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Décisions

CA Poitiers, ch. civ. sect. 2, 5 octobre 1994, n° 1684-94

POITIERS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cabinet Barbarit Sarteur (SARL)

Défendeur :

La Roche-sur-Yon Vendée Football (SAEM)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lerner

Conseillers :

MM. Andrault, Taillebot

Avoués :

SCP Musereau-Droui-Neau-Rosaz, SCP Paille-Thibault

Avocats :

Mes Groleau, Dominault.

T. com. La Roche-sur-Yon, du 26 avr. 199…

26 avril 1994

I - Exposé sommaire du litige en procédure d'appel :

1 - Le Tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, par jugement rendu le 26 avril 1994 et dont la teneur sera ici réputée connue, a notamment condamné la société Cabinet Barbarit Sarteur à payer à la société La Roche-sur-Yon Vendée Football la somme de 827 828 F avec intérêts de retard à compter du 30 juillet 1993, outre 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

2 - La société Cabinet Barbarit Sarteur (CBS) a le 5 mai 1994 interjeté appel de cette décision et par ordonnance du 31 mai 1994 arrêtant à hauteur de moitié l'exécution provisoire, l'affaire a été fixée par priorité à l'audience du 5 septembre 1994.

Elle soutient ce qui suit :

- La convention signée le 24 décembre 1992 a fait le constat de la défaillance du club dans le respect de ses engagements du 7 décembre 1991 et prévoyait, si les objectifs 91/92 n'étaient pas rattrapés en 92/93, une pénalité de 90 000 F HT ;

- Cependant les résultats ne furent pas plus satisfaisants en 1992/93 qu'en 1991/92, le club ne la promotionnant pas en toute occasion, méprisant ses avis tenant à son sujet des propos peu amènes rendus publics, en ne lui apportant aucun chiffre d'affaires en dépit de grosses sommes qu'elle a donc investies en pure perte ;

- Par le contrat de sponsoring elle ne s'engageait personnellement qu'au paiement de 400 000 F HT, les 300 000 F HT supplémentaire devant seulement être collectés par elle pour le compte du club, cela représentant un objectif à réaliser pour le 30 juin 1993 au plus tard, mais non son engagement personnel ;

- Elle ne s'est pas portée garante du contrat de sponsoring conclu avec la CBS, contre laquelle le club a du reste indiqué agir directement (lettre du 14 avril 1993) ;

- Du fait de la rupture des relations contractuelles survenue le 2 avril 1993 pour des faits imputables au club elle aurait été déliée d'un engagement à terme (30 juin 1993) non échu et en toute hypothèse, pour les 300 000 F supplémentaires il s'agissait d'un mandat d'encaissement pour lequel n'est pas démontrée la faute du mandataire;

- " La bourriche " ou jeu de tombola diffusé dans la région aurait dû servir à une excellente opération publicitaire, mais le club, contrairement à ses engagements d'associer le nom du sponsor à toute opération de promotion, a omis de faire figurer le nom du sponsor sur les billets vendus 5 F, manquement constitutif d'une faute grave devant entraîner la résolution ou, à tout le moins, la résiliation du contrat ;

- Le club et ses dirigeants s'étaient engagés (article 1 du contrat, lettre du 2 octobre 1991) à mettre en œuvre tous les moyens pour la promouvoir, ce qu'ils n'ont pas fait, alors qu'il leur appartiendrait de démontrer qu'ils se sont acquittés de cette obligation (article 1135 du Code civil) ;

- Au titre de l'année 1992/93 elle a versé 390 832 F et ne devait donc rien au 2 avril 1993, date de la résolution ou résiliation ;

- Elle a subi un préjudice suite à la création infructueuse de son agence en Vendée à cause des carences du club (pertes d'exploitation, pertes de salaires Denoyan et Favrou, discrédit).

En définitive elle demande :

- Le débouté de la société La Roche-sur-Yon Vendée Football ;

- Reconventionnellement 600 000 F à titre de dommages-intérêts, à compenser le cas échéant avec toute somme qui serait due ;

- 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

3 - La société anonyme d'économie mixte La Roche-sur-Yon Vendée Football (LRVF) soutient ce qui suit :

- La société CBS avait contractuellement fait son affaire personnelle de la collecte des 300 000 F supplémentaires dus au plus tard le 30 juin 1993 ;

- La société CBS avait de même fait son affaire personnelle d'un contrat de sponsoring avec la société CIR devant rapporter le versement de 200 000 F au plus tard le 28 février 1993 ;

- Elle est étrangère au contrat signé entre la société CBS et la filiale de celle-ci, la société CIR ;

- Pour justifier le non-respect de ses obligations financières la société CBS invoque des causes de résiliation unilatérale qui ne sont pas celle indiquées dans la lettre de rupture du 2 avril 1993, ce qui montre bien que cette rupture est entièrement imputable à la société CBS qui a préféré dès juin 1993 sponsoriser un autre club ;

- Elle a respecté ses obligations, l'absence de publicité sur les billets de bourriche étant mineure ;

- Les sociétés CBS et CIR ont bénéficié du rapport publicitaire le plus important depuis la signature (24 décembre 1992) jusqu'à la rupture (2 avril 1993) du contrat, sans rien verser après la signature, profitant aussi de la participation des " petits porteurs ", et alors que le comportement personnel de M. Barbarit dégradait l'ambiance au sein du comité directeur, de sorte que le comportement fautif de la société CBS justifie l'allocation de 100 000 F à titre de dommages-intérêts.

