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Décisions

Cass. crim., 28 octobre 1998, n° 97-84.041

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

X

Défendeur :

Comité National Contre le Tabagisme

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gomez

Rapporteur :

Mme Ferrari

Avocat général :

M. de Gouttes

Avocats :

SCP Rouvière, Boutet, Me Cosson

Paris, 13e ch., du 5 juin 1997

5 juin 1997

LA COUR : - Statuant sur le pourvoi formé par C Jean-Dominique, et Sté S, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 5 juin 1997, qui, pour publicité illicite en faveur du tabac, les a condamnés solidairement à 100 000 francs d'amende, a prononcé sur les intérêts civils et mis la société, prise en qualité de civilement responsable, hors de cause. Vu les mémoires produits en demande et en défense ; - Sur le premier moyen de cassation proposé pour Jean-Dominique C, pris de la violation de l'article 121-1 du nouveau Code pénal, des articles L. 355-25, L. 355-26 et L. 355-31 du Code de la santé publique, des articles 2, 3, 4 et 5 de l'arrêté du 31 décembre 1992, et 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :

" en ce que, l'arrêt attaqué a condamné Jean-Dominique C du chef de publicité illicite en faveur du tabac et a prononcé contre lui une amende de 100 000 francs tout en le condamnant à payer la somme de 50 000 francs à la partie civile à titre de dommages et intérêts ;

" aux motifs que, ce qui est reproché à Jean-Dominique C ce n'est pas, comme il le soutient dans ses écritures, d'avoir contrevenu aux dispositions de l'arrêté du 31 décembre 1992, réglementant la publicité des produits du tabac à l'intérieur des débits de tabac, mais d'avoir engagé une opération de promotion d'un produit du tabac, ce qu'il ne conteste pas, se bornant à faire valoir que la campagne publicitaire était licite ; qu'en remettant aux acheteurs de cigarettes " News " un album photographique, il incitait, non seulement ceux-ci à consommer davantage de cigarettes, mais encore rendait public un objet portant le nom d'un fabricant de tabac, le sigle " Sté S " figurant au dos desdits albums, ce qui constituait une publicité interdite ;

" alors d'une part que, nul n'est responsable pénalement que de son propre fait ; que faute d'avoir caractérisé la participation de Jean-Dominique C à la commission de l'infraction retenue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 121-1 du nouveau Code pénal ;

" alors d'autre part que, seule la diffusion d'objets incitant à l'achat de tabac ou de produits du tabac entre dans le domaine de l'interdiction de publicité ou propagande instaurée par les articles L 355-25 et L 355-26 du Code de la santé publique ; que l'arrêt attaqué a constaté que la campagne publicitaire litigieuse a eu pour objet la diffusion d'albums photographiques portant le sigle " Sté S " ; que faute d'avoir recherché si ces albums photographiques étaient susceptibles d'inciter à la consommation du tabac ou de produits du tabac, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale aux regards desdits textes ;

" alors enfin que, la publicité autorisée en matière de tabac et produits de tabac permet à l'annonceur d'indiquer les conditions de vente du produit dont il s'agit ; que les affichettes posées à l'intérieur des débits de tabac indiquaient que l'achat de cigarettes de la marque " News " donnait lieu à une prime, sous forme d'albums photographiques ; que faute de préciser en quoi cette forme de publicité précisant les modalités de vente contrevenait aux textes susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale à leur regard " ;

Sur le moyen unique de cassation proposé dans les mêmes termes par la Sté S, à l'exception de la première branche :

