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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 12 décembre 1995, n° 93-011988

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Emma Productions (SARL)

Défendeur :

Segespar Titres (SA), Dumoulin (ès qual.), Orchestre Philharmonique de France (Sté), Caisse Nationale de Crédit Agricole (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Duvernier

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

SCP Bernabé Ricard, SCP Narrat Peytavi, SCP Fisselier Chiloux Boulay, SCP Menard Scelle Millet

Avocats :

Mes Tahar, Delignere, Roquette, Marchis Mouren.

TGI Paris, 4e ch., 2e sect., du 11 mars …

11 mars 1993

Par contrat du 7 juin 1989, l'Orchestre Philharmonique de France, constitué sous la forme juridique d'une SARL dite OPF, a cédé à la SARL VMG le droit exclusif de fixer ses prestations, de les reproduire sur tous supports et de les communiquer au public, pour une durée de cinq ans.

Par convention de parrainage du 12 juin 1989, la SA Segespar Titres, filiale du Crédit Agricole spécialisée dans la gestion de placements collectifs en valeurs mobilières, s'est engagée à promouvoir les activités de l'OPF et, pour ce, à lui faire don de la somme de cinq millions de francs, laquelle devait être affectée selon l'article 1er :

- à hauteur de 2 190 000 F, aux six prochains enregistrements de l'OPF,

- à hauteur de 2 810 000 F, aux diverses opérations de promotion de cet orchestre.

Aux termes de l'article 2 du contrat, eu égard au mécénat de la société Segespar Titres, la société VMG s'est obligée de son côté à :

- produire et éditer à 100 000 exemplaires un disque compact promotionnel de l'enregistrement " Live " d'un concert qui devait avoir lieu le 30 juin 1989 à Sully-sur-Loire,

- financer les cinq enregistrements de disques composant le coffret " symphonies européennes ".

L'article 5 précisait que la société Segespar Titres, désireuse de voir son activité de mécène se poursuivre dans le temps, s'engageait à apporter son concours aux enregistrements de l'OPF qui seraient réalisés pendant la durée du contrat VMG-OPF, annexé à la convention.

Outre le versement en 1989 de la somme de cinq millions de francs mentionnée au contrat, la société Segespar Titres à versé à l'OPF en 1990 une somme de même montant destinée à l'enregistrement et à la promotion d'un coffret de disques intitulé " Pièces et concerti français ".

Le 1er février 1991, elle a informé la société VMG de sa décision de mettre fin à son action de mécénat.

Le 9 juillet 1991, la société Segespar Titres et l'OPF ont signé un protocole d'accord aux termes duquel la société susvisée, " eu égard à l'esprit des relations ayant existé entre elle et l'OPF, acceptait de poursuivre son action de parrainage auprès de l'OPF pour l'année 1991 " et de verser à l'orchestre une somme de 6 465 000 F " au titre de sa participation pour toutes les opérations artistiques envisagées par l'OPF pour l'année 1991 ".

Cet acte stipulait que :

- l'OPF déclarait satisfactoire l'offre de la société Segespar Titres qu'il acceptait et reconnaissait que " cette dernière s'était ainsi acquittée de son engagement de parrainage au-delà des termes de la convention du 12 juin 1989 ",

- pour le cas où l'OPF déciderait de procéder à de nouveaux enregistrements dans le cadre du contrat du 7 juin 1989 la liant à la société VMG et pour toute la durée de celui-ci, il ferait " son affaire de la participation aux frais d'enregistrement auxquels Segespar Titres, dans l'article 5 de la convention du 12 juin 1989, déclarait s'engager à apporter son secours ".

Le 12 juillet 1991, la SARL Emma Productions venant aux droits de la société VMG à la suite de la fusion absorption de celle-ci en date du 15 octobre 1990, a délivré à l'OPF, sommation de lui communiquer les dates auxquelles il serait en mesure de procéder aux enregistrements du programme de l'année.

