂȘte rĂ©vĂ©lait que Y n'Ă©tait autre qu'une entreprise personnelle de Bernard X dont le siĂšge Ă©tait fixĂ© Ă  son domicile, [adresse], mais dont le " responsable " nominal inscrit au registre du commerce de Lorient Ă©tait son Ă©pouse Chantal (D.22, D.23). Il Ă©tait Ă©galement Ă©tabli que la nappe annoncĂ©e comme Ă©tant Ă©valuĂ©e Ă  la vente Ă  10 400 F et vendue Ă  titre promotionnel Ă  50 % de " sa valeur " Ă©tait un article d'origine chinoise acquis par Bernard X pour la somme de 350 F, le lot complet vendu au prix de 5 200 F Ă©tait en rĂ©alitĂ© d'une valeur de 2 000 F, " cadeaux " compris. Par ailleurs, l'enquĂȘte conduite auprĂšs de la sociĂ©tĂ© Z, grossiste pour forains auprĂšs de laquelle s'approvisionnait Bernard X, dĂ©montrait qu'il n'existait pas de catalogue destinĂ© Ă  la clientĂšle, cette entreprise ne pratiquant pas la vente par correspondance ;

Considérant que quatre victimes se manifestaient par la suite et déposaient plainte à l'encontre de Bernard X pour l'achat de textiles leur paraissant provenir de pays asiatiques et vendus dans des conditions non précisées par Bernard X à des prix considérés comme prohibitifs, qu'aucune expertise ne devait établir la réalité d'une tromperie, étant en outre précisé que les achats avaient été effectués à des dates différentes de celles des constatations du service de la répression des fraudes ;

Considérant que les faits réputés avoir été commis à Charleville-MéziÚres entre le 6 et le 14 juin 1987, à Lessay le 12 septembre 1987, à Saint-Etienne le 27 septembre 1987 et qualifiés de publicité mensongÚre et de tromperie en l'absence d'indications précises sur les conditions publicitaires de ventes et sur la nature, l'espÚce, l'origine, les qualités substantielles, la composition, la qualité des marchandises reçues par les victimes, ne révélaient pas suffisamment les deux délits visés à la prévention, qu'il y aura lieu de confirmer la relaxe sur ce point par voie de substitution de motifs ;

ConsidĂ©rant que Bernard X, condamnĂ© par arrĂȘts dĂ©finitifs le 9 avril 1976 et le 21 septembre 1979, Ă  cinq ans puis Ă  huit ans de rĂ©clusion criminelle pour vols qualifiĂ©s, ne conteste pas avoir les 6 et 14 juin 1987, le 12 et le 24 septembre 1987, les 9, 24 et 25 juin 1988 exercĂ© une profession commerciale malgrĂ© l'incapacitĂ© qui le frappait en faisant inscrire Ă  sa place son Ă©pouse au registre du commerce (D.73), qu'il y a lieu de confirmer la dĂ©claration de culpabilitĂ© sur ce chef de prĂ©vention ;

ConsidĂ©rant qu'il importe de restituer aux faits leur vĂ©ritable qualification, qu'en utilisant les 9, 24 et 25 juin le nom de Y faisant naturellement penser Ă  un important Ă©tablissement de grossiste alors qu'il s'agit en rĂ©alitĂ© d'une entreprise personnelle d'intermĂ©diaire faussement immatriculĂ©e dont il est le seul animateur, en se prĂ©sentant faussement dans les bons distribuĂ©s Ă  la clientĂšle comme Ă©tant le reprĂ©sentant d'entreprises françaises de fabrication de textiles alors qu'il agit pour son propre compte, en offrant Ă  la vente des lots contenant un article dont la valeur rĂ©elle (350 F) est trĂšs infĂ©rieure Ă  celle allĂ©guĂ©e (10 400 F) et d'autres articles annoncĂ©s par distribution de coupons publicitaires comme devant ĂȘtre attribuĂ©s gratuitement alors qu'en rĂ©alitĂ© le prix annoncĂ© comme promotionnel finalement pratiquĂ© pour l'ensemble du lot Ă©tait deux Ă  trois fois supĂ©rieur Ă  la valeur de l'ensemble des marchandises vendues, Bernard X s'est rendu coupable, non des dĂ©lits de publicitĂ© mensongĂšre et de tromperie, mais du seul dĂ©lit de publicitĂ© mensongĂšre s'agissant d'allĂ©gations et indications de nature Ă  induire en erreur sur la composition, le prix et les conditions de vente de biens qui font l'objet de la publicitĂ© par bons et coupons, sur les procĂ©dĂ©s de la vente et sur l'identitĂ© mĂȘme du revendeur ;

Considérant que Bernard X, déclaré coupable, par voie de réformation du jugement, de publicité mensongÚre et, par voie de confirmation, d'infraction à la réglementation sur les professions commerciales, se trouve en état de récidive légale comme ayant été condamné par décision définitive du Tribunal correctionnel de Lorient en date du 27 novembre 1986 à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 F d'amende pour infraction à la réglementation des professions commerciales, publicité mensongÚre et pratique discriminatoire de prix ;

Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, Reçoit l'appel du MinistĂšre public, Au fond, Confirme le jugement par substitution de motifs sur la dĂ©claration de culpabilitĂ© du chef d'infraction Ă  la rĂ©glementation sur les professions commerciales en rĂ©cidive lĂ©gale et sur la relaxe des chefs de publicitĂ© mensongĂšre et de tromperie pour les faits commis Ă  Charleville-MĂ©ziĂšres entre le 6 et le 14 juin 1987, Ă  Lessay le 12 septembre 1987, Ă  Saint-Etienne le 27 septembre 1987. RĂ©forme le jugement pour le surplus, Requalifiant, dit que les faits commis les 9, 24 et 25 juin 1988 et qualifiĂ©s de publicitĂ© mensongĂšre et tromperie recouvrent le seul dĂ©lit de publicitĂ© mensongĂšre ; DĂ©clare X Bernard coupable de publicitĂ© mensongĂšre en rĂ©cidive lĂ©gale ; Le condamne Ă  3 mois d'emprisonnement et Ă  quarante mille francs d'amende ; Ordonne la publication du prĂ©sent arrĂȘt par extraits dans les quotidiens Ouest-France et France Soir sans que le coĂ»t de chaque insertion ne puisse dĂ©passer 3 000 F aux frais du condamnĂ© ; Condamne X Bernard aux dĂ©pens de premiĂšre instance et d'appel liquidĂ©s Ă  la somme de quarante et un mille trente cinq francs soixante dix huit centimes (41 035,78 F) ; En ce compris le droit fixe du prĂ©sent arrĂȘt, le droit de poste, le montant de l'amende prononcĂ©e et non compris dans les frais postĂ©rieurs Ă©ventuels. Prononce la contrainte par corps. Le tout en application des articles 1 et 4 de la loi 47-1635 du 30 aoĂ»t 1947, 58 du Code pĂ©nal, 44-I, 44-II alinĂ©as 3 et 6 de la loi du 27 dĂ©cembre 1973 et 1er de la loi du 1er aoĂ»t 1905, 473, 749 et 750 du Code de procĂ©dure pĂ©nale.