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Décisions

CA Paris, 9e ch. A, 16 janvier 1991, n° 769-90

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Castres

Conseillers :

MM. Collomb-Clerc, Launay

Avocat :

Me Baudoin.

TGI Paris, 31e ch., du 10 janv. 1990

10 janvier 1990

Rappel de la procédure :

A) Le jugement :

Le 10 janvier 1990, le tribunal, après avoir relaxé A Michel du chef d'escroquerie, a, par application des articles 44 I, 44 II alinéas 7, 8, 9 et 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905 déclaré ce prévenu coupable du délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur et l'a condamné à 30 000 F d'amende, ainsi qu'aux dépens envers l'État, liquidés à la somme de 605,61 F, droit de poste et droit fixe de procédure inclus. Les premiers juges ont ordonné, aux frais du condamné, la publication par extraits de leur décision dans les journaux Le Monde et Le Figaro.

B) Les appels :

Appel a été interjeté par :

- A Michel, le 11 janvier 1990 ;

- M. Le Procureur de la République à Paris, le même jour ;

Décision :

Prise après en avoir délibéré conformément à la loi,

En la forme,

La cour, se référant aux énonciations qui précèdent et aux pièces de la procédure, constate la régularité des appels interjetés à l'encontre du jugement susvisé par le prévenu et par le Ministère public et les déclarera, dès lors, recevables en la forme.

Au fond,

Considérant qu'il a été créé en 1984, à l'initiative de A Michel, une association régie par la loi du 1er juillet 1901 et qui, dénommée " X ", a eu pour objet déclaré d'organiser au profit de ses adhérents un service d'entraide au logement ;

Qu'ensuite, toutefois, d'une information ouverte sur plainte initiale de Ricou Patrick, mécontent des services de " X ", A, pris en sa qualité de président du conseil d'administration de ladite association, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel des chefs de fausse publicité et d'escroquerie ;

Que les premiers juges, après rappel des termes de la prévention ayant exactement relaté les faits de la cause, la cour s'en rapporte sur ces points aux énonciations du jugement dont appel et y ajoute ;

Sur le délit de fausse publicité reproché au prévenu :

Considérant que l'association " X " qui s'était ainsi assigné pour mission d'aider ses membres à trouver un logement à louer, compte tenu des difficultés existant dans la région parisienne, a, pour recruter des adhérents, organisé une intense campagne publicitaire, au moyen de prospectus distribués au public ;

Qu'il y a était notamment fait état, pour décider les éventuels adhérents, de ce que " le bénévolat et l'entraide (constituaient) les moteurs des services " que pouvaient rendre l'association ;

Considérant qu'il résulte, toutefois, du dossier et des débats que l'association " X " s'était en l'occurrence adjoint, pour le développement de ses activités, les services d'un personnel salarié ;

Qu'en effet, et comme l'a d'ailleurs reconnu le prévenu lors de son audition par le magistrat instructeur du 12 janvier 1987, ont été employés en cette qualité, outre son amie F Patricia, les dénommés G Francis, B Sonia et L Patrick ;

Qu'il est également constant, et non dénié par A Michel, que celui-ci a lui-même perçu, en contrepartie de ses fonctions de président du conseil d'administration de l'association " X5 ", un salaire mensuel de quatre mille francs ;

Considérant qu'il se déduit de ces éléments que, contrairement à l'assertion publicitaire ci-dessus relevée, et dont il était tiré avec insistance argument pour décider les candidats locataires à adhérer à l'association " X ", celle-ci ne reposait pas, comme persiste à le soutenir le prévenu, sur le bénévolat ;

Considérant qu'il ressort en outre du dossier et des débats que, contrairement à ce qu'indiquait par ailleurs la publicité en cause, aucun notaire n'a fait partie des membres de ladite association ;

Considérant que ces fausses indications, qui portaient tant sur les qualités que les aptitudes du prestataires de service, ont été de nature à induire en erreur les destinataires de la publicité en cause ;

Que A Michel a ainsi enfreint, en sa qualité d'annonceur, les dispositions de l'article 44-I de la loi du 27 décembre 1973 ;

