CA Pau, 1re ch., 22 juin 1994, n° 2821-94
PAU
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Magasin Burton
Défendeur :
Syndicat des Détaillants en Textiles et Nouveautés
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Khaznadar
Conseillers :
M. Lacroix, Mme Massieu
Avoués :
Me Marbot, SCP Rodon
Avocats :
Me Chevalier, Me Laparade.
Suivant ordonnance de référé en date du 3 juin 1993,
Statuant sur la demande présentée par le Syndicat des Détaillants et Textiles et Nouveautés (S.D.T.N.) contre le Magasin Burton de Pau pris en la personne de son directeur.
M. le Président du Tribunal de Commerce de Pau se déclarant compétent, et renvoyant les parties à se pourvoir au principal comme elles aviseront, a :
- ordonné au Magasin Burton de cesser toute opération de vente au rabais avec indication d'un stock limité, hors période de soldes et ce, sous astreinte de dix mille francs par jour à compter de la signification de la présente ordonnance,
- condamné le Magasin Burton à payer au Syndicat des Détaillants en Textiles et Nouveautés la somme de 4.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- condamné celui-ci aux entiers dépens.
Dans des conditions de régularité formelle qui ne sont pas sérieusement discutées et n'apparaissent pas contraires à la loi, le Magasin Burton a relevé appel de cette décision.
Prétentions des parties :
Au soutien de son recours, l'appelant fait essentiellement valoir, comme il l'avait fait devant le premier Juge, que, dirigée contre une entité dépourvue de toute personnalité juridique, l'action du S.D.T.N. serait irrecevable.
Subsidiairement cependant, l'appelant affirme que l'opération, limitée dans le temps du 10 au 15 mai 1993, prévoyait la vente au rabais de certains articles différenciés par des pastilles de couleur, avec rabais à la caisse, constituerait une opération de " vente au rabais " permise par la législation et non soumise à autorisation préalable de l'autorité municipale.
En tant que telle, cette opération n'aurait donc pu engendrer le trouble illicite dont se prévaut le S.D.T.N.
C'est ainsi que, concluant en tant que Magasin Burton, l'appelant demande à la Cour de :
- dire l'appel recevable et bien fondé,
- dire et juger que l'action intentée par le Syndicat des Détaillants et Textiles et Nouveautés à l'encontre du Magasin Burton ou de son Directeur est nulle pour irrégularité de fonds, ni l'un ni l'autre ne représentant la personne morale et n'ayant un pouvoir juridique légitime de représentation,
Subsidiairement,
- dire et juger que l'opération promotionnelle litigieuse constituait une vente avec rabais et non des soldes, et, en conséquence qu'il n'existait aucun trouble illicite de nature à justifier la compétence des Juges des référés sur le fondement de l'article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile,
- débouter le Syndicat des Détaillants en Textiles et Nouveautés de toutes ses demandes fins et conclusions,
- le condamner au paiement d'une indemnité de 10.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
Intimé, le S.D.T.N. réplique, en substance, que le Magasin Burton, sis à Pau, Place des 7 Cantons, visé dans la procédure est l'un des établissements secondaires ou l'une des succursales de la SA Montague-Burton, dont le siège est à Paris.
Cependant, la succursale de Pau est inscrite au registre de commerce de cette ville.
Dans ces conditions, en vertu de la théorie des " gares principales ", la procédure a été régulièrement diligentée à son encontre en la personne du Directeur de la succursale de Pau.
L'action aurait donc bien été dirigée.
Par ailleurs, s'appuyant sur les dispositions de l'article 2 du Décret du 26 novembre 1962 qui stipule que " sont considérées comme soldes, les ventes présentant un caractère réellement ou apparemment occasionnel, accompagnées ou précédées de publicité et annoncées comme tendant à l'écoulement de tout ou partie d'un stock ".
Le S.D.T.N. qui produit un constat d'huissier dont il résulte que les ventes avec rabais annoncées dans le magasin pour la période du 10 au 15 mai 1993 étaient " limitées au stock disponible ", soutient que les ventes litigieuses ne sauraient être considérées comme des ventes au rabais, non prohibées par la réglementation, mais bien comme des soldes prohibées faute d'avoir été autorisées par l'autorité municipale.
