Cass. crim., 6 juin 2000, n° 99-85.066
COUR DE CASSATION
Arrêt
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gomez
Rapporteur :
M. Blondet
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocats :
SCP Piwnica, Molinié
LA COUR : - Statuant sur les pourvois formés par : - B Jean-Marie, - B Patrick, - la société X, contre l'arrêt de la Cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, en date du 30 juin 1999, qui a condamné les deux premiers, pour organisation de loterie prohibée et publicité relative à des loteries prohibées, publicité de nature à induire en erreur, tenue de maison de jeux de hasard non autorisés, à 50 000 francs d'amende, la troisième, pour le dernier de ces délit, à 100 000 francs d'amende, et a ordonné la publication de la décision ainsi que la fermeture définitive de l'établissement; - Joignant les pourvois en raison de la connexité; - Vu le mémoire produit;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3 et 111-4 du Code pénal, 1er, 2, 4 et 6 de la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, 1er de la loi n° 83628 du 12 juillet 1983 relative aux jeux de hasard, 6-1 et 7 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie et Patrick B coupables d'organisation de loteries prohibées, de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est librement admis et d'établissement ou tenue en un lieu public de jeux non autorisés dont l'enjeu est en argent et a déclaré la SARL X coupable de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public est largement admis et d'établissement ou tenue en un lieu public de jeux de hasard non autorisés dont l'enjeu est en argent;
"aux motifs que l'article 1er de la loi du 21 mai 1836 prohibe les loteries de toute espèce; que l'article 6 de la même loi dont se prévalent les prévenus dispose qu'échappent à cette prohibition les lotos traditionnels lorsqu'ils sont organisés dans un cercle restreint, dans un but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation locale et se caractérisent par des mises et des lots de faible valeur; qu'il est constant que les notions de cercle restreint et d'animation locale ne sont pas légalement définies même s'il est de tradition que les lotos regroupent des personnes ayant des activités ou des affinités identiques avec pour finalité de procurer aux organisateurs, généralement des associations, une source de financement permettant la pérennité du tissu associatif indispensable à l'animation surtout en milieu rural; qu'il résulte du dossier que les lotos organisés par la SARL X et ses deux associés ne constituent pas des lotos traditionnels au sens de l'article 6 susvisé même s'ils respectent la réglementation relative à la nature et à la valeur des lots et à la valeur des mises; qu'en effet, l'importance des publicités réalisées, leur coût et leur zone de diffusion, la fréquence des jeux et leur systématisation générant une fidélisation de la clientèle et le nombre de participants à chaque manifestation, apprécié en fonction de la densité locale de population mais dépassant de loin les seuls membres des associations annoncées comme servant de support à ces lotos leur enlèvent la dimension restreinte voulue par la loi; qu'en outre, le but recherché par Jean-Marie et Patrick B n'était pas prioritairement la promotion d'une vie locale au travers du financement d'une activité déterminée à l'avance dès lors que les recettes dégagées, dont une part plus que symbolique était rétrocédée à trois associations, étaient destinées exclusivement à la société X et à ses deux seuls associés qui en retiraient leurs moyens d'existence; que ce mercantilisme est incompatible avec l'esprit qui préside à l'organisation des lotos traditionnels et doit guider leurs organisateurs; que le jugement entrepris sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu la culpabilité de Jean-Marie et Patrick B du chef de loteries prohibées; qu'il est constant que les lotos constituent des jeux de hasard; que dans le cadre de l'organisation de ces lots prohibés, les prévenus ont nécessairement: participé à la tenue d'une maison de jeux où le public était librement admis, tenu dans un lieu ouvert au public des jeux de hasard non autorisés, dont l'enjeu était l'argent, organisé, distribué ou facilité l'émission de billets de loterie, se rendant ainsi coupables des autres chefs de prévention articulés à leur encontre; que la SARL X représentée par Me U désigné en qualité de mandataire de justice, a été justement retenue dans les liens de la prévention des chefs de participation à la tenue d'une maison de jeux de hasard où le public était librement admis et de tenue, dans un lieu ouvert au public, de jeux de hasard non autorisés dont l'enjeu était l'argent dès lors que ces infractions ont été commises, pour son compte par ses organes;
1°) "alors que toute infraction doit être définie en des termes clairs et précis pour exclure l'arbitraire et permettre au prévenu de connaître exactement la nature et la cause de l'accusation portée contre lui et que la cour d'appel, qui constatait expressément que les notions de "cercle restreint" et "d'animation locale" qui, selon les dispositions de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836, faisaient obstacle à la prohibition générale des loteries, n'étaient pas légalement définies, ne pouvait, sans méconnaître le principe susvisé et, par voie de conséquence, le principe du procès équitable, entrer en voie de condamnation à l'encontre des demandeurs au titre des infractions susvisées;
2°) "alors que la loi pénale est d'interprétation stricte; qu'il résulte des dispositions de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836 que l'existence d'un "but social, culturel, scientifique, éducatif, sportif ou d'animation locale" permet de justifier l'organisation d'un loto traditionnel et que la cour d'appel ne pouvait, sans ajouter à la loi une condition qu'elle ne comportait pas, pour écarter l'exception invoquée par les prévenus tirée de l'existence d'un but d'animation locale dont elle admettait implicitement l'existence, faire état de ce que le but recherché par Jean-Marie et Patrick B et la société X n'était pas "prioritairement" la promotion d'une vie locale;