Considérant qu'en revanche, et comme l'a relevé à juste titre le tribunal, la publicité incriminée ne saurait être critiquée pour avoir fait état, d'une part, de la présence au sein de l'association " X " d'un architecte et de la possibilité pour les adhérents d'obtenir certaines consultations juridiques, d'autre part, de la faculté de déduire au titre de l'impôt sur le revenu les dons faits à ladite association, dès lors qu'il est constant que celle-ci s'était adjoint le concours de tels spécialistes et pouvait permettre, compte tenu de son objet déclaré, aux donataires de prétendre éventuellement à certaines déductions au titre du revenu imposable ;

Qu'enfin, la cour relèvera, pour ce qui concerne le reproche fait par ailleurs au prévenu d'avoir laissé faussement croire dans les publicités diffusées pour le compte de l'association " X " que celle-ci disposait d'un nombre important de logements à louer, qu'il n'est pas établi que ladite association, pour n'avoir pas satisfait à toutes les demandes de location de ses adhérents, n'ait pas pour autant, et, grâce notamment à la constitution d'un fichier immobilier, permis à d'autres sociétaires de se loger ;

Que la cour écartera également ce chef de la prévention ;

Sur le délit d'escroquerie :

Considérant que, sous ce chef de poursuite, il est reproché au prévenu " d'avoir, en tant que président de l'association " X ", en faisant paraître des annonces dans la presse et distribuer de nombreux prospectus laissant croire qu'il avait à sa disposition un stock important de logements à louer alors qu'en réalité, il ne pouvait répondre, en quantité et en qualité, à la demande des adhérents, manœuvres frauduleuses pour faire naître l'espérance d'un événement chimérique, fait remettre à l'association " X " une cotisation de 450 F ou 550 F par adhérent et ainsi escroqué partie de la fortune d'autrui " ;

Mais considérant qu'il n'est pas en l'occurrence établi, comme la cour l'a déjà relevé, que doive être tenue pour inexacte l'assertion publicitaire selon laquelle l'association " X " était susceptible de disposer d'un nombre important de logements à louer ;

Qu'il a été versé, par ailleurs, au dossier de la procédure, diverses attestations émanant d'adhérents se disant satisfaits des services à eux offerts par l'association ;

Que dès lors, une telle affirmation publicitaire retenue à charge au titre du délit d'escroquerie reproché au prévenu, ne saurait caractériser l'emploi d'une manœuvre frauduleuse au sens de l'article 405 du Code pénal ;

Qu'en conséquence et à défaut de tout autre élément à charge, la cour renverra A Michel des fins de la poursuite de ce chef ;

Sur la peine :

Considérant qu'en ce qui concerne l'application de la loi pénale devant être faite au prévenu, la cour, compte tenu des circonstances de l'espèce, estime devoir modérer le montant de l'amende à lui infligée par les premiers juges ;

Qu'elle ordonnera, en outre, en application des dispositions de l'article 44-II de la loi du 27 décembre 1973, la publication aux frais du condamné de l'arrêt à intervenir dans le journal Le Monde ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit en la forme les appels du prévenu et du Ministère public ; Au fond, confirmant le jugement déféré, Renvoie A Michel des fins de la poursuite du chef d'escroquerie ; Le déclare coupable du délit de publicité fausse et de nature à induire en erreur (faits commis de mai 1984 à février 1986) ; Emandant sur la peine, Condamne A Michel à la peine de 15 000 F d'amende ; Ordonne la publication, aux frais du condamné et par extrait, du présent arrêt dans le journal Le Monde ; Condamne A Michel aux dépens envers l'État, de première instance et d'appel, liquidés à 938,60 F ; Dit qu'il pourra être recouru, s'il y a lieu, à l'exercice de la contrainte par corps pour le recouvrement de l'amende et des frais de justice, dans les conditions fixées aux articles 749 et suivants du Code de procédure pénale ; Le tout par application des articles 44-I et II de la loi du 27 décembre 1973, 473, 749 et suivants du Code de procédure pénale.