Le 6 août suivant l'OPF lui a répondu en ces termes :

" Je vous indique que la société Segespar Titres ayant décidé de cesser la poursuite de son activité envers l'OPF, il ne nous est pas possible, par voie de conséquence, de procéder aux enregistrements prévus pour l'année 91 ".

Se prévalant alors du caractère abusif de la rupture par la société Segespar Titres et l'OPF des conventions aux motifs que celles-ci avaient été conclues pour une durée déterminée de cinq, la société Emma Productions a assigné le 13 novembre 1991 devant le Tribunal de grande instance de Paris les sociétés susnommées ainsi que la Caisse Nationale du Crédit Agricole aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer les sommes :

- 5 millions de francs en réparation du préjudice subi du fait de l'inexécution de leurs obligations contractuelles au cours des années 1989 et 1990,

- 10 millions de francs pour le préjudice commercial résultant de la rupture unilatérale des contrats,

- 3 millions de francs à titre de dommages et intérêts supplémentaires, " compte tenu de la brutalité de la rupture et des conséquences indirectes de celle-ci ".

La société Segespar Titres a conclu à l'irrecevabilité et au mal fondé des prétentions de la société Emma Productions et a formé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts tout comme la Caisse Nationale du Crédit Agricole.

L'OPF a également conclu au débouté de ladite société.

Par jugement du 11 mars 1993, le tribunal a :

- déclaré les demandes de la société Emma Productions recevables mais mal fondées,

- condamné cette société à payer en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

- une somme de 20 000 F à la société Segespar Titres,

- une somme de 10 000 F à la Caisse Nationale du Crédit Agricole,

- rejeté toutes autres demandes.

La société Emma Productions a interjeté appel de cette décision le 3 mai 1993 à l'encontre de l'ensemble des parties mais s'est désistée de ce recours à l'égard de la Caisse Nationale du Crédit Agricole par conclusions du 3 septembre 1993.

Elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de juger que :

- la société Segespar Titres est responsable de la rupture de la convention de parrainage du 12 juin 1989,

- le contrat d'enregistrement exclusif a été résilié aux torts et griefs de l'OPF du fait de son refus d'exécuter ses obligations,

- la société Segespar Titres " a joué un rôle de bailleur de fonds, de commanditaire et de gérant de fait de l'OPF ".

Elle sollicite en conséquence la condamnation :

- " conjointe et solidaire " de la société Segespar Titre et de l'OPF au paiement d'une somme de 10 millions de francs en réparation du préjudice subi du fait de la rupture des conventions,

- de la société Segespar Titres au paiement d'une somme de cinq millions de francs au titre de " l'inexécution parfaite " de ses obligations au cours des années 1989 et 1990,

- solidaire des deux intimées au paiement d'une somme de 100 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Segespar Titre invoque à titre principal l'irrecevabilité de l'appel, faute pour la société Emma Productions d'un intérêt à agir.

Elle conclut :

- subsidiairement, au rejet des demandes formulées par cette société,

- plus subsidiairement, que lesdites demandes ne sauraient être accueillies tant que la société Emma Productions n'a pas fourni tous justificatifs de l'emploi des fonds remis par la société Segespar Titres pour le compte de l'OPF depuis 1989,

- à la condamnation de l'appelante à lui verser une indemnité de 100 000 F pour procédure abusive ainsi qu'une somme de même montant conformément à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Me Dumoulin ès qualités de liquidateur de l'OPF poursuit la confirmation pure et simple du jugement entrepris.

La Caisse Nationale du Crédit Agricole déclare prendre acte du désistement d'appel à son égard de la société Emma Productions mais, soutenant que celle-ci l'a attraite abusivement dans la présente procédure, sollicite sa condamnation à lui verser une indemnité de 20 000 F ainsi qu'une somme de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce,

Sur la procédure :

Considérant que la clôture de l'instruction a été prononcée le 18 septembre 1995.