3°) "alors qu'aucune condamnation pénale ne saurait être fondée sur des motifs manifestement contradictoires et que l'arrêt, qui constatait expressément : 1 - que la préparation des lotos était assurée grâce à l'aide bénévole de l'entourage proche des frères B; 2 - que des associations locales étaient intéressées à l'opération sous forme de parrainage et avaient perçu une partie des gains; 3 - que la publicité avait un caractère régional; 4 - et que la rémunération mensuelle des frères B était limitée à 5 000 francs;
"ne pouvait, sans se contredire, écarter la notion de loto traditionnel en faisant état d'un prétendu mercantilisme avec l'esprit qui préside à l'organisation de tels lotos";
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Patrick et Jean-Marie B et la société X, dans laquelle ils sont associés, ont organisé, dans une salle louée à la commune du Dorat, puis dans un ancien magasin, à Montamise, des loteries rassemblant, en fin de semaine, les jours fériés ou la veille des jours fériés, plusieurs centaines de personnes; que Patrick et Jean-Marie B sont poursuivis, notamment, pour organisation de loteries prohibées et tenue de maisons de jeux de hasard non autorisés;
Attendu que les prévenus ont soutenu que leur activité, organisée dans un cercle restreint et dans un but d'animation locale, et se caractérisant par des mises et des lots de faible valeur, entrait dans la classe des lotos traditionnels qui, en application de l'article 6 de la loi du 21 mai 1836, échappent au principe de la prohibition des loteries;
Attendu que, pour écarter ce moyen de défense, les juges relèvent que l'importance et le coût des publicités réalisées, l'étendue de leur zone de diffusion et le nombre des participants à chaque loterie, largement supérieur à celui des membres des associations présentées comme les soutiens de ces manifestations, font échapper leur activité aux limites des lotos traditionnels autorisés;qu'ils ajoutent que les recettes des loteries, dont une part insignifiante a été versée à trois associations, étaient destinées à la société X et à ses deux associés qui en tiraient leurs moyens d'existence;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, dépourvus d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui n'avait pas à entrer dans le détail de l'argumentation des prévenus, a justifié sa décision;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick et Jean-Marie B coupables de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur;
"aux motifs, propres ou repris des premiers juges que les enquêteurs ont constaté, lors de la manifestation du 27 janvier 1996, la mise en vente de sandwichs prétendument au jambon alors qu'il s'agissait d'épaule d'un prix sensiblement inférieur; que les prévenus concluent que le jambon était vendu avec la mention "jambon-épaule" et que le tribunal ne dispose d'aucune certitude sur les indications alléguées par Jean-Marie et Patrick B accompagnant la vente des sandwichs confectionnés avec de l'épaule;
1°) "alors que le délit de publicité de nature à induire en erreur suppose l'existence d'une publicité quelle qu'en soit la forme, la seule mise en vente d'un produit ne suffisant pas à elle seule à réaliser une telle publicité;
2°) "alors que la cour d'appel qui, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre des demandeurs, s'est contentée de faire état d'un doute, élément qui ne répond pas aux impératifs de motivation définis par l'article 593 du Code de procédure pénale, n'a pas légalement justifié sa décision";
Attendu que, pour déclarer Patrick et Jean-Marie B coupables de publicité trompeuse, les juges retiennent que des agents assermentés de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ont constaté, sur les lieux de l'une des loteries illicites, que des sandwichs étaient proposés à la vente comme composés de jambon, alors qu'ils contenaient de l'épaule; qu'ils écartent comme non probantes les allégations des prévenus, soutenant pour leur défense que les sandwichs étaient présentés avec la mention "jambon-épaule";
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, justifié sa décision; d'où il suit que le moyen doit être écarté;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 121-1 du Code de la consommation, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Patrick et Jean-Marie B coupables de publicité de nature à induire en erreur;
"aux motifs propres ou repris des premiers juges le nom de certaines associations locales était mentionné sur les affiches; qu'il était convenu initialement mais sans aucun écrit que les associations locales seraient intéressées à l'opération sous forme de parrainage et percevraient une partie des gains mais il s'est avéré que seules trois associations avaient bénéficié d'une somme totale de 2 000 francs et que ces faits sont constitutifs de tromperie, le lecteur étant forcément conduit à penser que les fonds recueillis au cours de la soirée profiteraient à l'association concernée;
1°) "alors que l'accord donné par une association aux parrainages d'une opération récréative suffit à justifier la mention de son nom sur la publicité, étant indifférent que l'association ait perçu de l'argent pour prix de son parrainage ou qu'elle ait au contraire contribué à son financement;
2°) "alors qu'il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêt que les prévenus aient, dans les publicités querellées, mentionné l'importance des fonds reversés aux associations locales; qu'il résulte au contraire des énonciations des premiers juges que ceux-ci s'étaient bornés à mentionner le nom des associations et que, dès lors, aucune mention inexacte ne figurant dans les publicités, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jean-Marie et Patrick B du chef de publicité de nature à induire en erreur";
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la juridiction correctionnelle n'a pas été saisie contre les prévenus de la référence faite, dans les publicités incriminées, au parrainage d' associations; Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme;
Rejette les pourvois.