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Décisions

CA Besançon, ch. corr., 9 mai 1995, n° 290

BESANÇON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Wernert, Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rognon

Conseillers :

MM. Waultier, Bangratz

Avocat :

Me Lanfumez.

TGI Belfort, ch. corr., du 4 janv. 1995

4 janvier 1995

Par déclarations des 9, 13 et 17 janvier 1995, Jean-Pierre D puis incidemment Daniel C, le Ministère public, le Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt et M. Wernert, parties civiles, ont régulièrement interjeté appel du jugement rendu le 4 janvier 1995 par le Tribunal correctionnel de Belfort qui a :

Sur l'action publique :

- déclaré Daniel C coupable des faits qui lui sont reprochés,

- condamné Daniel C à la peine de 15 jours d'emprisonnement avec sursis et 10 000 F d'amende ;

- déclaré Jean-Pierre D coupable des faits qui lui sont reprochés,

- condamné Jean-Pierre D à la peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et 40 000 F d'amende ;

- ordonné aux frais des condamnés la publication par extrait de la présente décision dans les journaux "L'Est Républicain" et "Le pays de Franche-Comté",

- dit que le coût de ces publications ne devra pas dépasser la somme de 5 000 F par insertion,

- ordonné en outre la diffusion aux frais des condamnés dans les trois journaux suivants : le GAB de Belfort, le Service Lecteurs, le PAM de Mulhouse, d'une annonce rectificative sous forme d'un encart de 10 cm x 5 cm avec le texte suivant :

" Par jugement du 4 janvier 1995, M. Daniel C, gérant de la SARL X et M. Jean-Pierre D, directeur commercial de la même société ont été condamnés par le Tribunal correctionnel de Belfort pour publicité de nature à induire en erreur au motif que les annonces parues pour la période de septembre 1992 à octobre 1993 faisant état de réductions de 50 % sur le prix des bijoux étaient mensongères " ;

- dit que les condamnés devront y procéder dans le délai d'un mois à compter de la date à laquelle le présent jugement sera devenu définitif ;

Sur l'action civile :

- reçu le Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt en sa constitution de partie civile,

- déclaré Daniel C et Jean-Pierre D responsables du préjudice subi par le Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt,

- condamné Daniel C et Jean-Pierre D à payer au Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts et la somme de 1 500 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- reçu M. Wernert en sa constitution de partie civile,

- déclaré Daniel C et Jean-Pierre D responsables du préjudice subi par M. Wernert,

- sursis à statuer sur la demande de la partie civile M. Wernert,

- a renvoyé l'affaire à l'audience du 5 avril 1995 ;

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu l'arrêt suivant :

1- Procédure et prétentions des parties :

Jean-Pierre D et Daniel C, comparants en personne, contestent les faits reprochés et sollicitent leur relaxe.

Oralement, Jean-Pierre D expose qu'il achète de l'or aux particuliers à un prix moins élevé que sur le marché et que partant ses coûts étaient inférieurs à ceux du marché. Il observe qu'il achète directement des pierres en Asie et que la société X ne prend que 6 % de part du marché et n'est pas concurrentielle quant aux montres et réveils.

Les deux prévenus contestent la réalité du préjudice allégué par les parties civiles dont ils ne contestent pas la recevabilité des constitutions.

Le Ministère public requiert la confirmation de la décision à tout le moins.

Régulièrement cités à personne, respectivement celle du président Daniel Wernert et le Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt, parties civiles, sont représentées et concluent,

- quant au Syndicat au paiement d'une indemnité de 100 000 F ainsi qu'à la publication prévue par les premiers juges et à l'allocation de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,

- quant à M. Wernert, à la confirmation du jugement entrepris.

Ils exposent que l'or représente 3 % du bilan et qu'ainsi la qualité de fabricant est marginale telle que revendiquée par les prévenus. Ils ajoutent que le comportement des prévenus a causé un grave préjudice à la profession dont le Syndicat défend les intérêts.

