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Décisions

CA Paris, 13e ch. A, 3 mars 1992, n° 8456-91

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Ministère Public

Défendeur :

X

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cerdini

Avocat général :

M. Bouazzouni

Conseillers :

MM. Martinez, De Thoury

Avocat :

Me Casanova.

T. de Police de Paris, 2e ch., du 15 fév…

15 février 1991

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel interjeté par le Ministère Public à l'encontre du jugement précité en ce qui concerne D Christian.

Se référant à ce jugement pour l'exposé de la prévention et des faits.

Dans sa requête d'appel, le Ministère Public demande à la Cour de déclarer Christian D coupable de l'infraction qui lui est reprochée de vente, prestation de service ou offre à un consommateur avec prime illégale et de condamner le prévenu aux peines prévues par la loi.

Par voie de conclusions, Christian D et la Société N, civilement responsable de son préposé sollicitent la confirmation de la décision entreprise, l'infraction susvisée n'étant pas constituée.

Considérant qu'il y a d'abord lieu de constater que l'appel du Ministère Public ne vise pas la société précitée citée en première instance en qualité de civilement responsable et qu'elle n'est donc pas mise en cause devant la Cour.

Considérant qu'il est reproché à Christian D d'avoir effectué une vente ou offre de vente de produits, biens ou prestations de services, faite aux consommateurs et donnant droit à une prime illégale.

Considérant que l'article 29 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 interdit toute vente ou offre de vente de produits ou de biens faite aux consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits, biens ou services.

Considérant que sont exceptés de cette interdiction les produits et les biens identiques à ceux qui font l'objet de la vente, les menus objets ou services de faible valeur et les échantillons dans les conditions prévues par les articles 23 et 25 du décret du 29 décembre 1986 ; que ne sont pas considérés comme primes aux termes de l'article 24 de ce décret notamment le conditionnement habituel du produit, les biens et produits indispensables à l'utilisation normale de ceux faisant l'objet de la vente.

Considérant qu'il n'est pas contesté en l'espèce par le prévenu que l'opération incriminée dont il est responsable ne rentre dans aucune de ces exceptions.

Considérant en revanche que Christian D soutient que cette opération ne saurait être assimilée à une vente avec prime illicite dans la mesure où la vente des articles ne donnait pas droit à la remise à titre gratuit d'un autre produit, bien ou service mais correspond à la pratique de la prime auto-payante qui est parfaitement licite.

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le " bon-cadeau Fidélité " remis aux clients concernés était accompagné d'une lettre leur rappelant qu'ils avaient gagné des points-fidélité en présentant lors de leurs achats la carte N (1 point pour 100 F d'achats), leur communiquant le nombre total de points gagnés à l'issue de la période fixée et leur offrant une double possibilité : utiliser le bon pour acquérir en fonction du nombre de points un ou plusieurs des 18 cadeaux sélectionnés pour eux dans la vitrine fidélité ou l'utiliser comme un bon de réduction valable sur un achat effectué dans tous les rayons du magasin (sauf 3).

Considérant qu'il est bien précisé dans le document intitulé " comment profiter de votre bon-cadeau " que si dans le deuxième cas il fallait remettre ce bon à la caissière en réglant son achat, dans le premier il convenait de présenter le bon-cadeau au service clientèle du magasin qui remettait immédiatement le ou les cadeaux choisis.

Considérant que si dans la seconde solution il y a bien nécessité pour le client qui achète un produit de payer, le bon ne lui permettant que de bénéficier d'une réduction, dans la première il n'a aucun versement à effectuer, le produit lui étant remis sur la simple présentation du bon.

Considérant dès lors, que dans ce dernier cas le client avait le droit d'obtenir un produit à titre gratuit à la suite de ses achats antérieurs et qu'ainsi Christian D a bien effectué une vente faite aux consommateurs et donnant droit à titre gratuit, à terme, à une prime consistant en produits.

Considérant que Christian D doit en conséquence être déclaré coupable de l'infraction prévue par l'article 29 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; qu'il convient de confirmer la décision entreprise et de faire à l'égard du prévenu l'application de la loi pénale précisée au dispositif.

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement sur l'appel du Ministère Public interjeté à l'égard de Christian D, la Société N n'étant pas en cause, Infirme le jugement déféré en ce qui concerne le prévenu, Vu les dispositions des articles 29 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, et 33 du décret du 29 décembre 1986, Déclare Christian D coupable de la contravention de vente avec prime illicite, Le condamne en répression à 5.000 F d'amende, Rejette comme non fondées toutes conclusions plus amples ou contraires, Condamne le prévenu aux dépens liquidés à la somme de 314,81 F.