CA Versailles, 9e ch., 12 mars 1992, n° 151
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Habechian
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Benmakhlouf
Conseillers :
MM. Ducomte, Verdeil
Avocats :
Mes Lemoine, Quibel, Bucchini.
A l'appel de la cause, à l'audience publique du 13 février 1992, M. le président a constaté l'identité du prévenu ;
Puis Monsieur le conseiller Verdeil a fait le rapport de l'affaire, il a donné lecture des pièces du procès et notamment du jugement dont est appel, lequel par les motifs y exprimés :
Sur l'action publique :
A déclaré S Henri coupable des faits qui lui sont reprochés ;
L'a condamné à la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis ;
A ordonné la publication du jugement par extraits dans Le Figaro et le Parisien Libéré sans que le coût de chaque publication ne dépasse 5 000 F ;
A condamné S Henri aux dépens de l'action publique ;
Sur l'action civile :
A donné acte à Mme Boyadjian épouse Habechian, de ce qu'elle maintient à l'audience sa constitution de partie civile ;
A déclaré le prévenu entièrement responsable des conséquences de l'infraction subies par la partie civile ;
A condamné S Henri à lui payer la somme de 350 000 F à titre de dommages et intérêts ;
A ordonné l'exécution provisoire à concurrence de la moitié des sommes allouées ;
L'a condamné en outre à lui payer la somme de 3 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
A condamné S Henri aux entiers dépens de l'action civile et plus précisément ceux prélevés sur la consignation 183-89 et liquidés à la somme de 176, 70 F ;
Par application des articles 44-I, 44-II al. 7, 8, 9 et 10 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 1er, 7, 6 de la loi du 1er août 1905 ;
Comme coupable de :
- publicité mensongère ou de nature à induire en erreur,
- tromperie sur la nature, la qualité, l'origine ou la quantité d'une marchandise ;
Délits commis courant 1986 et 1987 à Issy-les-Moulineaux (92) ;
LA COUR,
Après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur l'appel de S Henri sur les dispositions pénales et civiles du jugement et sur l'appel du Ministère public ;
Considérant que S Henri est prévenu d'avoir à Issy-les-Moulineaux :
1) courant 1986 et 1987, effectué une publicité comportant des allégations, indication ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le public sur l'identité, les qualités et les aptitudes du revendeur prestataire, en l'espèce en diffusant des documents publicitaires contenant une utilisation abusive du terme " international ", la mention d'une expérience de 15 années et une adresse erronée,
2) courant 1986 et 1987, trompé ou tenté de tromper son cocontractant sur les
qualités substantielles de la marchandise, plus particulièrement sur la puissance et l'origine, en l'espèce, en livrant un appareil HP 9 000 d'origine hollandaise et usagé présenté comme appareil HP 15 000 d'origine française et neuf,
délits prévus et réprimés par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905 ;
Considérant que le prévenu, appelant, a contesté avoir commis les infractions qui lui sont reprochées et a sollicité sa relaxe ;
Considérant que le Ministère public, appelant incident, a requis la confirmation du jugement ;
Considérant que Boyadjian Marie épouse Habechian, partie civile, a demandé la confirmation des dispositions civiles du jugement et la condamnation de S Henri à lui payer la somme de 20 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Considérant que les appels, régulièrement interjetés dans le délai légal, sont recevables en la forme ;
Considérant, sur le fond, qu'il est constant que courant novembre 1986 Boyadjian Marie épouse Habechian, propriétaire d'un salon de coiffure et de soins esthétiques à Issy-les-Moulineaux, a, sur la foi d'une publicité parue au Figaro Mme du 6 septembre 1986, commandé et fait installer dans une cabine de bronzage sous UV un appareil type intégral HP 15 000 hydraulique fourni par la société X International, dont le gérant est S Henri ; que pour financer l'acquisition de cet appareil, Mme Habechian a souscrit un contrat de location auprès de la société L avec possibilité d'achat au terme du contrat d'une durée de 5 années ;
Considérant que Mme Habechian n'a jamais pu utiliser l'appareil en raison de l'absence dans son établissement du courant électrique 380 triphasé ; que sur sa requête, le Président du Tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance en date du 5 octobre 1987, ordonné une expertise de l'appareil confiée à M. Belot ;
Considérant qu'en conclusion de son rapport établi le 16 avril 1988, l'expert a indiqué :
1) que l'appareil livré comporte une plaque indiquant un type différent de ce qui est porté sur les documents contractuels de location-vente,
2) que la puissance de l'appareil livré, soit 9 000 W, ne correspond pas aux caractéristiques portées sur les documents contractuels, soit 15 000 sans autre indication,
3) que le prix de l'appareil dépasse de plus de 25 % le prix d'un appareil neuf à la même époque,
