CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 20 décembre 1991, n° 90-8871
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Liqui Moly GMBH
Défendeur :
International Course Automobile (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Mistral
Conseillers :
MM. Degrandi, Brejoux
Avoués :
SCP Martelly, SCP de Saint-Ferreol & Touboul
Avocats :
Mes Kromer, Treille, Cammarata.
Faits et procédure
La SARL International Course Automobile (ICA) dont le siège social est à Gonfaron (83), a pour activité l'exploitation d'une écurie de course automobile de formule 1 AGS. Pour la saison de course du championnat du monde de Formule 1, 1989, la société ICA a notamment conclu le 27 décembre 1988 avec la société allemande Liqui Moly, un contrat de parrainage aux termes duquel la société Liqui Moly s'engageait à verser à ICA une contribution financière de 500 000 dollars US hors taxes, non remboursable, payable en trois échéances de 166 666 dollars US les 10 février 1989, 1er juillet 1989 et 1er novembre 1989. Il était convenu que cette contribution financière était irrévocablement payable, non remboursable et acquise à ICA, sous réserve toutefois que si ICA ne participait pas, sauf de sa volonté, à la qualification, ou le cas échéant, à la session de requalification d'un Grand Prix du Championnat du Monde 1989 de Formule 1 de la FIA, ICA rembourserait à Liqui Moly une somme égale à 1/16ème des sommes qu'ICA aura effectivement perçues avant ce grand prix, pour les sessions auxquelles ICA n'aurait pas participé. Outre cette contribution financière, il était prévu que Liqui Moly s'engageait, pendant la durée du contrat, à fournir gratuitement à ICA la quantité de produits fabriqués par Liqui Moly (graisses, huiles, etc ...) et de jantes de voitures AGS, qui pourra être raisonnablement demandés par ICA.
En contrepartie, Liqui Moly devenait le " sponsor " officiel non exclusif de l'écurie AGS, des espaces publicitaires sur les véhicules et sur les équipements vestimentaires lui étaient réservés, et ICA acceptait que Joachim Winkelhock devienne pour la saison 1989 la second pilote de l'écurie AGS, sa rémunération étant assurée par Liqui Moly.
Après s'être acquitté de la première échéance de 166 666 dollars US le 10 février 1989, Liqui Moly n'a pas réglé les échéances suivantes et par télécopie du 10 juillet 1989 a rompu le contrat de parrainage. Le pilote J. Winkelhock était retiré à ICA qui devait recruter un autre pilote, M. Dalmas qu'elle rémunérait sur la base de 750 000 F HT pour terminer la saison 1989.
La société Liqui Moly n'ayant pas versé les deux échéances de juillet et novembre 1989, malgré plusieurs mises en demeure, la société ICA l'a assignée en paiement le 16 février 1990.
Par jugement du 24 avril 1990, le Tribunal de commerce de Draguignan a :
- dit que le contrat a été rempli par la société ICA, sa participation aux seize grand prix l'attestant ;
- dit que la créance de la société ICA sur la société Liqui Moly est irrévocablement payable, non remboursable et acquise ;
- condamné la société Liqui Moly à payer la contrepartie en francs français des sommes dues, soit 166 666 dollars US, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 1989, et 166 667 dollars US majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er novembre 1989 ;
- condamné la société Liqui Moly à payer à ICA la somme de 750 000 F HT, soit 889 500 F TTC au titre de remboursement de la facture du pilote engagé en remplacement de M. J. Winkelhock ;
- condamné la société Liqui Moly à payer à ICA la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné la société Liqui Moly à payer à ICA la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 6 juin 1990, la société Liqui Moly a relevé appel de cette décision.
La société Liqui Moly demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter la société ICA et de la condamner à lui verser 50 000 F pour frais non répétibles. Selon elle, la société ICA n'a pas rempli ses obligations contractuelles malgré les rappels faits par la société Reynold's Tobacco " Camel ", co-sponsor, et elle-même : la société ICA devait justifier de ce qu'elle disposait d'un budget suffisant et malgré l'obligation figurant au contrat, elle n'a pas fait connaître à Liqui Moly sa situation de surendettement. M. Winkelhock n'a pu procéder aux essais avec le kilométrage prévu aux contrats. La voiture de démonstration n'a pas été mise à sa disposition. ICA a recruté M. Dalmas comme pilote sans avertir ses co-contractants. Tous les moyens n'ont pas été mis à la disposition du pilote Winkelhock, alors que Liqui Moly attachait une grande importance à sa participation, son nom jouissant d'une bonne réputation en Allemagne, comme celui de son frère aîné décédé dans un accident.
Compte tenu de ces manquements, la société Liqui Moly estime qu'elle était en droit de mettre fin unilatéralement au contrat, la condition résolutoire étant implicite dans tout contrat contenant des obligations réciproques.
La société ICA a été mise en redressement judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Brignoles du 9 avril 1991. Maître Bor, représentant des créanciers, est intervenu volontairement à la procédure en faisant siennes les conclusions développées par ICA.
La société ICA a conclu à la confirmation du jugement sauf à élever sur appel incident à 1 000 000 F le montant des dommages et intérêts et à lui allouer 100 000 F en appel au titre des frais non répétibles.
