Cass. crim., 5 avril 1995, n° 94-81.940
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Simon
Rapporteur :
Mme Ferrari
Avocat général :
M. Libouban
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR: - Statuant sur le pourvoi formé par G Bernard, la société X, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 10 mars 1994, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, loterie publicitaire irrégulière et contravention de vente avec primes, a condamné le premier à 200 000 F d'amende pour les délits et 5 000 F pour la contravention, a ordonné une mesure de publication et a statué sur les intérêts civils. - Vu le mémoire produit; - Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, 121-3 du Code pénal (nouveau), 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard G coupable de publicité trompeuse et l'a condamné à une peine d'amende de ce chef, ainsi qu'au paiement, à la partie civile, d'une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;
" aux motifs qu'il est suffisant, pour que cette infraction soit constituée, que la publicité soit de nature à tromper, ce qui est manifestement le cas en l'espèce;
" alors que l'intention frauduleuse est un élément constitutif du délit de tromperie; que, faute d'avoir caractérisé et constaté la mauvaise foi de Bernard G, l'arrêt attaqué n'est pas légalement justifié;
Attendu que pour déclarer Bernard G coupable de publicité trompeuse, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que la société de vente par correspondance qu'il dirige a adressé à une cliente potentielle un document publicitaire lui laissant croire qu'elle était la gagnante de la loterie organisée par la société, alors que cette affirmation était inexacte;
Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel, qui n'avait pas à relever la mauvaise foi du prévenu, a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de publicité de nature à induire en erreur; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 5 de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989, article 1er du décret n° 90-749 du 22 août 1990, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard G coupable d'infraction à l'article 5 de la loi du 23 juin 1989 (loterie illicite), et l'a condamné à une peine d'amende de ce chef, ainsi qu'au paiement, à la partie civile, d'une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;
" aux motifs que le bulletin de participation et le bon de commande se trouvent l'un au-dessus de l'autre sur une même page sur laquelle on peut lire: " Pour commander vos articles veuillez utiliser ce document qui vous permet également de réclamer votre prix en espèces "; que, dans ces conditions, le caractère distinctif exigé par la loi n'est pas respecté en l'espèce;
" alors, d'une part, qu'il résulte de l'article 1er du décret du 22 août 1990 que, lorsque les documents comportent à la fois un bon de commande et un bulletin de participation, ces éléments, qui peuvent figurer sur le même feuillet, doivent figurer chacun dans une partie distincte comportant en titre de manière particulièrement lisible celle des mentions correspondant à l'objet du document; que, en s'abstenant de rechercher, au vu des documents produits, si cette condition était remplie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale;
" alors, d'autre part, que, si la page comprenant le bon de commande et le bulletin de participation comporte en l'espèce, effectivement, une mention permettant, par l'envoi de la même feuille, de commander un article et de participer au jeu, cette page comporte également une mention en gros caractères, indiquant la possibilité de participer au jeu sans passer de commande, et renvoyant au paragraphe 6 du règlement annexé, qui indique clairement la marche à suivre; que, en affirmant que le caractère distinctif entre le bon de commande et le bulletin de participation n'a pas été respecté, sans tenir compte de cette dernière mention, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale;
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable d'infraction à la législation sur les loteries publicitaires, délit désormais réprimé par l'article L. 121-41 du Code de la consommation, l'arrêt attaqué relève que, contrairement aux prescriptions légales, le bulletin de participation aux différentes loteries organisées par la société n'est pas distinct, de par sa présentation, du bon de commande des articles vendus par celle-ci;
Attendu qu'en se déterminant de la sorte, par une appréciation souveraine du caractère distinctif des documents de l'opération publicitaire, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués; d'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 29 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, 23 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard G coupable de la contravention de prime illicite, et l'a condamné à une peine d'amende de ce chef, ainsi qu'au paiement, à la partie civile, d'une somme de 3 000 F à titre de dommages-intérêts;
" aux motifs que l'offre gratuite d'une montre d'une valeur de 800 F pour l'achat d'une batterie de cuisine constitue une infraction, même si elle ne concerne que les 100 premiers acheteurs;
" alors que l'interdiction des ventes donnant droit, à titre gratuit, à une prime d'une valeur supérieure à 350 F ne frappe que les hypothèses où le droit à la prime résulte automatiquement de la seule vente, et ne concerne pas les ventes subordonnées à d'autres conditions, telles que la participation à un jeu ou concours; qu'en l'espèce, l'offre d'une montre n'était pas automatiquement liée à la vente, mais récompensait les 100 gagnants d'un concours de " course à la vitesse ", c'est-à-dire les titulaires des 100 bons de commande parvenant les premiers au siège de la société venderesse; qu'en se bornant à affirmer que la prime était illicite, même si elle n'était liée qu'aux 100 premières commandes, sans s'expliquer sur l'existence d'un jeu concours, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ";
Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de la contravention de vente avec primes, pratique commerciale prohibée par l'article L. 121-35 du Code de la consommation et réprimée par l'article 33 du décret du 29 décembre 1986, la cour d'appel énonce que la société de vente par correspondance a proposé d'offrir gratuitement aux 100 premiers acheteurs d'une batterie de cuisine, une montre d'une valeur de 850 F;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué; qu'en effet, il n'importe, pour l'application des textes précités, que l'attribution de la prime à laquelle donne droit la vente soit limitée à un nombre restreint de consommateurs; d'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Par ces motifs: rejette.