Livv
Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 27 mars 1995, n° 94-07081

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

Mme Pénichon, M. Guilbaud

Avocat :

Me Bartfeld.

TGI Paris, 31e ch., du 29 sept. 1994

29 septembre 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement contradictoire, a :

Déclaré :

P Jacques

Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, en l'espèce publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix, les conditions et procédés de vente de tapis d'orient en annonçant des remises de 40 % qui apparaissent en réalité illusoires et une garantie de sélection par un expert renommé alors que la plupart des pièces vendues n'ont pas été sélectionnées par eux,

Faits commis d'octobre 1992 à novembre 1992, à Paris,

Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation.

M Emmanuel

Coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, en l'espèce publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur sur les prix, les conditions et procédés de vente de tapis d'orient en annonçant des remises de 40 % qui apparaissent en réalité illusoires et une garantie de sélection par un expert renommé alors que la plupart des pièces vendues n'ont pas été sélectionnées par eux,

Faits commis d'octobre 1992 à novembre 1992, à Paris,

Infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6 et L. 213-1 du Code de la consommation.

Et par application de ces articles, a condamné :

P Jacques à 60 000 F d'amende,

M Emmanuel à 60 000 F d'amende,

Ordonné, aux frais des condamnés, la publication du jugement par extraits dans le journal Le Figaro et le magazine Télérama (édition parisienne).

Donné acte à la SA " X " de son intervention volontaire en qualité de civilement responsable,

Dit que la décision était assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. M Emmanuel, le 4 octobre 1994, au pénal,

M. P Jacques, le 4 octobre 1994, au pénal,

X (société), le 4 octobre 1994,

M. le Procureur de la République, le 4 octobre 1994 contre M. P Jacques, M. M Emmanuel.

Décision :

Rendue contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels des deux prévenus, du civilement responsable la société X, et du Ministère public du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposer des faits et de la prévention ;

Par voie de conclusions, Jacques P et Emmanuel M demandent à la cour, par infirmation, de les renvoyer des fins de la poursuite. Reprenant l'argumentation développée en première instance, ils soulignent que la démonstration de la DGCCRF selon laquelle les remises, d'année en année plus élevées, seraient illusoires du fait de la hausse continue des prix de vente, résultant elle-même de l'augmentation des coefficients multiplicateurs appliqués aux prix d'achat, fait intervenir, sur une période couverte par la prescription, la notion de prix d'achat qui n'est pas prévue par l'arrêté du 2 septembre 1977. Ils font valoir, en outre, que les premiers juges ont fondé à tort leur condamnation sur le non-respect des dispositions de l'arrêté précité alors que la DGCCRF ne leur a pas demandé de justifier de leurs prix de référence et que la prévention ne vise pas ce texte ;

Ils soutiennent par ailleurs que le fait d'avoir remis à certains clients un certificat portant le nom de l'expert Sadat pour l'achat de tapis non sélectionnés par lui ne caractérise pas l'infraction de tromperie car le nom de l'expert ne constitue pas une qualité substantielle du produit, l'objet de la garantie n'étant pas de certifier que le tapis émane de la collection de ce dernier mais d'attester, avec son accord, que la marchandise vendue est un véritable tapis d'orient noué à la main provenant de X. Ils ajoutent que ce délit ne peut être retenu que si la tromperie est à l'origine de l'acte d'achat du consommateur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les tapis recommandés par l'expert Sadat étant vendus à un rayon différent ;

Monsieur l'Avocat général estime pour sa part, que les faits sont établis et requiert la confirmation du jugement entrepris ;

Considérant qu'il convient de rappeler que Jacques Le P et Emmanuel M sont poursuivis pour avoir effectué une publicité comportant des indications de nature à induire en erreur sur les prix et les conditions de vente de tapis d'orient, en annonçant des remises de 40 % qui apparaissent en réalité illusoires et une garantie de sélection par un expert renommé alors que la plupart des pièces vendues n'ont pas été sélectionnées par lui ;

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu les prévenus dans les liens de la prévention ;

Considérant que la cour observe, d'une part, au vu des données relevées par la DGCCRF à compter de juillet 1990, que le remises effectuées au cours des mois d'octobre et de novembre 1992, sont illusoires dans la mesure où elles ont été accordées sur des prix de vente artificiellement majorés par rapport aux prix précédemment pratiqués pour des articles similaires, par l'application de coefficients multiplicateurs importants, atteignant pour certains pièces le taux de 5 ou de 6,54 ;

Qu'ainsi la politique commerciale de la société consistait à afficher des prix exagérément élevés et à proposer, dans le cadre de l'opération promotionnelle, des remises considérables en faisant espérer aux consommateurs un avantage ponctuel qui, en réalité, était consenti de manière permanente, même hors de ces périodes privilégiées, ainsi qu'il résulte de l'examen des documents comptables et des déclarations de M. R, président directeur général de la société X ;que, dans ces conditions et sans qu'il y ait lieu de faire référence aux dispositions de l'arrêté du 2 septembre 1977 non visé par la prévention, la publicité diffusée était de nature à tromper le consommateur sur la réalité des gains dont il était susceptible de bénéficier durant cette période de promotion ;

Considérant d'autre part, que la cour relève que la publicité qui présentait les tapis comme ayant été sélectionnés par un expret renommésur la personnalité duquel reposait le prestige de l'exposition, était de nature à induire en erreur le consommateur sur l'origine et les qualités substantielles de la marchandise vendue en lui laissant croire que le produit acheté bénéficiait automatiquement de la garantie de l'expert alors que, dans la réalité, près de 60 % des tapis vendus provenait d'autres fournisseurs ; que vainement J. P et Emmanuel M. développent l'argumentation selon laquelle le délit de tromperie n'est pas caractérisé, les prévenus ayant été poursuivis sans ambiguité sous la prévention de publicité mensongère en dépit de l'erreur affectant l'un des textes de répression visés dans la citation et le jugement ;

Considérant que, dans ces conditions, la cour estime comme le tribunal que les prévenus se sont rendus coupables du délit de publicité mensongère visé à la prévention ; qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité mais de l'infirmer sur la peine, ainsi que précisé au dispositif, afin de mieux tenir compte de la gravité des faits ;

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement à l'égard des prévenus et du civilement responsable, Confirme la décision dont appel sur la déclaration de culpabilité et sur la mesure de publication ordonnée, L'infirme en répression, Condamne J. P et Emmanuel M à une amende de 100 000 F chacun, Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires.