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Décisions

CA Paris, 13e ch. B, 1 décembre 1994, n° 94-04290

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Crespel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bertolini

Conseillers :

Mmes Marie, Charoy

Avocats :

Mes Bertolas, Choisez.

TGI Paris, 31e ch., du 11 mai 1994

11 mai 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré :

- R Christian coupable de complicité de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de février 1992 à mars 1992, à Paris, infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation,

- C Antoine coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de février 1992 à mars 1992, à Paris, infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation,

Et par application de ces articles, a condamné :

- R Christian à 10 000 F d'amende,

- C Antoine à 10 000 F d'amende,

Sur l'action civile, le tribunal a reçu Crespel Agnès en sa constitution de partie civile et a condamné solidairement R Christian et C Antoine à lui payer la somme de 50 000 F à titre de dommages-intérêts toutes causes de préjudice confondues,

A assujetti la décision à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. R Christian, le 17 mai 1994, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 17 mai 1994 contre M. R Christian,

M. C Antoine, le 19 mai 1994, sur les dispositions pénales et civiles,

M. le Procureur de la République, le 19 mai 1994 contre M. C Antoine,

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels régulièrement interjetés par les prévenus et le Ministère public à l'encontre du jugement déféré ;

S'y référant pour l'exposé de la prévention ;

Rappel des faits :

M. Christian R était propriétaire avec son épouse d'un studio sis [n°], boulevard de Ménilmontant à Paris 20e. Il a confié la vente de ce bien, à un de ses amis M. Antoine C, qui exerce la profession de négociateur en immobilier.

M. Antoine C qui a attesté sur l'honneur ne pas être un professionnel de l'immobilier, a fait passer le 15 février 1992, une annonce dans le journal " De particulier à particulier " indiquant que ce studio avait une surface de 18 m2, et était vendu au prix de 280 000 F, il était, en outre, indiqué qu'il était situé dans le 11e.

Il s'est révélé que la surface de l'appartement n'était en réalité que de 14,1 m2 et qu'il était situé dans le 20e.

M. Christian R comparait à l'audience, assisté de son conseil, il fait valoir par voie de conclusions, d'une part, qu'il a donné une délégation de pouvoirs à M. C, d'autre part, que le simple particulier est rarement visé à la répression, surtout en présence d'un professionnel pouvant assurer " l'efficacité répressive " ; qu'en effet, M. C a mesuré l'appartement, commandé l'annonce et fait visiter de sa propre initiative ; qu'en outre Mme Crespel a mesuré l'appartement, qu'enfin la localisation de l'appartement dans le 11e ou le 20e est sans importance ;

Subsidiairement, il sollicite l'indulgence de la cour ;

M. C Antoine comparait à l'audience assisté de son conseil, il fait valoir par voie de conclusions, d'une part, que la directive européenne n° 84-450 interdit d'appliquer à un simple particulier la prévention de publicité mensongère, en effet, surtout la définition communautaire, on entend par publicité mensongère toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou de services y compris les biens immeubles, les droits et obligations, qu'en l'espèce, il a agi pour M. R à titre purement amical, en dehors de toute relation professionnelle ; d'autre part, que le boulevard Ménilmontant se trouve à la limite des 11e et 20e arrondissements et que, l'appartement était meublé, ce qui ne lui a pas permis de faite une mensuration précise de sa surface ; en outre, que Mme Crespel a signé deux actes authentiques devant notaire en vertu desquels elle a renoncé à poursuivre le vendeur au titre d'erreur de métrage, enfin que Mme Crespel n'a subi aucun préjudice, le prix qu'elle a payé étant inférieur au prix moyen du mètre carré pratiqué dans l'arrondissement ;

Mme Crespel se présente à l'audience et réclame 51 268 F représentant le préjudice résultant du défaut de surface, 25 000 F pour le préjudice résultant de ses déplacements et 2 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.

Sur l'application de la directive n° 84-450 relative à la publicité mensongère :

Considérant que l'autorité du traité des communautés européennes est telle dans la hiérarchie des sources du droit qu'il appartient au juge répressif d'écarter l'application d'un texte d'incrimination lorsque celui-ci méconnaît une disposition du traité pris pour l'application de celui-ci comme une directive.

Considérant cependant que la directive européenne n° 84-450 qui précise qu'on entend par publicité mensongère toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale ou libérale, n'est pas inconciliable avec les dispositions de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973 qui ne distingue pas entre les annonceurs, assurant ainsi la répression de toute forme de publicité mensongère, quelle que soit la qualité de l'annonceur ;

Considérant que le texte susvisé est donc applicable ;

Sur la prévention :

Considérant que la délégation de pouvoirs invoquée par M. R suppose l'existence d'une entreprise; que tel n'est pas le cas de M. R qui se bornait à vendre un bien lui appartenant, que le mandat qu'il a donné ne peut de surplus être assimilé à une délégation de pouvoirs ;

Considérant que l'annonce a été passée pour son compte etqu'en sa qualité d'annonceur il est responsable; que rien ne démontre qu'il ne connaissait pas la surface exacte de l'appartement en question ;

Considérant que M. C qui est un professionnel, qualité dont il ne peut faire abstraction au motif qu'il avait agi à titre amical, reconnaît avoir mesuré l'appartement et qu'il a rédigé l'annonce sur les indication du propriétaire, que sa bonne foi n'est pas prouvée ;

Considérant que peu importe que, par la suite, le prix de vente ait été négocié et que l'acheteuse ait obtenu un prix moindre ;

Considérant que l'infraction est établie à l'encontre des deux prévenus, sans qu'il soit besoin de rechercher, si les prévenus sont à l'origine de la mention erronée quant à l'arrondissement où le bien se trouvait ;

Considérant que la peine prononcée est justifiée et qu'il convient donc également de confirmer le jugement de ce chef ;

Considérant que la cour doit se prononcer sur la publication de l'arrêt que les premiers juges ont omis de faire ; qu'il convient donc d'évoquer en application de l'article 520 du Code de procédure pénale et d'ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans le journal " De particulier à particulier " la dispense n'apparaissant pas justifiée ;

Sur la demande de la partie civile :

Considérant que Mme Crespel n'a pas renoncé à toute action contre le vendeur du chef de publicité mensongère, sa renonciation dans l'acte authentique ne portant que sur la récision pour lésion qu'elle s'interdisait en raison d'une erreur sur la surface du bien vendu ;

Considérant que le prix stipulé était établi sur la base de 10 000 F le mètre carré ; qu'en raison d'une surface inférieure de 3,90 m2 elle a subi un préjudice de 39 000 F ; que son préjudice sera suffisamment réparé par des intérêts au taux légal à compter de la vente ;

Considérant que Mme Crespel qui n'était pas assistée d'un avocat, ne justifie pas avoir exposé des frais irrépétibles qu'il convient donc de la débouter de sa demande en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard de toutes les parties, Reçoit les appels des prévenus et du Ministère public, Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales, L'infirme sur les dispositions civiles, Condamne solidairement C Antoine et R Christian à payer à la partie civile la somme de 39 000 F avec intérêts au taux légal à compter de la vente, Y ajoutant ordonne la publication du présent arrêt dans le journal " De particulier à particulier " aux frais des prévenus dans la limite de 10 000 F, Déboute Mme Crespel Agnès de ses autres demandes plus amples ou contraires, Dit inopérants, mal fondés ou extérieurs à la cause, tous autres moyens, fins ou conclusions contraires ou plus amples, les rejette. La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.