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Décisions

CA Paris, 18e ch. D, 16 janvier 1995, n° 94-43699

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

CPAM 92

Défendeur :

Société générale des grandes sources, Niox-Château, URSSAF 75, CAMPLIF, Caisse de retraite de l'enseignement des arts appliqués du sport et du tourisme, DRASSIF.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dupuis

Conseillers :

MM. Faure, Lefèvre

Avocat :

Me Losi.

T. des aff. de Séc. Soc. de Paris, 1re s…

21 mars 1994

LA COUR,

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine contre un jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, 1re section, du 21 mars 1994 qui a :

- dit que la demoiselle Niox-Château ne doit pas être assujettie au régime général de la Sécurité Sociale pour son activité en faveur de la Société Générale des Grandes Sources d'Eaux Minérales Françaises (SGGEMF),

- et annulé la décision de la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'Assurance des Hauts-de-Seine du 2 septembre 1992.

Faits, procédure et prétentions des parties

En mars 1989, la demoiselle Niox-Château a signé avec la Société Générale des Grandes Sources d'Eaux Minérales Françaises un contrat dit de parrainage sportif aux termes duquel :

- le sponsor (la société) s'engageait à apporter son concours à la joueuse (demoiselle Niox-Château), à lui apporter une partie de son budget publicitaire sous forme de primes de classement et de primes de résultat, et à valoriser son image et son nom ; les primes de classement variaient selon le rang dans la première série du classement national de la Fédération Française de Tennis, et cessaient d'être versées si l'intéressée venait à quitter cette série ;

- la joueuse, en contrepartie, autorisait le sponsor à utiliser et exploiter à titre exclusif, en vue de la promotion de l'eau minérale Contrex, ses nom et image de joueuse professionnelle de tennis du haut niveau.

La joueuse s'engageait également à paraître en personne à cinq manifestations promotionnelles d'une journée chacune, à faire de son mieux pour emporter sur les courts des bouteilles ou bidons Contrex, à utiliser de préférence l'eau contenue dans ces récipients, à ne pas s'exposer publiquement avec d'autres eaux, et à représenter dignement la marque du sponsor ; elle s'interdisait en outre tout accord de parrainage avec des marques concurrentes.

Le 5 mars 1992, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a notifié à la Société Générale des Grandes Sources d'Eaux Minérales Françaises une décision selon laquelle la demoiselle Niox-Château possédait la qualité d'assujettie au régime général au sens de l'article L. 311-3-15 du Code de la sécurité sociale, car à l'occasion des matchs disputés elle était astreinte aux sujétions exprimées par le contrat, et était rétribuée sous forme de primes de résultats.

La Commission de recours amiable a maintenu cette décision, en précisant qu'elle était également justifiée par les dispositions de l'article L. 311-2 du Code de sécurité sociale.

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a dit bien fondé le recours de la société, au motif qu'aucun des deux textes susvisés ne pouvait justifier l'assujettissement de la demoiselle Niox-Château.

A l'appui de son appel, la Caisse appelante soutient d'une part que l'article L. 311-3-15 du Code de la sécurité sociale vise l'assujettissement des artistes du spectacle et des mannequins auxquels peuvent être assimilés les sportifs professionnels, notamment les joueurs de tennis prêtant leurs concours à des opérations publicitaires ou des exhibitions.

Elle affirme, d'autre part, que la demoiselle Niox-Château était astreinte, dans ses relations avec la société, à des sujétions permettant de retenir l'existence d'une service organisé, au sein duquel elle agissait dans un lien de dépendance, et même d'un rapport de subordination. Elle invoque, en ce sens, une lettre ministérielle du 29 août 1990 adressée à l'ACOSS. Elle conclut en ce sens à l'infirmation.

La société conclut à la confirmation, et demande une somme de 80 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'URSAFF et la CAMPLIF s'en rapportent à justice, en précisant toutefois que la demoiselle Niox-Château a sollicité le 1er avril 1994 son affiliation à cette dernière Caisse.

La demoiselle Niox-Château n'a ni comparu, ni été représentée à l'audience, ni conclu, bien qu'elle ait été régulièrement convoquée.

Sur quoi

Considérant que l'article L. 311-3-15 du Code de la sécurité sociale prévoit que sont assujettis au régime général les artistes de spectacle auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L. 762-1 et suivants du Code du travail.

Considérant que l'article L. 762-1 du Code du travail dispose que tout contrat pour lequel une personne physique ou morale s'assure moyennant rémunération le concours d'un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail, dès lors que cet artiste n'exerce pas l'activité, objet de ce contrat, dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

Considérant qu'en l'espèce l'activité de la société intimée consistait à vendre des eaux minérales, et non pas à organiser des spectacles; que cette société n'organisait pas les tournois de tennis auxquels la demoiselle Niox-Château participait; que de son côté celle-ci fournissait des prestations différentes de celles assurées par un artiste de spectacle; que son activité principale était de participer à des tournois et compétition de tennis, et non pas à des spectacles; que s'il est exact qu'elle devait participer à des manifestations promotionnelles d'une journée chacune, il n'en demeure pas moins qu'aucune pièce du dossier n'établit que ces manifestations se distinguaient des compétitions de tennis qui constituaient l'essentiel de l'activité de la joueuse ; qu'il n'est nullement établi, par ailleurs, que ces manifestations promotionnelles étaient organisées par la société intimée elle-même en vue de la production de la demoiselle Niox-Château.

Considérant que les pièces du dossier ne prouvent nullement que la demoiselle Niox-Château exerçait son activité dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce ;

Considérant, de surcroît, que l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale précise que sont assujetties au régime général de la Sécurité Sociale toutes les personnes travaillant pour le compte d'un employeur dans un lien de subordination moyennant une rémunération ; que ce lien se subordination est constitué lorsque, notamment, la personne assujettie exerce son activité dans le cadre d'un service organisé.

Considérant qu'en l'espèce la demoiselle Niox-Château a certes été astreinte à respecter les obligations définies dans le contrat de parrainage sportif; que toutefois ces obligations n'entraient pas dans le cadre de l'activité de la société intimée, qui n'était pas son employeur; que ces mêmes obligations étaient limitées à des astreintes publicitaires et à la participation à certaines manifestations; que la joueuse conservait l'entière liberté de choix des compétitions auxquelles elle s'inscrivait, et de l'organisation de sa vie de joueuse professionnelle; que les obligations définies par le contrat de parrainage ne concernaient que certains aspects très partiels de sa vie professionnelle; qu'elles n'entraîneraient donc l'existence ni d'un lien de subordination ni même d'un service organisé;

Considérant qu'il apparaît en définitive que le contrat de parrainage sportif signé entre la demoiselle Niox-Château et la société intimée ne peut pas s'analyser en un contrat de travail, et n'a pas créé un lien de subordination justifiant l'assujettissement au régime général en application de l'article L. 311-2 du Code de la sécurité sociale, peu important à cet égard les dispositions d'une simple lettre ministérielle qui ne peut en aucun cas s'imposer aux juridictions de l'ordre judiciaire ; que le jugement déféré sera donc confirmé ;

Considérant qu'il ne paraît pas inéquitable, compte tenu de la situation respective des parties, de laisser à la charge de la société intimée la totalité de ses frais irrépétibles ;

Par ces motifs, LA COUR, Déclare mal fondé l'appel de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie des Hauts-de-Seine. Confirme le jugement déféré. Rejette la demande fondée en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Dispense l'appelant du paiement du droit d'appel prévu à l'article R. 144-6 du Code de la sécurité sociale.