Que, cependant, la société Segespar Titres a signifié des conclusions le 24 octobre 1995 et communiqué deux pièces le 6 novembre 1995.

Considérant que l'application de la règle selon laquelle après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, ces conclusions et ces pièces seront déclarées irrecevables.

I - Sur les demandes de la société Emma Productions :

- Sur les demandes dirigées contre la société Segespar Titres :

Sur leur recevabilité :

Considérant que la société Segespar Titres oppose à celle-ci les trois arguments suivants :

- l'absence d'engagement de son fait à l'égard de la société VMG :

Considérant que cette intimée allègue que l'examen de la convention du 12 juin 1989 révèle qu'elle n'a contracté aucun engagement envers la société VMG et que la société Emma Productions est irrecevable à agir à son encontre pour défaut de titre.

Qu'elle précise qu'il existait une relation au sein de laquelle les obligations des parties allaient de VMG à l'OPF et de Segespar à l'OPF ainsi que de l'OPF à Segespar mais (qu') aucune relation n'existait entre Segespar et VMG ", celle-ci " n'étant que le relais nécessaire dans les relations entre Segespar et l'OPF ".

Considérant que la société Emma Productions réplique que la convention s'analyse en un contrat de caractère synallagmatique qui nécessitait la présence et la signature des trois parties dès lors que l'absence d'une seule d'entre elles privait les deux autres de garanties qu'elles étaient en droit d'attendre comme contrepartie de leurs propres engagements.

Considérant que la convention de parrainage du 12 juin 1989 fait d'emblée apparaître comme parties au contrat la société Segespar Titres, la société VMG et l'OPF et rappelle en préambule que ce dernier est lié à la société VMG par un contrat d'enregistrement exclusif lequel est, au demeurant, annexé à la convention.

Que l'article 1er de celle-ci, consacré aux engagements de la société Segespar Titres révèle qu'elle s'oblige à :

- faire le don de la somme de 5 millions de francs à l'OPF et à effectuer, pour le compte de celui-ci, à la société VMG trois versements de 730 000 F,

- mettre à la disposition de l'OPF et de la société VMG tous les moyens dont elle dispose pour contribuer à la diffusion proportionnelle du coffret " Symphonies Européennes ".

Considérant que l'article 2 du contrat, relatif aux engagements pris par la société VMG " en raison du mécénat apporté par Segespar Titre " met notamment à sa charge le soin de :

- " mettre au point avec le service marketing de Segespar Titre l'offre de souscription concernant le coffret " susvisé, qui sera diffusée par le circuit interne de cette société,

- vendre à la société Segespar Titres et/ou aux sociétés du Groupe Crédit Agricole le coffret au prix de gros.

Qu'il en résulte que des obligations liant la société Segespar Titres à la société VMG, la société Emma Productions justifie d'un intérêt à agir en l'espèce.

- le caractère intuitu personae de la convention du 12 juin 1989 :

Considérant que la société Segespar Titres soutient que la société Emma Productions n'est pas intervenue à cette convention et que le fait qu'elle vienne aux droits de la société VMG à raison d'une fusion absorption en date du 15 octobre 1990 avec effet rétroactif au 1er janvier précédent ne saurait faire perdre au parrainage qui est par essence et par nécessité un contrat conclu intuitu personae, ce caractère.

Mais considérant qu'à cet argument déjà invoqué devant les premiers juges, ceux-ci ont à bon droit répondu qu'en vertu de l'article 25 du décret du 23 mars 1967, le patrimoine de la société VMG avait été dévolu tant activement que passivement à la société Emma Productions, laquelle s'est ainsi trouvée substituée à celle-ci dans les termes d'une convention au surplus dépourvue de toute disposition à caractère intuitu personae.

- Sur l'absence de préjudice direct de la société Emma Productions :

Considérant que la société Segespar Titres fait valoir que la demande de la société Emma Productions serait irrecevable au regard du principe " nul ne plaide par procureur ".

