CA Dijon, ch. corr., 1 juillet 1994, n° 94213
DIJON
Arrêt
PARTIES
Défendeur :
Association Réseau des émetteurs français, Union fédérale des consommateurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Littner (faisant fonction)
Conseillers :
Mme Dufrene, M. Mecz
Avocats :
Mes Bensard, Bocquillon, Moussa Marah
Faits et procédure :
D Jean-Lou a été poursuivi devant le Tribunal correctionnel de Chaumont en vertu d'une citation directe pour :
Avoir à Saint-Dizier (52) et sur le territoire national, courant septembre 1991, effectué dans la revue " Christian Brasseur Magazine " une publicité concernant des émetteurs portatifs de marque X et de type A et B, comportant des allégations, indications ou présentation fausses ou de nature à induire en erreur sur les conditions de leur utilisation, en l'espèce en ne précisant pas aux acheteurs potentiels que l'utilisation de ces matériels est subordonnée à l'obtention d'un certificat d'opérateur obtenu après avoir satisfait aux épreuves d'un examen ;
Infraction prévue et réprimée par les articles 44 de la loi du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905.
Le jugement dont il est fait appel a :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort,
Sur l'action publique :
- a déclaré Jean-Lou D coupable des faits qui lui sont reprochés,
En répression,
- l'a condamné à 5 000 F d'amende,
- ordonné la publication du présent jugement dans la revue " X ",
- dit que le présente décision a été assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 600 F,
Le tout par application des articles 44 de la loi du 27 décembre 1973, 1er de la loi du 1er août 1905, 463 du Code pénal, 1018 A du Code des impôts.
Sur l'action civile :
- reçu les constitutions de partie civile de l'Association " Réseau des émetteurs français " et l'Union fédérale des consommateurs,
- condamné Jean-Lou D à payer :
* à l'Association " Réseau des émetteurs français ", la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts et celle de 800 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
* à l'Union fédérale des consommateurs, la somme de 1 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 800 F au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale,
- débouté l'Association " Réseau des émetteurs français " de sa demande de publication de jugement,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Jean-Lou D aux dépens de l'action civile.
Ce jugement a été frappé d'appel par :
- D Jean-Lou, prévenu, le 17 février 1994, appel principal et général,
- le Ministère public, le 17 février 1994, appel incident,
- l'Association " Réseau des émetteurs français ", le 24 février 1994, appel incident des dispositions civiles.
Décision rendue :
LA COUR, après en avoir délibéré,
La SA Y, dont M. Jean-Lou D est PDG, a fait paraître dans la revue " Christian Brasseur Magazine " du mois de septembre 1991 une publicité relative à des émetteurs récepteurs portatifs de marque X, type A ou B ;
Considérant que cette publicité était mensongère pour ne pas spécifier qu'il s'agissait de matériel strictement réservé à l'usage des radios amateurs dûment autorisés, l'Association " Réseau des émetteurs français " a dénoncé les faits au Procureur de la République de Chaumont le 4 décembre 1991.
M. Jean-Lou D sollicite sa relaxe en faisant valoir les éléments suivants :
- aucun texte n'oblige à l'entreprise faisant une publicité pour des postes destinés aux radios amateurs d'indiquer que leur utilisation est subordonnée à l'obtention d'un certificat d'opérateur ;
- l'omission reprochée ne peut entraîner le caractère trompeur de la publicité ;
- la publicité critiquée s'adresse à un public de spécialistes qui connaissent les conditions d'utilisation et ne peuvent donc être trompés ;
Il ajoute que la constitution de partie civile du Réseau des émetteurs français, qui effectue des publicités du même type, est particulièrement mal fondée.
L'Union fédérale des consommateurs sollicite la confirmation du jugement, souhaite que l'arrêt soit également publié dans la revue " Que choisir " et réclame 1 200 F sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale.
Attendu qu'à la date des faits, la mauvaise foi n'était pas un élément constitutif de l'infraction de publicité mensongère ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 121-3 du Code pénal en vigueur à compter du 1er mars 1994 et de l'article 339 de la loi d'adaptation du 16 novembre 1992, qu'il n'y a pas de délit sans intention de le commettre, imprudence ou négligence ;
Attendu qu'il n'est en l'espèce pas établi que le prévenu qui a fait paraître une annonce dans la revue réservée à des spécialistes " X " ait voulu, en omettant de préciser que les postes visés par la publicité ne pouvaient être utilisés sans obtention d'un certificat d'opérateur, tromper les consommateurs intéressés par ce type d'appareil ;
Qu'il appartient aussi au consommateur de s'enquérir comme doivent le faire par exemple les utilisateurs de certains types de motocyclettes pour lesquels un permis de conduire est nécessaire, des formalités administratives à entreprendre pour utiliser des appareils sophistiqués pour lequel chacun sait que la réglementation est à la fois précise et touffue ;
Attendu qu'à défaut d'intention de tromper le consommateur par une publicité incomplète, le prévenu doit être relaxé des faits qui lui sont reprochés ;
Attendu que, par suite de cette décision, les parties civiles doivent être déboutées de leurs demandes ;
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement à l'égard des parties en cause, Réforme le jugement entrepris et statuant à nouveau, Sur l'action publique : Relaxe D Jean-Lou des fins de la poursuite sans peine ni dépens. Sur l'action civile : Déboute les parties civiles de leurs demandes. Le tout par application des articles 470, 474 du Code pénal.