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Décisions

CA Pau, 1re ch. corr., 14 mars 1995, n° 94-00382

PAU

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Pignol-Daubisse, Activité marketing exemplaire (Sté), Dérivés résiniques et terpéniques (Sté), Union fédérale des consommateurs

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Riboulleau

Conseillers :

M. D'Uhalt, Mme Ville

Avocats :

Mes Ponthieu, Klein, Soulem, Vidal, Cambriel.

TGI Dax, ch. corr., du 27 mai 1994

27 mai 1994

Rappel de la procédure

Le jugement :

Le Tribunal correctionnel de Dax, par jugement contradictoire en date du 27 mai 1994 a :

- rejeté toutes les exceptions de nullité soulevées par les prévenus ;

- estimé que les faits poursuivis ne sont pas établis ;

- en conséquence, renvoyé les prévenus des fins de la poursuite ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les actions civiles exercées par la société DRT, l'UFC, M. Pignol-Daubisse et la société AME, en raison de l'absence d'infraction ;

- débouté la société DRT, l'UFC, M. Pignol-Daubisse et la société AME des demandes qu'ils ont formées sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 3 juin 1994

Société des Dérivés Résiniques et Terpiniques (DRT), le 3 juin 1994

Société AME, le 3 juin 1994

Pignol-Daubisse Pierre, le 3 juin 1994

Union Fédérale Consommateurs (UFC), le 6 juin 1994

B Alexandru, L Pierre, G Alain, prévenus, la société X, civilement responsable, et les parties civiles furent assignés à la requête de Monsieur le Procureur général, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 4 octobre 1994 ;

A l'audience publique du 4 octobre 1994, l'affaire a été renvoyée à l'audience publique du 7 février 1995, contradictoirement à l'égard de la société des Dérivés Résiniques et Terpiniques DRT et de Monsieur Pignol-Daubisse Pierre, les autres parties à réciter.

B Alexandru, L Pierre, G Alain, prévenus, la société X, civilement responsable, la société AME et l'UFC, parties civiles furent assignés à la requête de Monsieur le Procureur général, dans les délais prévus par l'article 552 du Code de procédure pénale, d'avoir à comparaître devant la cour à l'audience publique du 7 février 1995 ;

Décision :

Vu les appels réguliers le :

3 juin 1994 par le Ministère Public, la société DRT, la société AME, Pierre Pignol*Daubisse

6 juin 1994 par l'UFC

d'un jugement contradictoirement rendu par le Tribunal correctionnel de Dax le 27 mai 1994.

Il est fait grief aux prévenus - B Alexandru - G Alain et L Pierre - d'avoir, dans le courant par la prescription, sur 1988 et 1989, en tout cas depuis un temps non couvert par la prescription, sur l'ensemble du territoire national, et notamment sur la circonscription judiciaire de Dax ;

- effectué des publicités comportant des allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles de produits,

Infraction prévue et réprimée par les articles 44 de la loi 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905.

Sur les exceptions de nullité :

Devant la cour, les prévenus reprennent des exceptions soulevées devant le tribunal et rejetées par les premiers juges ;

Sur l'ensemble de ces exceptions, la cour adopte les motifs qui ont conduit le tribunal à les écarter, motifs repris ci-dessous in-extenso,

Nullité de l'instruction

Le moyen de nullité proposé est tiré de la violation des dispositions de l'article 102 du Code de procédure pénale en ce que les témoins confrontés par le juge d'instruction aux inculpés le 26 septembre 1991 n'ont pas été entendus séparément.

L'article 102 dispose, dans son alinéa 1er, que les témoins sont entendus séparément et hors la présence de l'inculpé.

Mais, cette disposition ne s'applique pas à une confrontation dont l'organisation a justement pour objet l'instauration d'un débat contradictoire entre le témoin et l'inculpé.

De plus, les formalités prévues par l'article 102, alinéa 1er, ne le sont pas à peine de nullité ; leur omission ne motive l'annulation de l'information ou de la procédure de renvoi devant la juridiction de jugement que s'il en résulte une violation des droits des parties.

Les prévenus soutiennent que l'atteinte à leurs droits résulterait de l'élargissement, lors de cet acte, de la saisine du Magistrat instructeur à un nouvelle publicité concernant un produit au pin des Landes suractivé.

Or, la lecture du procès-verbal de la confrontation incriminée démontre que le Magistrat instructeur n'a fait que constater la remise par la partie civile d'une bande plastifiée mentionnant le produit précité sans interroger les prévenus à son sujet de sorte qu'aucune violation des droits de la défense n'a pu être commise.

En conséquence, le moyen tiré de la nullité de l'instruction doit être rejeté.

Nullité des citations

Les prévenus soutiennent que la citation qui leur a été délivrée serait nulle car les énonciations de l'exploit ne visent pas les publicités incriminées de sorte qu'ils sont dans l'ignorance de l'élément matériel du délit poursuivi.

Mais, lorsque le tribunal correctionnel est saisi par une ordonnance de renvoi du juge d'instruction, comme en l'espèce, c'est cette ordonnance qui détermine les faits déférés à la juridiction répressive et fixe l'étendue de sa saisine ; la citation délivrée au prévenu n'a dans ce cas pour objet essentiel que de permettre à ce dernier de se présenter aux jour et heure fixés devant la juridiction de jugement.

A travers l'ordonnance de renvoi, qui leur a été régulièrement notifiée et dont la validité n'est pas contestée, les prévenus ont pu prendre une connaissance suffisante de tous les éléments constitutifs de l'infraction dont le tribunal est saisi, ainsi que des charges retenues.

Dès lors, l'exception de nullité de la citation délivrée aux prévenus n'est pas fondée.

Ceux-ci soulèvent également la nullité de la citation délivrée le 24 janvier 1994 à la société X en tant que civilement responsable au motif que l'exploit vise les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905, alors que ces dispositions ont été abrogées par la loi du 26 juillet 1993, relative au Code de la consommation.

Mais, de première part, l'éventuelle nullité de la citation délivrée à une personne prise en tant que civilement responsable uniquement n'est en aucun cas susceptible d'affecter la validité de l'instruction préparatoire suivie contre les prévenus, ou celle de l'ordonnance les renvoyant devant le tribunal.

De deuxième part, la loi du 26 juillet 1993 modifie la codification de l'infraction de publicité mensongère sans toucher à ses éléments constitutifs et à ses pénalités tels que prévus et définis par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1er de la loi du 1er août 1905.

Enfin, la loi du 26 juillet 1993, portant création du Code de la consommation, n'est pas applicable aux faits poursuivis, qui sont antérieurs à la date de son entrée en vigueur.

En définitive, la citation délivrée au civilement responsable est régulière en la forme et le moyen de nullité proposé doit être rejeté.

Irrecevabilité des poursuites à l'encontre des prévenus

Les prévenus font valoir que les poursuites exercées à leur encontre sont irrecevables au motif qu'aucun d'eux n'avait, au cours de la période visée dans la prévention, la qualité de dirigeant de la société X, de sorte que les publicités effectuées pour le compte de celle-ci ne sont pas susceptibles d'engager leur responsabilité pénale.

Mais, il s'agit là d'un moyen de défense au fond, en ce qu'il porte sur l'imputabilité de l'infraction poursuivie, et non pas d'une exception susceptible d'entraîner la nullité de la procédure.

Fin de non-recevoir de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société DRT, irrecevabilité des constitutions de partie civile de M. Pignol-Daubisse et de l'UFC

Les prévenus opposent à la constitution de partie civile, par voie d'action de la société DRT, une fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale.

Or, même à la supposer fondée, cette fin de non-recevoir n'affecte ni la validité des poursuites, en raison des réquisitions prises par le Ministère public le 20 décembre 1989, ni celle de la saisine du tribunal correctionnel qui résulte de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 9 février 1993.

Il en est de même des fins de non recevoir opposées aux constitutions de partie civile par voie d'intervention de M. Pignol-Daubisse et de l'Union Fédérale des Consommateurs.

En conséquence, la cour confirme le rejet des exceptions.