Qu'elle précise que l'éventuel préjudice de cette société serait consécutif non pas à sa décision de mettre fin à son mécénat mais au refus de l'OPF d'effectuer de nouveaux enregistrements et de poursuivre ses activités.

Considérant que la société Emma Productions invoquant à l'appui de ses prétentions le préjudice qui résulterait pour elle-même de la rupture unilatérale de la convention de parrainage, lequel dommage se caractériserait par le manque à gagner résultant de la perte de perspectives de vente et de ce fait de la diminution de son chiffre d'affaires, cet argument sera également rejeté.

Qu'il en résulte que la demande de la société Emma Productions à l'encontre de la société Segespar Titres est recevable.

Sur le bien fondé de ces demandes :

- pour inexécution par la société Segespar Titres de ses obligations en 1989 et 1990 :

Considérant que la société Emma Productions fait grief à cette intimée de n'avoir pas assuré la promotion des enregistrements de l'OPF à travers les circuits de distribution Segespar Titres/Crédit Agricole.

Qu'elle précise que l'intimée, contrairement à ce qui était prévu à la convention de parrainage, n'a pas en 1989 procédé à la distribution gratuite des 100 000 disques compacts du concert de Sully-sur-Loire et des 100 000 offres se souscription du coffret " Symphonies Européennes " dont, seules, 20 000 auraient été diffusées.

Qu'elle ajoute que, de même, en 1990, aucune des opérations de promotion prévues, destinées à développer les ventes du coffret " Pièces et Concerti Français " auprès des Caisses Régionales du Crédit Agricole et par leur intermédiaire, n'a été réalisée.

Mais considérant qu'il est établi par les pièces versées aux débats que la société Segespar Titres a :

- dès le 7 août 1989, adressé aux caisses régionales du Crédit Agricole, le disque compact enregistré à l'occasion du festival de Sully-sur-Loire ainsi que le dossier complet de son action de parrainage et des possibilités en découlant et un bulletin de souscription,

- le 13 septembre 1989, signalé aux dites caisses les différentes manifestations et les six concerts prévus pour la promotion de l'OPF en leur spécifiant qu'un quota de places était mis à la disposition de leur clientèle,

- le 2 octobre 1989, diffusé l'offre de souscription du coffret " Symphonies Européennes " tout en rappelant aux caisses que la diffusion du bulletin et du disque " Sully " était une opération indépendante et gratuite qui pouvait concerner tant leur personnel que le public,

- le 7 mai 1990, fait part aux caisses des opérations de communication, " montées et réservées exclusivement à (leur) intention " : diffusion à prix promotionnel du coffret " Symphonies Européennes ", réservation à prix coûtant de la formation pour l'organisation de concerts en région, programmation d'une série de concerts à la salle Gaveau, soirée d'échange culturel avec la Chine, tournée estivale en province...

- le 16 mai 1990, confirmé que l'OPF devait se produire les 28, 29 et 30 juin suivant à Perpignan dans le cadre du Festival méditerranéen,

- le 2 juillet 1990, annoncé la sortie prochaine d'un nouveau coffret de disques compacts consacrés aux concerti français et la possibilité pour les caisses de bénéficier d'un prix préférentiel.

Qu'il en résulte que le tribunal a retenu exactement que la société Segespar Titres démontrait qu'elle avait bien utilisé ses circuits de distribution à travers l'ensemble des Caisses régionales pour exécuter l'obligation de moyens mise à sa charge sans que la société Emma Productions puisse lui reprocher une distribution partielle des 100 000 disques édités, une correspondance du 29 janvier 1990 rappelant sur point à l'une des caisses visées qu'il lui était " tout à fait possible de le remettre à titre de cadeau aux clients et prospects " et lui précisant qu'elle restait à sa disposition pour lui " fournir le stock de disque correspondant à (ses) besoins ".