2- Prévention :

Daniel C est prévenu d'avoir à Valdoie, Belfort ou autre point du territoire de Belfort, entre septembre 1992 et octobre 1993, affiché des publicités comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les prix ou conditions de vente de biens, en l'espèce de bijoux, faisant l'objet de la publicité,

Fait prévu et réprimé par les articles L. 121-1, L. 121-6 du Code de la consommation,

Jean-Pierre D est prévenu d'avoir à Valdoie, Belfort ou autre point du territoire de Belfort, entre septembre 1992 et octobre 1993, affiché des publicités comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur les prix ou conditions de vente de biens, en l'espèce de bijoux, faisant l'objet de la publicité,

Fait prévu et réprimé par les articles L. 121-1, L. 121-6 du Code de la consommation,

3- Discussion :

Attendu qu'il est constant que Jean-Pierre D, bijoutier de profession et mis en liquidation judiciaire, a constitué avec Daniel C, régleur aux Automobiles Peugeot, une SARL X avec pour objet la fabrication, réparation et la vente ayant trait à la bijouterie horlogerie joaillerie ;

Attendu que la société ayant son siège à Valdoie a commencé son exploitation en mars 1992, C étant nommé gérant ;

Attendu que le 22 septembre 1992 la société D a ouvert sa boutique tout en faisant une intense campagne de publicité particulièrement accrocheuse qui s'est prolongée dans le temps jusqu'en octobre 1993 dans les termes suivants :

" Des affaires en or,

- 50 % sur tout le stock or et joaillerie,

- 30 % sur le plaqué or et argent ;

Attendu d'ailleurs qu'en infraction à l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 26 mai 1994, les deux prévenus ont fait paraître des annonces à " l'Hebdo GAB " et au " Service lecteurs " les 12 septembre, 20 septembre et 4 octobre 1994 (D 59) ;

Attendu que toutes ces annonces ont suscité des plaintes de bijoutiers et horlogers de la place et motivé une enquête de la DGCCRF ;

Attendu que les enquêteurs ont ainsi constaté que les coefficients multiplicateurs appliqués au prix d'achat hors taxes pour déterminer le prix de référence sur lequel était appliqué la remise de 50 % étaient supérieurs à ceux de la concurrence locale ;

Attendu que les enquêteurs ont mis en évidence que le coefficient multiplicateur était de 4 voire de 4,02 et 4,08 alors qu'il était chez les concurrents de 2,30 à 2,81 ;

Attendu d'autre part que le prix de vente moyen de référence du gramme d'or était supérieur de 12 à 137 % au prix du marché ;

Attendu qu'ainsi, sans même intégrer le coût du crédit gratuit de 3 mois, il apparaît que les remises étaient fictives, de nature à tromper le consommateur et qu'elles ont eu un effet déstabilisateur sur le marché ;

Attendu que les dénégations des prévenus ne résistent pas à l'analyse dès lors qu'ils sont incapables de justifier du calcul de leurs prix et que leurs prétentions ne sont étayées par aucun document probant ;

Attendu qu'il échet donc de confirmer le jugement entrepris quant à la culpabilité qui procède d'une exacte application des dispositions de la prévention ;

Attendu quant à la peine, qu'eu égard à la personnalité du prévenu D coutumier des infractions de la prévention, il convient en infirmant la décision de le condamner à une peine de 4 mois d'emprisonnement et 40 000 F d'amende ;

Attendu qu'il échet de confirmer quant au surplus et quant à la peine prononcée contre C qui a été un homme de paille trompé par son associé ;

Sur l'action civile :

Attendu que le [préjudice du] Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt, partie civile, a été parfaitement déterminé par les premiers juges dont la décision sera confirmée ;

Attendu qu'il convient de confirmer le jugement entrepris qui recevait Daniel Wernert en sa constitution tout en réservant ses droits et de renvoyer l'affaire aux premiers juges pour leur permettre de vider leur saisine ;

Attendu qu'il convient d'accorder aux parties civiles la somme de 1 000 F chacune en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

Par ces motifs : Statuant contradictoirement à l'égard de Jean-Pierre D, Daniel C, le Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard, Héricourt et Daniel Wernert, Déclare les appels recevables, Sur l'action publique, Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions quant à Daniel C, Confirme le jugement sur la déclaration de culpabilité, Mais l'infirmant partiellement sur l'application de la loi et sur la seule peine principale, condamne Jean-Pierre D à la peine de quatre mois d'emprisonnement et quarante mille francs (40 000 F), Constate que Jean-Pierre D et Daniel C sont redevables d'un droit fixe de procédure de 800 F auquel est assujetti le présent arrêt ; Sur l'action civile : Confirme le jugement déféré, Et y ajoutant, condamne Jean-Pierre D et Daniel C à payer à Daniel Wernert et au Syndicat des bijoutiers-horlogers de Belfort, Montbéliard et Héricourt la somme de 1 000 F en application des dispositions de l'article 475-1 du Code de procédure pénale, Condamne Jean-Pierre D et Daniel C aux entiers dépens.