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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 11 octobre 1994, n° 94-01939

PARIS

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Petit

Conseillers :

M. Guilbaud, Mme Pénichon

Avocats :

Mes Szpinère, Dupeux.

TGI Paris, 31e ch., du 9 févr. 1994

9 février 1994

Rappel de la procédure :

Le jugement :

Le tribunal, par jugement, a déclaré :

X Claude

- coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de décembre 1989 à juillet 1992, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

S René

- coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, de décembre 1989 à juillet 1992, à Paris, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,

Et par application de ces articles, a condamné :

- X Claude à 40 000 F d'amende,

- Y René à 30 000 F d'amende,

A ordonné la publication du jugement par extraits, aux frais des condamnés dans les journaux " Libération " et " Le Monde ".

Décision assujettie à un droit fixe de procédure de 600 F, dont est redevable chaque condamné.

Les appels :

Appel a été interjeté par :

M. le Procureur de la République, le 15 février 1994 contre M. Y René,

M. Y René, le 15 février 1994,

M. le Procureur de la République, le 16 février 1994 contre Mme X Claude,

Mme X Claude, le 16 février 1994.

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur les appels relevés par les prévenus et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la prévention ;

Par voie de conclusions, Claude X sollicite de la cour, par infirmation sa relaxe des fins de la poursuite.

Elle fait essentiellement valoir que la publicité litigieuse n'a aucun caractère trompeur ou de nature à induire en erreur et que le tiré à part, qui constituait sans confusion possible une publicité, n'était pas susceptible d'être raisonnablement confondu avec un numéro du journal C par le public averti de bacheliers auquel il s'adressait.

Elle soutient, par ailleurs, que les premiers juges, ont ajouté à la loi du 1er août 1986 qui ne fait aucunement obligation de faire figurer la mention " publicité " en première page voire sur toutes les pages de la brochure.

Par voie de conclusions René Y demande à la cour, par infirmation de le relaxer des fins de la poursuite.

Il reprend intégralement l'argumentation par lui développée dans ses conclusions de première instance en faisant plus particulièrement valoir que le tribunal ne pouvait pas retenir comme caractère prétendument trompeur de la publicité le fait qu'elle était présentée comme le résultat d'une enquête objective, sans que soit établi que les éléments présentés ne constituaient pas effectivement des informations objectives dont les écoles du groupe Z auraient décidé ensuite de se servir pour en faire de la publicité.

Monsieur l'Avocat général requiert la cour, par infirmation de condamner René Y et Claude X à respectivement 40 000 F et 30 000 F d'amende.

Considérant qu'il convient de rappeler que le 10 juillet 1992 un agent de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes constatait, sur le site du " 1er salon du bac ", organisé par le magazine " Guid bac " à l'Aquaboulevard de Paris, la distribution dans un stand occupé par le groupe Z, établissement exploitant les écoles " A " et " B ", des fascicules publicitaires reproduisant :

- en " une ", la couverture d'un numéro 103 du journal C du mois de décembre 1989 intitulé " numéro spécial Grandes Ecoles pour Littéraires " ;

- en deuxième, troisième et quatrième de couverture, des publicités pour les écoles exploitées par la SARL A.

- encarté dans cette couverture, un texte de 8 pages concernant ces écoles dont la première consacrée à un " édito ", titré " Comment choisir son école de commerce ? " et signé " La rédaction " développe diverses considérations d'ordre général présentées comme le résultat d'une enquête et conclut en citant les 2 écoles du groupe (A et B) comme exemples de celles ayant toutes les qualités d'une grande Ecole de Commerce ;

Qu'entendue lors de l'enquête du 8 octobre 1992 Claude X, gérante de la SARL A, déclarait que ce publi-reportage avait été entièrement conçu par sa société à l'exception de la page de couverture reproduisant la une d'un numéro spécial du journal C ; qu'elle exposait que le bandeau de bas de page avait cependant été conçu par C mais sur les indications de A ; qu'elle précisait que la mention " publi-information " apparaissait en pages 5, 7 et 9 des documents mais pas en page de couverture de ce tiré à part à la suite d'une omission du service maquette de cette publication ;