- pour rupture unilatérale de la convention de parrainage :

Considérant que la société Emma Productions soutient que cet engagement, " loin d'être limité à une seule opération, était totalement dépendant dans sa durée de celle du contrat d'enregistrement " et qu'en y mettant fin unilatéralement le 1er février 1991 alors qu'il aurait dû prendre effet jusqu'au terme de l'année 194, la société Segespar Titres lui a causé un incontestable préjudice.

Considérant qu'aux termes de la convention de parrainage, la société Segespar Titres s'est engagée à faire don à l'OPF d'une somme de cinq millions de francs, laquelle devait faire l'objet de trois versements en date des 12 juin, 1er juillet et 15 septembre 1989 destinés :

- à concurrence de 2 190 000 F à subventionner six enregistrements dont le premier devait être effectué le 30 juin 1989,

- à hauteur de 2 810 000 F à servir à la promotion du coffret " Symphonies Européennes ", prévue pour juillet 1989.

Que le tribunal en a donc déduit exactement que les engagements de ladite société ne concernaient que l'année 1989 et n'étaient au demeurant précédés ni suivis d'aucune clause relative à la durée du contrat.

Que si l'article 5 paragraphe 2 de la convention précise que l'intimée, souhaitant poursuivre dans le temps son mécénat, s'engageait à apporter son concours aux enregistrements de l'OPF qui seraient réalisés pendant la durée du contrat liant celui-ci à la société VMG, cette disposition ne saurait, eu égard à son imprécision et à son caractère purement éventuel, mais constitue seulement la manifestation d'une intention susceptible éventuellement de se matérialiser ultérieurement dans un tel engagement et subordonnée en tout état de cause tant aux activités de l'OPF qu'à la participation de la société VMG.

Que l'effet de la convention litigieuse ait été limité à l'année 1989 est d'autant moins discutable qu'il convient d'observer que :

- le 24 avril 1990, Max Amphoux, au nom de la société VMG, a sollicité de la société Segespar Titres une nouvelle participation financière " dans l'esprit où cela avait été fait dans le cadre de la convention de parrainage ",

- le 5 avril 1991, Jean-Michel Gasevel, directeur de l'OPF, dans une lettre adressée à la Caisse Nationale du Crédit Agricole, informait celle-ci que " la question posée au mécène était : souhaitez-vous arrêter ou continuer cette activité ? ".

Que le fait que la société Segespar Titres ait ponctuellement accordé à l'OPF son aide en 1990 puis ait signé aux mêmes fins le 9 juillet 1991 un protocole d'accord pour l'année en question, est insuffisant à conférer au contrat de parrainage le caractère d'une convention à durée déterminée.

Que les premiers juges ont donc retenu à juste titre qu'en informant le 1er février 1991 la société VMG de son intention de cesser toute action de mécénat, la société Segespar Titres ne s'était pas rendue coupable d'une rupture abusive de la convention de parrainage.

- Sur la demande dirigée contre la société Segespar Titres et l'OPF :

Considérant que la société Emma Productions fait valoir que la société Segespar Titres aurait fait office, " tout au long de cette affaire ", de bailleur de fonds, de commanditaire et de gérant de fait de l'OPF et que, ce faisant, elle est en tout état de cause, solidairement tenue à ce titre des conséquences de la défaillance de celui-ci, lui-même tenu de réparer le préjudice résultant de sa volonté de ne plus exécuter les obligations souscrites du contrat du 7 juin 1989.

Considérant qu'aux termes de cette convention, l'OPF ne contractait pas à l'égard de la société VMG une obligation impérative d'enregistrement mais s'engageait seulement à enregistrer en exclusivité pour celle-ci les œuvres qu'il devait interpréter ou auxquelles il devait participer.