Au fond :

Attendu, quant au rappel des faits, qu'il convient de se référer à l'exposé contenu dans le jugement critiqué,

Que, devant la cour, les parties civiles - appelantes - et spécialement la DRT demandent à la cour de :

- constater que de 1968 à 1987 la terminologie " Au Pin des Landes " faisait référence aux principes utiles entrant effectivement dans la composition des produits litigieux " A " et " B " et non au parfum puisque ces produits n'en comportaient pas ;

- constater qu'à partir de mars 1987, la terminologie " Au Pin des Landes " utilisée dans la dénomination, la prévention et la publicité de ces produits faisait, d'après les prévenus, référence au seul parfum ;

- dire que ce changement de référence, qui recouvre en fait un changement majeur de formule et donc de produit et qui a été opéré sans que les consommateurs aient pu s'en rendre compte, constitue " une tromperie sur la composition ou sur la teneur en principes utiles " ;

- dire, en conséquence, que les délits de publicité mensongère et de fraude sont établis ;

- dire, en règle générale, que l'utilisation du nom d'une plante, sans qu'il soit associé au terme parfum (ou à un de ses synonymes) constitue, dans la publicité d'un produit, une allégation susceptible d'induire le consommateur en erreur sur la composition ou sur la teneur en principes utiles, lorsque cette plante ou ses dérivés sont uniquement utilisés comme matière parfurmante ;

- constater, de surcroît, que les prévenus ne démontrent pas que les produits incriminés contenaient, même dans leur parfum, des extraits ou des matières de synthèse issues du Pin des Landes ;

Statuant sur l'action publique :

- condamner B, L et G en telle peine principale qu'il plaira à la cour de prononcer ;

- à titre de peine complémentaire, ordonner la publication, aux frais de X, d'extraits de l'arrêt à intervenir dans dix journaux de diffusion nationale ;

Statuant sur l'action civile :

- déclarer recevable et fondée la constitution de partie civile de DRT ;

- condamner solidairement B, L, G et la société X - civilement responsable à payer aux DRT 63 500 000 F de dommages et intérêts.

Les prévenus, reprenant l'argumentation soutenue avec succès en première instance, plaident leur relaxe.

Sur quoi :

Attendu que, pour être établie, la publicité mensongère implique l'allégation d'un fait précis, fausse ou de nature à induire en erreur même in abstracto, portant sur : les qualités substantielles d'un produit (tenant soit à la composition, soit à l'origine, soit à la teneur en principes utiles...) ;

En l'espèce, il est établi que le premier produit, réalisé par DRT sous l'appellation " Y ", est un nettoyant liquide dont les principes actifs sont issus de l'huile de pin des Landes (Terpinéol) et de savons d'acides gras de Tall Oil issus du pin des Landes, sans parfum ajouté puisqu'il bénéficie de l'odeur naturelle du Terpinéol ;

Lorsque la société X commercialise son produit, après rupture de ses relations avec DRT, celui-ci contient un parfum, contenant entre autres un certain pourcentage d'essence naturelle de pin, fourni par une société Quest qui s'approvisionne auprès de DRT ;

L'étiquetage comporte la mention " Au Pin des Landes " et les campagnes publicitaires, écrites et télévisées, tout en insistant sur la nouveauté du produit, " nouveau très frais, nouvelle force fraîche ", précisent que le produit contient toujours du Pin des Landes ;

X, et ses dirigeants, affirment que les mentions " Au Pin des Landes " sont régulières, autorisées par la " Convention Fleurs - Fruits " qui s'impose dans ce secteur, que cette référence signifie seulement que le produit est parfumé au Pin (comme d'autres, dits " Au Citron " sont parfumés au citron ...) et que les essences naturelles de pin contenues dans leur argent parfumant proviennent bien des Landes ;

Attendu qu'en matière de publicité mensongère, les qualités substantielles du produit incriminé peuvent présenter un caractère varié, plus ou moins personnel, propre à la psychologie des clients ; en fait, est substantielle la qualité que le public prend en considération pour effectuer son achat ;

Au cas d'espèce, rien n'établit que l'acheteur potentiel de nettoyant X au Pin des Landes attend de ce produit que le pin qu'il contient ait des propriétés nettoyantes, désinfectantes ou lavantes ;

Bien au contraire, les études d'impact faites par X, notamment pendant le lancement du produit, et les sondages effectués ont révélé que dans l'esprit du public, étant seulement synonyme de Pin maritime, espèce particulièrement abondante dans le département des Landes et toutes les Landes de Gascogne ;