Pour sa défense, elle fait valoir :
- que Liqui Moly s'est obligée sans condition à payer de manière définitive la somme de 500 000 dollars US ;
- qu'aucune mention du contrat ne l'obligeait à justifier de son budget financier avant le paiement de la première échéance. Or, le fait que Liqui Moly ait payé cette première échéance démontre soit que la justification de ce budget a été faite, soit que ce n'était pas une condition fixée au contrat ;
- que les conditions de remboursement prévues au contrat ne sont pas remplies puisque ICA a participé à l'ensemble des séances de pré-qualification ;
- que dans sa lettre du 10 juillet 1989, Liqui Moly n'a formulé aucune réclamation ;
- que l'ensemble des obligations mises à sa charge ont été remplies : apposition des signes publicitaires de Liqui Moly sur les voitures et les équipements de pilote ; si le véhicule de démonstration n'a pas été fourni c'est que ce genre de véhicule ne peut être produit qu'en intersaison, c'est-à-dire entre novembre et février. Aucun calendrier n'était prévu, et celui établi en juin 1989 par Liqui Moly n'a pu être exécuté puisqu'il proposait six périodes postérieures à la rupture du 10 juillet 1989. Les attestations produites ne démontrent pas que le pilote Winkelhock n'a pas effectué les essais prévus de façon non satisfaisante ;
- que la société Liqui Moly a rompu le contrat d'une manière abusive, sans préavis, et sans payer les échéances du contrat, ce qui a entraîné une désorganisation financière de la société en l'obligeant à recruter un nouveau pilote.
Motifs de la décision
Par des motifs exacts en fait et fondés en droit, les premiers juges ont pertinemment répondu aux moyens soulevés et repris en cause d'appel par les parties. A ces justes motifs que la cour adopte expressément, il convient seulement d'ajouter ou de préciser que :
- le contrat de parrainage du 27 décembre 1988 signé entre Liqui Moly et ICA mentionnait bien que la contribution financière de Liqui Moly était non remboursable et acquise à ICA. Un remboursement partiel était prévu dans la proportion du seizième des sommes perçues au cas où ICA ne participerait pas à la qualification ou aux sessions de préqualification des seize Grands Prix du Championnat du Monde 1989 ;
- ce même contrat imposait à ICA la présence de M. Joachim Winkelhock comme second pilote et un contrat du 15 juin 1989 avec effet rétroactif au 1er janvier 1989, était signé entre ICA et M. Winkelhock ne prévoyant notamment aucune rémunération par la société ICA ;
- selon l'attestation du 29 novembre 1989 de la Fédération Internationale du Sport Automobile (FISA), l'écurie AGS a participé à la totalité (16) de tous les Championnats du Monde de Formule 1 de la FIA 1989 ;
- selon une autre attestation de la FISA du 11 décembre 1990, le pilote Joachim Winkelhock a été régulièrement engagé en tant que pilote par l'écurie AGS dans le Championnat du Monde de Formule 1 de la FIA 1989, écurie pour laquelle il a couru jusqu'au Grand Prix de France ;
- la mention manuscrite figurant sous l'article 1-1 i du contrat du 27 décembre 1988 n'a pas été paraphée et il ne peut en être tenu compte pour exiger un budget de la société ICA ;
- si Liqui Moly a formulé au cours de l'exécution du contrat certains griefs au sujet de la non qualification du pilote Winkelhock, les représentants d'ICA y ont répondu en précisant notamment que Winkelhock n'est pas venu aux essais du Castellet et était pris par des courses d'endurance lors des essais de Silverstone ;
- les reproches mutuels des parties (absence aux essais, incompétence du pilote, mauvaise préparation des véhicules) ne reposent sur aucun élément probant et déterminant. Il s'agit essentiellement de lettres émanant soit des parties elles-mêmes, soit d'un journaliste qui fait état de rumeurs sans apporter aucun élément concret ;
- le calendrier concernant la voiture de démonstration établi le 7 juin 1989 prévoyait des dates postérieures à la résiliation intervenue en juillet 1989 ;
- la rupture unilatérale et brutale de Liqui Moly le 10 juillet 1989, du contrat de parrainage, ainsi que du contrat liant ICA à Winkelhock n'était fondée sur aucun grief sérieux. Son caractère fautif et abusif doit entraîner le paiement des échéances prévues à l'origine, ainsi que l'indemnisation de l'entier préjudice;
- le retrait du second pilote Winkelhock en milieu de saison a obligé ICA à recruter M. Dalmas, ce qui l'a obligée à le rémunérer alors que les frais de Winkelhock étaient à la charge de Liqui Moly. Liqui Moly avait du reste donné son accord pour le remplacement de Winkelhock ;
- la société ICA ne justifie pas d'un préjudice supérieur à celui fixé par les premiers juges quant aux conséquences qu'elle a subies sur le plan financier. La somme de 100 000 F allouée par les premiers juges est suffisante pour la remplir de ses droits ;
- la somme allouée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile était justifiée par l'équité et sera confirmée.
La même équité commande d'allouer à la société ICA, en cause d'appel, une somme de 10 000 F au titre des frais non répétibles.
Vu les articles 696 et 699 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Donne acte à Maître Bor, représentant des créanciers, de son intervention ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ; Y ajoutant, Condamne la société Liqui Moly à payer : - 10 000 F (dix mille francs) à la société ICA au titre des frais non remboursables en appel ; - les entiers dépens, ceux d'appel pouvant être recouvrés par la SCP d'avoués de Saint Férréol & Touboul, conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.