4) que l'appareil n'a pas été livré neuf mais usagé,
5) que la société X International n'a pas fabriqué l'appareil ;
Considérant qu'il résulte de l'enquête effectuée par les services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes à la suite d'une plainte déposée par Mme Habechian que S Henri a diffusé des documents publicitaires contenant abusivement une présentation laudative de la portée économique et technologique de son entreprise ;
Considérant que S Henri a utilisé le signe " International " en invoquant que sa société réalise une part importante de son activité avec l'étranger alors que pour l'année 1989 la part de l'exportation n'a été que d'environ 1/3 du chiffre d'affaires total ;
Considérant d'autre part que S Henri a indiqué comme adresse de l'entreprise Puteaux la Défense alors que le siège de celle-ci n'est pas dans le périmètre du quartier de la Défense ;
Considérant de plus que la société X International est présentée comme ayant 15 années d'expérience alors qu'elle n'a été constituée que le 8 mars 1982 ;que le terme de " fabricant français " a été également utilisé alors qu'aucun brevet de fabrication n'a été présenté et que le 30 mai 1989 seulement 7 personnes étaient employées, aucune ne s'occupant de fabrication ou d'assemblage d'éléments ;
Considérant que les premiers juges ont dans ces conditions à bon droit retenu la culpabilité de S Henri du chef de publicité mensongère, ce dernier ayant par la présentation abusive de son entreprise induit en erreur le public français sur la portée économique et financière de celle-ci ;
Considérant d'autre part que S a également commis, comme l'indique le tribunal, le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise livrée ;
Considérant que S Henri fait valoir que les termes " HP 15 000 " sont une simple dénomination de l'appareil exclusive de tout engagement sur une quelconque puissance ; qu'il résulte cependant des documents publicitaires joints en annexe au procès-verbal des services de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes que la mention 15 000 n'est pas une simple référence de gamme mais constitue une allusion directe à la puissance de l'appareil, celle-ci étant un critère d'achat prépondérant pour ce type d'appareil ; qu'il résulte de l'expertise que l'appareil livré, présenté comme ayant une puissance de 15 000 Watts, n'avait en réalité qu'une puissance de 9 000 Watts ;
Considérant que S Henri soutient d'autre part que l'appareil a été livré directement par le transitaire, la société Panalpina, dont le bon de livraison porte la mention " départ usine non dédouané " ; qu'il n'a dont pu être matériellement utilisé avant la livraison ;
Considérant cependant que l'expert a noté qu'un certain nombre d'indices (notamment la poussière dans les ventilations, la crevaison d'un des conduits de ventilation et la mauvaise fixation des embases de fixation des conduits de ventilation) montrent que l'appareil n'a pas été livré neuf ; que l'expert a précisé que ce ne sont pas les examens auxquels s'est livré le technicien de la société Verre et Quartz qui ont pu amener des encrassements des ventilations par la poussière ;
Considérant de plus que l'appareil était de fabrication étrangères contrairement à ce que laissait croire la publicité et que son caractère hydraulique évoqué notamment sur le contrat de location L et sur le bon de livraison, ne correspond pas à la réalité ;
Considérant que la peine d'emprisonnement avec sursis prononcée par les premiers juges est justifiée compte tenu de la nature des infractions et la personnalité du prévenu ; qu'il convient d'ordonner la publication de l'arrêt dans le Figaro Madame, le coût maximum de l'insertion étant de 10 000 F ;
Considérant que le jugement entrepris doit être confirmé en ce que S Henri a été condamné à payer à Mme Habechian la somme de 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Considérant que le prévenu doit en outre être condamné à payer à la partie civile la somme complémentaire de 3 000 F en application, en cause d'appel, dudit article 475-1 ;
Par ces motifs : Statuant publiquement et contradictoirement ; En la forme : Dit les appels recevables ; Au fond : Confirme le jugement entrepris sur la culpabilité et la peine prononcée à l'encontre de S Henri ; Le confirme également en ce qu'il a reçu Boyadjian Marie épouse Habechian en sa constitution de partie civile et qu'il a condamné S Henri à lui payer la somme de 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Réformant pour le surplus, Ordonne la publication d'un extrait du présent arrêt dans le " Figaro Madame " sans que le coût de l'insertion dépasse la somme de 10 000 F ; Condamne S Henri à payer à Boyadjian Marie épouse Habechian la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts ; Y ajoutant, Condamne S Henri à payer à la partie civile la somme complémentaire de 3 000 F en application, en cause d'appel, de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ; Le condamne aux dépens de l'action publique liquidés à la somme de 1 116,69 F et à ceux de l'action civile.