Les moyens étant réunis ; - Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le Comité national contre le tabagisme a fait citer Jean-Dominique C, président-directeur général de la Sté S, ainsi que cette société, en qualité de civilement responsable, pour publicité illicite en faveur du tabac, délit réprimé par l'article L. 355-31 du Code de la santé publique ; Que, pour caractériser l'infraction, les juges d'appel exposent que la Sté S a organisé une campagne de promotion en offrant à tout acheteur d'un paquet de cigarettes de marque " News " un album photographique portant le nom de la société remis, au moment de l'achat, par l'exploitant du débit de tabac ;que, dans le même temps, des affichettes apposées à l'intérieur de l'établissement annonçaient cette vente avec prime ;que les juges retiennent que la remise d'un cadeau lors de la vente de cigarettes, opération publicitaire incitant à l'achat de ce produit, enfreint l'interdiction de toute propagande ou publicité directe ou indirecte en faveur du tabac ;Qu'ils ajoutent, pour imputer le délit au dirigeant de la société, que Jean-Dominique C ne conteste pas avoir engagé une opération de promotion d'un produit du tabac mais se borne à faire valoir que la campagne publicitaire était licite ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que le prévenu, responsable de plein de droit de l'infraction en sa qualité de dirigeant de la personne morale, n'a pas invoqué la délégation de ses pouvoirs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour Jean-Dominique C, pris de la violation des articles 113 de la loi du 24 juillet 1966, 1382 et 1384 du Code civil, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs :

" en ce que, l'arrêt attaqué a mis hors de cause la Sté S ;

" aux motifs que, la condamnation de la Sté S en qualité de civilement responsable ne peut être retenue ; que Jean-Dominique C est le président du conseil d'administration de cette société ; que, conformément aux alinéas 1 et 2 de l'article 112 de la loi du 24 juillet 1966, le président du conseil d'administration assume sous sa responsabilité la direction générale de la société et la représente dans ses rapports avec les tiers ; qu'il est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société ; qu'elle ne saurait être tenue pour civilement responsable du président du conseil d'administration qui oblige la société et n'est pas son préposé ;

" alors d'une part que, tous les actes du président du conseil d'administration engagent la société à l'égard des tiers ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que la Sté S a lancé une campagne publicitaire jugée illicite ; qu'en décidant que la Sté S ne serait pas civilement responsable de ses propres actes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" alors d'autre part qu'en écartant la responsabilité de la Sté S en se fondant sur la circonstance selon laquelle elle ne serait pas le commettant de Jean-Dominique C, la cour d'appel a faussement appliqué l'article 1384 du Code civil " ;

Et sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Jean-Dominique C, pris de la violation de l'article L 355-31 du Code de la santé publique et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut et contradiction de motifs :

" en ce que, l'arrêt attaqué a confirmé le jugement de première instance en ses dispositions pénales et mis hors de cause la Sté S ;

" alors d'une part que, ce faisant la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut caractérisé de motifs, ne se prononçant en particulier pas sur la demande subsidiaire de Jean-Dominique C tendant à voir déclarer la Sté S solidairement responsable des condamnations pénales qui pourraient être prononcées à l'encontre de son président directeur général, violant ainsi les textes susvisés ;

" alors d'autre part que, ce faisant la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entachant le dispositif de sa décision, le juge du second degré ne pouvant par son arrêt partiellement infirmatif confirmer les dispositions pénales du jugement de première instance et mettre hors de cause la Sté S déclarée par les premiers juges solidairement responsable du paiement des amendes et frais mis à la charge de son président directeur général, violant ainsi les textes susvisés ;

" alors encore que, la cour d'appel n'a pas mis en mesure la Cour de Cassation d'exercer son contrôle en ne caractérisant pas les circonstances de fait lui permettant de décider que la Sté S ne devait pas être solidairement responsable du paiement des amendes et des frais de justice mis à la charge de son président, Jean-Dominique C ; que ce faisant elle a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 355-31 du Code de la santé publique ;

" alors enfin que, les juges du fond ne peuvent sans violer les dispositions de l'article L. 355-31 du Code de la santé publique exclure totalement la solidarité de la personne morale du paiement des amendes et des frais de justice mis à la charge de leurs dirigeants ou préposés " ;

Les moyens étant réunis ; - Attendu que le prévenu est sans qualité pour contester la mise hors de cause de la personne morale qu'il dirige, citée en qualité de civilement responsable ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.