Qu'il en résulte qu'il ne saurait lui être fait grief d'avoir, en réponse à la sommation interpellative du 12 juillet 1991, avisé la société VMG le 6 août suivant qu'eu égard à la défection de la société Segespar Titres, il ne luit était plus possible de procéder aux enregistrements prévus pour l'année 1991, étant en effet précisé que si la société Segespar Titres lui a, ainsi qu'il est mentionné plus haut, cependant octroyé une aide pour cette année, il n'est pas contesté que celle-ci a servi à payer l'intégralité des dettes de l'OPF.

Que Me Dumoulin précise en effet dans ses écritures du 9 mars 1994, d'une part, que si l'OPF n'a jamais entendu nier les obligations par lui souscrites en vertu du contrat du 7 juillet 1989, ses ressources propres ne lui permettaient pas d'assurer le fonctionnement de l'orchestre et la charge des enregistrements sans le soutien financier de son mécène et d'autre part, que ses contraintes matérielles l'ont conduit à signer le 9 juillet 1991 avec la société Segespar Titres un protocole d'accord prévoyant le versement par celle-ci d'une somme de 6 330 000 F, montant pour l'essentiel des règlements des crédits en cours par remboursement anticipé, des indemnités de licenciement et des charges sociales du personnel lesquels entraînaient nécessairement la cessation de toute activité et, en conséquence, de l'exécution des obligations susvisées.

Que la société Emma Productions sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes.

II - Sur les demandes reconventionnelles :

- de la société Segespar Titres :

Considérant que celle-ci, invoquant le caractère abusif et éminemment critiquable de la procédure, poursuit la confirmation de la société Emma Productions à lui verser la somme de 100 000 F à titre de dommages et intérêts.

Mais considérant que l'appelante ayant pu se méprendre de bonne foi sur l'existence et l'étendue de ses droits, cette demande sera rejetée.

- de la Caisse Nationale du Crédit Agricole :

Considérant que si cette intimée prend acte du désistement de l'appel formé contre elle par la société Emma Productions, elle fait valoir qu'elle a été attraite abusivement dans la présente instance et sollicite une indemnité de 20 000 F.

Considérant que cette intimée, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, n'a été partie à aucune des conventions litigieuses et jouit en tout état de cause d'un statut autonome et indépendant de celui de sa filiale, la société Segespar Titres, cette société anonyme constituant par définition une entité commerciale distincte dotée de la personnalité juridique;

Qu'il en résulte qu'en assignant sans aucun fondement la Caisse Nationale du Crédit Agricole et, plus encore, en interjetant appel à son encontre d'une décision qui, de manière explicite, avait constaté l'absence de tous les liens entre ces parties, la société Emma Productions a agi de manière indiscutablement abusive;

Qu'elle sera en conséquence condamnée à verser à la Caisse susvisée une somme de 5 000 F à titre de dommages et intérêts.

Sur les frais non taxables :

Considérant que la société Emma Productions qui succombe en appel, sera déboutée de ce chef;

Qu'il est en revanche équitable de la condamner à verser en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de 40 000 F à la société Segespar Titres et une somme de 10 000 F à la Caisse Nationale du Crédit Agricole.

Par ces motifs, Dit les conclusions et pièces signifiées et communiquées par la société Segespar Titres les 24 octobre et 6 novembre 1995 irrecevables, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a dit les demandes de la société Emma Productions recevables mais mal fondées et l'en a déboutée, en ce qu'il a rejeté la demande en dommages et intérêts de la société Segespar Titres et en ce qu'il a condamné la société Emma Productions aux dépens de première instance, Le réformant pour le surplus et statuant à nouveau, Condamne la société Emma Productions à payer : - à la Caisse Nationale du Crédit Agricole, les sommes de cinq mille francs (5 000 F) à titre de dommages et intérêts et de dix mille francs (10 000 F) en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - à la société Segespar Titres une somme de quarante mille francs (40 000 F) en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Y ajoutant, Condamne la société Emma Productions aux dépens d'appel, Admet la SCP Menard Scelle Millet, la SCP Narrat Peytavi et la SCP Fisselier Chiloux Boulay, titulaires d'un office d'avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.