En conséquence, soulignant que l'ordonnance prohibant l'opération n'est intervenue que postérieurement au terme de celle-ci, le S.D.T.N. sollicite la Cour de :
- confirmer l'ordonnance dont appel,
- condamner l'établissement Burton à payer la somme de 10.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Et, ceci exposé :
Sur la régularité de la procédure :
Attendu que l'appelant admet que la SA Montague-Burton est propriétaire de près de 70 succursales dans toute la France, y compris celle située à Pau Place des 7 Cantons, dont le Directeur a reçu de l'huissier l'assignation initiale, déclarant avoir pouvoir de représenter le Magasin Burton.
Que la théorie dite des " gares principales " doit effectivement, ici, recevoir application, dès lors que la succursale de Pau de la SA Montague-Burton y est également inscrite au registre de commerce.
Que la procédure est donc régulière et opposable à la SA Montague-Burton qui paraît d'ailleurs soutenir l'appel.
Attendu que le moyen d'appel tiré de l'absence de personnalité juridique du défendeur initial ne peut donc qu'être rejeté.
Sur le fond du référé :
Attendu que si les ventes au rabais sont licites et peuvent être pratiquées sans autorisation municipale, le droit positif s'est attaché à contrôler les annonces de rabais afin d'en assurer la sincérité.
Attendu que les soldes soumises à autorisation sont constituées par des ventes au détail, à caractère occasionnel, précédées de publicité et annoncées comme tendant à l'écoulement accéléré d'un stock prédéterminé et non renouvelable, de marchandises.
Attendu, dès lors, que la publicité réalisée par le Magasin Burton de Pau, seul visé par l'action, indiquait à la clientèle que les rabais proposés pendant quelques jours, du 10 au 15 mai 1993, étaient proposés " dans les limites du stock disponible ", il apparaît que les rabais tendaient bien à l'écoulement d'un stock de marchandises prédéterminé par le vendeur et non renouvelable, situation qui fait entrer ces ventes dans le cadre des soldes soumis à autorisation.
Attendu que, pour les ventes au rabais, la protection du consommateur implique la réglementation de la publicité qui interdit toute publicité mensongère ou simplement trompeuse ;
Attendu que lors de ventes au rabais l'étiquetage, le marquage ou l'affichage des prix doit faire apparaître le prix réduit annoncé et le prix de référence pratiqué pendant plus d'un mois avant le début de l'opération ;
Qu'il est cependant admis que la réduction peut être faite par simple escompte de caisse. Cette modalité devant également faire l'objet d'une publicité, ce qui a bien été le cas en l'espèce.
Mais attendu que le décompte des rabais par escompte de caisse ne peut être pratiqué que lorsque l'annonce de réduction des prix est d'un taux uniforme et se rapporte à des produits ou services parfaitement identifiés.
Que tel n'a pas été le cas en l'espèce où le Magasin Burton de Pau proposait des rabais d'importance variable.
Attendu que cette circonstance suffit à faire également tomber les ventes pratiquées par ce magasin dans la catégorie des soldes soumis à autorisation.
Attendu que c'est donc à juste titre, quoique avec retard, que le premier Juge a ordonné la cessation de l'opération, sous astreinte.
Que l'appel se révèle donc infondé et que la décision déférée doit, en conséquence, être conformée en toutes ses dispositions.
Attendu que, contrainte par l'appel du Magasin Burton de Pau d'engager des frais irrépétibles pour y défendre le S.D.T.N., a subi de ce fait un préjudice pécuniaire que la Cour peut équitablement réparer par l'allocation de 8.000,00 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Attendu que la partie qui succombe doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort, sur l'appel de référé,
Reçoit comme régulier en la forme l'appel relevé par le Magasin Burton de Pau à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 3 juin 1993 par M. le Président du Tribunal de Commerce de Pau,
Au fond,
Le déclare injustifié,
L'en déboute,
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Y ajoutant,
Condamne le Magasin Burton de Pau à payer au Syndicat des Détaillants en Textiles et Nouveautés la somme de 8.000,00 francs au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
Condamne le même aux dépens de l'appel.