En fait, il ne peut être contesté :

- que A et B, dans les années 1987, 1988 et 1989 (visées par la prévention), contenaient un parfum au Pin ;

- que la mention figurant notamment sur les étiquettes était autorisée, aux termes de la Convention Fleurs - Fruits, puisque le parfum était composé d'environ 50 % d'essence naturelle de Pin ;

- que rien dans la procédure ne permet d'affirmer que la référence au Pin des Landes correspondait aux critères affirmés par la partie civile ;

- qu'au contraire, les prévenus, à qui on pouvait reprocher d'avoir été imprudents en ne vérifiant pas le contenu de la publicité, établissent que toute les études effectuées auprès des clients associent cette référence Pin des Landes à une odeur et un parfum ;

Attendu que ces motifs, ajoutés à ceux des premiers juges qu'elle adopte, conduisent la cour à confirmer que l'infraction n'est pas établie,

Que, de même et pour les mêmes motifs, le délit de fraude, dont la partie civile demandait qu'il soit substitué, n'est-il pas constitué ; la relaxe des prévenus est confirmée ;

Sur les actions civiles :

Sur la recevabilité

L'action civile est recevable de la part des victimes qui doivent établir l'existence d'un préjudice personnel particulier ayant un lien de causalité direct avec l'infraction dénoncée ;

En l'espèce, s'agissant de l'UFC, la recevabilité de son action est expressément prévue car le délit de publicité mensongère est de nature à porter un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs ;

Cependant, en raison de la relaxe intervenue, l'UFC est déboutée de ces demandes, fins et conclusions.

Quant à la société DRT, il s'agit non d'un consommateur mais d'un concurrent, souffrant indirectement de la publicité de la publicité qui avantage l'annonceur ; en conséquence, sa constitution est irrecevable.

Il en est de même s'agissant de M. Pignol-Daubisse et de la société AME SA dont le préjudice allégué, fondement de sa constitution, aurait consisté en " perte d'une chance d'obtenir des honoraires, ainsi que la poursuite d'un contrat fructueux avec la DRT, en raison de la publicité (mensongère) réalisée par les prévenus... " (étant précisé qu'il était salarié de la société X (depuis 1965).

Sa constitution est également irrecevable et le fait qu'il se prétende le " découvreur " du Y (mais pas le créateur) et de la société DRT, ne suffit pas à établir son intérêt à agir ;

Sur la demande des prévenus au titre de l'article 472 du Code de procédure pénale :

Les prévenus concluent pour estimer qu'il y a eu abus de constitution de partie civile justifiant l'allocation de dommages et intérêts par application de l'article 472 du Code de procédure pénale :

La Cour se doit de constater que la demande de dommage et intérêts n'étant pas chiffrée, il ne peut en tout état de cause y être répondu d'autant qu'il n'est pas établi en quoi la constitution de partie civile de DRT était abusive ;

Sur les frais irrépétibles réclamés par les prévenus et la société X :

Les conclusions visent des frais de conseil et de déplacement, compensés par la condamnation de DRT à payer une somme de 100 000 F HT par application de l'article 472 du Code de procédure pénale.

La cour constate que, faute d'appel des prévenus contre le jugement qui avait rejeté leur demande (d'ailleurs mal fondée puisque visant l'article 475-1 du Code de procédure pénale dont le bénéfice est réservé aux parties civiles), l'article 515 du Code de procédure pénale interdit de répondre à sa demande,

Qu'au surplus l'article 472 du Code de procédure pénale est relatif aux dommages et intérêts pour abus de constitution de partie civile et ne concerne par les frais irrépétibles auxquels le prévenu, relaxé, ne peut prétendre ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement, En la forme, dit les appels recevables. Rejette les exceptions de nullité soulevées. Au fond, Sur l'action publique : Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions. Sur l'action civile : Déclare irrecevables les constitutions de parties civiles de la société DRT, de Monsieur Pignol-Daubisse et de la société AME Déclare recevable la constitution de partie civile de l'UFC mais la redoute. Déboute A B, P L, A G et la société X de leurs demandes. Condamne Pignol-Daubisse Pierre, la société AME, la société DRT et l'UFC aux dépens de l'action civile. Le tout par application de l'article 470 du Code de procédure pénale.