Considérant que la cour ne saurait suivre les prévenus en leurs explications ;

Sur les faits de publicité trompeuse :

Considérant que la cour observe qu'aux termes de l'article 10 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 - d'ailleurs non visé à la prévention - tout article de publicité à présentation rédactionnelle doit être précédé de la mention " publicité " ou " communiqué " alors qu'en l'espèce la mention " publi-information " n'apparaît qu'aux pages 5, 7 et 9 et non en une de couverture ;

Considérant que la cour relève, par ailleurs qu'à l'audience des premiers juges René Y a déclaré : " c'est à la suite d'un problème technique que la mention " publicité " ne figure pas sur la couverture - " L'édito a été rédigé par Mme X, pas par nous. Cette partie du document est certainement incomplète " ;

Considérant que la cour estime que la présentation fallacieuse du document, notamment celle de la page 3, intitulée " Edito - Comment choisir son école de commerce ? " et signé " La rédaction ", est de nature à induire en erreur, même un public estudiantin avisé, en incitant les clients potentiels des écoles A et B à croire que les appréciations louangeuses portées sur ces établissements sont le fruit d'une étude journalistique objective et non sur un pur produit publicitaire, les trompant ainsi sur les résultats pouvant être attendus de leur utilisateur ;que vainement René Y soutient que le caractère trompeur des éléments présentés n'est pas démontré alors qu'en la matière c'est à l'annonceur qu'il appartient d'apporter tous éléments propres à justifier les allégations, indications ou présentations publicitaires erronées.

Qu'en l'espèce, la cour constate que la société A n'a pas justifié l'affirmation selon laquelle B serait " La première Grande Ecole pour Littéraires " ;

Considérant que c'est donc par des motifs pertinents que la cour fait siens et par une juste appréciation des faits et circonstances particulières de la cause, exactement rapportés dans la décision attaquée, que les premiers juges ont, à bon droit, retenu le caractère trompeur de la publicité litigieuse ;

Sur la responsabilité pénale :

Considérant qu'il résulte de l'article 44-II de la loi du 27-12-1973, dont la rédaction a été reprise par l'article L. 121-5 de la loi n° 93-949 du 21 juillet 1993, que l'annonceur pour le compte duquel la publicité est diffusée est responsable à titre principal de l'infraction et que, si le contrevenant est une personne morale, la responsabilité incombe à ses dirigeants ; qu'ainsi Claude X, gérante de la SARL A, s'est rendue coupable du délai de publicité trompeuse visé à la prévention ;

Qu'il lui appartenait en effet, de s'assurer de la sincérité et de la clarté de la publicité et d'en vérifier le contenu avant sa diffusion ;

Considérant que René Y, président du groupe C et directeur de la publication, s'est pour sa part rendu complice de la même infraction en permettant, en connaissance de cause, la réalisation de la publicité litigieuse, en cédant le film de sa " une " de couverture et en procédant à l'impression de la brochure, moyennant une rémunération de 50 000 F ;

Que la cour est en effet convaincue que le caractère manifestement critiquable du document concerné ne pouvait échapper à ce professionnel averti ;

Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité mais de l'infirmer sur les peines, ainsi que précisé au dispositif, et ce pour mieux tenir compte de la relative gravité des agissements commis ainsi que de la personnalité de chacun des prévenus ;

Que la cour estime par ailleurs, devoir, par infirmation, dispenser les prévenus de la publication de la décision à intervenir, eu égard aux aspects particuliers de cette affaire ; qu'il y a lieu en outre, d'ordonner la non-inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de Claude X ;

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges qu'elle adopte expressément : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre des prévenus ; Rejette les conclusions de relaxe des prévenus ; Confirme le jugement sur les déclarations de culpabilité ; L'infirme sur les peines, Vu l'article 132-29 du code pénal ; Condamne Claude X à 20 000 F d'amende avec sursis ; Vu l'article 775-1 du Code de procédure pénale ; Ordonne la non inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire de Claude X ; Condamne René Y à 20 000 F d'amende ; Dispense les prévenus de publication ; Rejette toutes conclusions plus amples ou contraires ; La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de 800 F dont est redevable chaque condamné.