CA Paris, 13e ch. A, 17 octobre 1995, n° 95-02019
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Chabert, Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Petit
Conseillers :
M. Guilbaud, Mme Pénichon
Avocats :
Mes Laroque, Bihl.
Rappel de la procédure :
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a relaxé Jean-Charles L et Jocelyne G des fins de la poursuite.
A déclaré irrecevable l'action du Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition.
A reçu M. Chabert en sa constitution de partie civile.
L'a débouté de ses demandes.
(du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur pour Jocelyne G et du chef de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur pour L Jean-Charles).
Les appels :
Appel a été interjeté par :
M. Chabert Gilbert, le 31 janvier 1995 contre M. L Jean-Charles, Mme G Jocelyne.
Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition (CALCRE), le 31 janvier 1995, contre M. L Jean-Charles, Mme G Jocelyne.
Décision :
Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les seuls appels relevés par les seules parties civiles des dispositions civiles du jugement précité auquel il est fait référence pour l'exposé des faits et de la prévention.
Par voie de conclusions conjointes, les parties civiles appelantes sollicitent de la cour, par infirmation, de :
- dire et juger M. L et Mme G coupables du délit de publicité trompeuse, prévu et réprimé par l'article L. 121-1 du Code de la consommation,
- condamner les prévenus à verser à M. Chabert la somme de 47 250 F en réparation de son préjudice et celle de 50 000 F au CALCRE,
- les condamner à payer à M. Chabert et au CALCRE la somme de 5 000 F au titre de l'article 475-1 du CPP.
Ils font essentiellement valoir que les publicités réalisées par M. L comportent bien des allégations précises, notamment sur le service de presse, les contacts commerciaux avec " nos libraires ", la promesse de contacts avec 100 libraires qui se sont avérées fausses ou de nature à induire en erreur.
Par voie de conclusions conjointes, les prévenus intimés demandent au contraire à la cour de confirmer la décision entreprise.
Considérant que le Ministère public n'ayant pas fait appel de la décision de relaxe rendue à l'égard des prévenus, celle-ci est devenue définitive.
Considérant cependant qu'en raison de l'indépendance de l'action civile et de l'action publique, l'appel des parties civiles saisit valablement le juge des seuls intérêts civils.
Qu'en conséquence, malgré la décision de relaxe, il appartient à la cour d'apprécier les faits, dans le cadre de la prévention, pour se déterminer sur le mérite des demandes civiles qui lui sont présentées ;
Sur l'action du Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition (CALCRE) :
Considérant que la cour constate que le CALCRE qui ne tient d'aucun texte législatif particulier le droit d'agir en justice pour la défense d'un intérêt collectif ne justifie d'ailleurs d'aucun préjudice personnel et direct ;
Qu'au demeurant, Roger Gaillard, président de cette association de défense, a lui-même déclaré lors d'une audition du 17 décembre 1993 : " Notre association sous la loi de 1901 n'est pas reconnue d'utilité publique et nous ne pouvons donc nous porter partie civile dans ce genre de dossier " ;
Que la cour, par voie de conséquence, confirmera la décision attaquée en ce qu'elle a - à bon droit - déclaré irrecevable l'action du Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition.
Sur les demandes de M. Chabert :
Considérant qu'il convient de rappeler que dans une circulaire publicitaire d'octobre 1992, il était annoncé : " Les Editions X vous offrent un appui réel et constant. Elles ont le souci de vous faire connaître et faire vendre votre ouvrage puisqu'elles contacteront plus de 100 libraires afin que ceux-ci le commandent. Une publicité dans Livre Hebdo, revue spécialisée des libraires leur permettra également de le commander "... " Les Editions X vous proposent une coopération " auteur-éditeur " ayant pour but la réussite de votre livre " ;
Que le contrat d'édition à compte d'auteur conclu le 16 novembre 1992 avec les Editions X par Gilbert Chabert, après consultation de la circulaire précitée, était résilié unilatéralement par ce dernier le 27 mars 1993, avant la réalisation définitive des premières épreuves, mais après versement d'une somme provisionnelle de 17 250 F alors que des paiements d'un montant identique étaient contractuellement prévus aux premières épreuves, puis aux secondes épreuves ou bon à tirer et enfin à la réception du justificatif du livre broché terminé ;
Que devant le désir insistant manifesté par Gilbert Chabert de dénoncer unilatéralement l'engagement souscrit le 16 novembre 1992, les Editions X acceptaient de lui rembourser, pour solde de tous comptes, une somme de 4850 F mais non la différence de 12 400 F correspondant aux premiers frais déjà engagés auprès de l'imprimeur ;
Considérant que la cour relève que dans la circulaire critiquée, les Editions X ne promettaient rien de plus que de contacter les 100 libraires mais que cet engagement ne pouvait bien évidemment être effectif qu'après la parution de l'ouvrage concerné alors qu'en l'espèce, les relations contractuelles ont été interrompues, à l'initiative du plaignant, avant même la réalisation définitive des premières épreuves ;
Que de même, l'appui réel et constant ainsi que la coopération " auteur-éditeur " annoncés ne pouvaient utilement se manifester avant l'impression de l'œuvre de l'auteur ;
Considérant que la cour constate que les libraires consultés par lettre circulaire de la police judiciaire ont répondu, pour la plupart, avoir reçu régulièrement les catalogues des Editions X ;
Que si certains libraires ont prétendu n'avoir jamais passé aucune commande auprès des Editions X, il n'en demeure pas moins que les prévenus ont pu produire aux débats des factures émanant de ces mêmes libraires datées d'un ou deux mois avant leur réponse au questionnaire ;
Considérant d'autre part, qu'ainsi précisé à juste titre par les premiers juges, les prévenus ont pu produire en outre les bordereaux de commandes de leurs publications émanant de libraires pour les années 1989 à 1993, la prolifération des publicités réalisées dans les périodiques " Livres-Hebdo ", le " Figaro Littéraire " et sur la radio " Europe 1 ", des extraits de presse d'au moins trente quotidiens régionaux ou nationaux, relatifs aux auteurs publiés par les Editions X ;
Qu'ils ont de même justifié de contacts commerciaux auprès de nombreux libraires à travers les Editions de " L'Harmattan " ;
Considérant que les conseils promis par les Editions X sur la façon d'envoyer les bulletins de souscription, d'organiser une signature dédicace, de réaliser des affichettes et de placer les exemplaires numérotés, ne nécessitaient aucunement une structure importante ;
Considérant en définitive que, quel que soit le caractère limité des résultats pouvant légitimement être espérés d'un contrat d'édition à compte d'auteur, le plus souvent décevants mais ne pouvant être comparés à ceux obtenus auprès d'un éditeur classique, force est de constater que la publicité critiquée ne révèle en l'espèce aucun élément indubitablement trompeur au sens de l'article L. 121-1 du Code de la consommation et 44 de la loi du 27-12-1973 ;
Considérant qu'il convient dès lors, par ces motifs et ceux pertinents du tribunal que la cour fait siens, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a, à bon droit, débouté Gilbert Chabert de ses demandes ;
Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard des prévenus et des parties civiles, Statuant sur les intérêts civils seuls en cause d'appel, Rejette les conclusions des parties civiles, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du Comité des auteurs en lutte contre le racket de l'édition et débouté Gilbert Chabert de ses demandes, Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires.