CAA Nancy, 1re ch., 20 février 1992, n° 90-548
NANCY
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Entreprendre (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Woehrling
Commissaire du gouvernement :
Mme Felmy.
Rapporteur :
M. Bonhomme
Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif enregistrés les 3 octobre 1990 et 11 avril 1991 au greffe de la Cour administrative d'appel sous le n° 90NC00548, présentées par la SARL Entreprendre dont le siège social est situé Chemin de Lehaucourt, 02100 Saint-Quentin ;
La SARL Entreprendre demande à la cour :
1) de réformer le jugement du 28 juin 1990 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens n'a fait que partiellement droit à sa demande en décharge d'un supplément de cotisation à l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1980 et des pénalités y afférentes ;
2) de lui accorder la décharge des impositions contestées ;
3) de lui accorder le sursis à exécution du jugement ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Code général des impôts ;
Vu le Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Considérant que la société à responsabilité limitée Entreprendre, qui a pour activité principale la pose et l'installation de lignes téléphoniques à Saint-Quentin (Aisne), conteste le refus de l'administration d'admettre comme des charges d'exploitation déductibles des exercices clos en 1980, 1981 et 1982, à titre de dépenses publicitaires, les frais afférents à l'entretien, la préparation et l'utilisation de véhicules automobiles engagés dans des compétitions par M. Dantec, gérant de ladite société et son épouse, elle-même salariée de l'entreprise ;
Considérant qu'aux termes de l'article 39 du Code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du Code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant...notamment : 1° les frais généraux de tout nature... " que la déduction de tels frais n'est admise que s'ils ont été engagés dans l'intérêt de l'entreprise;
Considérant que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut toutefois recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui dans le contentieux fiscal gouvernent la charge de la preuve ;
Considérant que la détermination du fardeau de la preuve découle, à titre principal, dans le cas des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de gestion dont l'administration conteste le caractère ; que, lorsque l'acte contesté par l'administration s'est traduit en comptabilité par une écriture portant, comme c'est le cas en l'espèce, s'agissant de frais de publicité, sur des charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du Code général des impôts et qui viennent en déduction du bénéfice défini à l'article 38 du même Code, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas lui-même en mesure de justifier, sans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture dont il s'agit ;
Considérant que la société fait valoir que l'utilisation de voitures de compétition comme support d'une publicité de marque constitue un procédé normal de promotion utilisé par de nombreuses entreprises ; qu'elle a consacré à ce procédé des sommes limitées représentant moins de 1 % de son chiffre d'affaires annuel et que M. et Mme Dantec avaient les compétences nécessaires pour piloter des véhicules automobiles en compétition ;
Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce la simple apposition d'un autocollant de dimension réduite avec comme mention " installations téléphoniques Entreprendre " sur les véhicules sus-évoqués, engagés dans des compétitions dans l'ensemble du pays, ne peut être regardée comme une mesure réelle de publicité, compte tenu de la notoriété limitée de cette marque et du caractère régional du champ d'activités de la société, alors même que M. Dantec fait état de contacts qu'il a pu prendre à cette occasion avec de futurs clients ;
Considérant par ailleurs que l'administration établit que les véhicules automobiles en cause appartenaient à M. Michel Dantec et que les charges passées en frais de publicité correspondaient en fait au règlement de factures libellées au nom de M. Dantec au titre de ses dépenses de compétition sportive;qu'ainsi, lesdits frais n'apparaissent pas comme engagés dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL Entreprendre mais révèlent une volonté de la part de cette société d'octroyer indirectement une libéralité à son gérant et à son épouse ;qu'il s'ensuit que la prise en charge de ces frais constituait un acte anormal de gestion autorisant l'administration à en exclure le montant pour le calcul du bénéfice imposable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande en tant qu'elle porte sur la réintégration d'une somme de 133 077 F au titre de l'année 1980 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que dans les circonstances de l'affaire il n'y a pas lieu de condamner la société à responsabilité limitée Entreprendre à verser à l'Etat une somme en application de l'article L. 8-1 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Décide :
Article 1er : La requête de la société Entreprendre est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Entreprendre et au ministre délégué au Budget.