En définitive elle demande la confirmation du jugement attaqué, outre 100 000 F et 30 000 F supplémentaires, respectivement à titre de dommages-intérêts et au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

II - Motifs :

Le contrat de sponsoring signé le 24 décembre 1992 par les dirigeants de la société Cabinet Barbarit Sarteur et de la société La Roche-sur-Yon Vendée Football rappelait préliminairement : " La société CBS, à l'effet de faciliter son implantation en Vendée, a sponsorisé en 1991/1992 l'équipe professionnelle du Club La Roche-sur-Yon Vendée Football, évoluant en 2e division du Championnat de France de football.

A ce titre, M. Barbarit a été élu en qualité de membre du conseil d'administration du Club et du bureau de l'association, M. Barbarit exerçant les fonctions de vice-président ".

Les trois premiers articles étaient ainsi rédigés :

" Article 1 Objet du contrat :

Le sponsor s'engage à mettre à la disposition de la LRVF une enveloppe de 700 000 F HT, étant précisé que :

- 400 000 F seront financés directement par CBS,

- 300 000 F seront collectés auprès de petits porteurs, pour le compte de LRVF, et indépendamment de l'action menée par M. Denoyan sur le territoire de la Vendée.

En contrepartie de tel engagement financier, le club de LRVF met le maillot de ses joueurs à la disposition de CBS à titre de support publicitaire et devra associer le nom du sponsor à toute opération de promotion du club et, d'une manière plus générale, à mettre en œuvre tous les moyens permettant d'assurer le plus efficacement possible la promotion locale de CBS.

Article 2 Modalités financières :

Le sponsor s'engage à verser à LRVF la somme de 400 000 F HT en respectant l'échelonnement suivant :

- 70 000 F HT le 20 janvier 1993,

- 66 000 F HT le 20 de chacun des mois suivants, jusqu'au 20 juin 1993,

- le complément de 300 000 F HT devra être encaissé par LRVF au plus tard le 30 juin 1993, le sponsor faisant son affaire personnelle de l'encaissement des sommes concernées.

Article 3 Autres engagements :

30 - Le sponsor ont conclu (sic), pour le compte du club, un contrat de sponsoring, avec la société CIR. Les modalités essentielles sont le versement d'une somme de 200 000 F HT au plus tard le 28 février 1993, contre le droit d'utiliser le dos du maillot comme support publicitaire.

31 - Le sponsor et le club ont parallèlement signé, un accord concernant l'utilisation et la rémunération de M. René Denoyan, en sa qualité d'attaché commercial, en qualité publicitaire, et ce jusqu'en juin 1993. Il est rappelé que cet accord ne porte pas sur les 300 000 F complémentaires que le sponsor doit apporter au club. En conséquence, les sommes recueillies par l'action de M. Denoyan restent acquises au club, sans possibilité d'imputation sur le budget sponsoring.

32 - Contrairement aux engagements du club LRVF pour l'année 1991/1992 sur une aide de celui-ci quant aux 600 000 F de chiffre d'affaires à apporter à CBS, une compensation sera due à CBS si ces 600 000 F ne sont pas intégrés au chiffre d'affaires pour l'année en cours (juin 1992/juin 1993), soit un manque à gagner de 600 000 F x 15 % = 90 000 F HT.

Cette somme sera déduite des 300 000 F si l'engagement du club n'est pas respecté ".

Ces dernières stipulations rappelaient les mauvais résultats précédemment obtenus par les parties au contrat.

La saison 1992/93 ne s'annonçant pas meilleure, la société CBS a unilatéralement décidé de se séparer du club et le lui a fait savoir par lettre du 2 avril 1993 envoyée en recommandé avec accusé de réception et concluant :

" Vous prendrez donc acte ce jour que le contrat nous liant est purement et simplement annulé ".

Dans cette correspondance la société CBS affirmait avoir rempli ses engagements financiers contrairement à des contre-vérités ou calomnies dont elle se plaignait et elle reprochait au club des décision coûteuses concernant le choix des joueurs, mais elle n'émettait par ailleurs aucune critique précise concernant de prétendus manquements de la société LRVF à ses obligations de promotion.

Or, les documents produits par la société LRVF démontrent que celle-ci avait bien fait figurer le logo de CBS sur le maillot des joueurs (point dont l'importance était soulignée au contrat) de façon très apparente en particulier sur les photos de presse, sur de multiples affiches, sur des plaquettes et placards publicitaires, ainsi que sur des panneaux situés en bonne place dans le stade. A cet égard le seul manquement concret et prouvé de LRVF est l'absence du logo CBS des billets d'une " bourriche " où d'autres acteurs économiques figuraient normalement en tant que donateurs de lots. Les premiers juges ont à bon droit qualifié ce manquement de mineur, non générateur de préjudice notable, et il apparaît au vu des écritures des parties et des documents régulièrement produits qu'en réalité, suite à de mauvaises perspectives d'avenir, à des désaccords sur la politique suivie par le club, et peut-être à une certaine détérioration de rapports personnels, CBS a choisi unilatéralement le 2 avril 1993 de mettre fin à des relations contractuelles dont elle n'attendait plus suffisamment d'éléments positifs face aux engagements qu'elle avait pris, et que, pour obtenir satisfaction, elle a successivement invoqué divers prétextes qui ne justifient pas sa décision.

LVRF, victime de l'inexécution du contrat du 24 décembre 1992, est ainsi seule fondée à demander des dommages-intérêts conformément aux articles 1147 et 1149 du Code civil.

En l'espèce elle ne justifie que de la perte qu'elle a subie ou du gain dont elle a été privée, correspondant aux engagements de CBS qui n'ont pas été tenus.

Au titre de l'article 1 du contrat le sponsor lui avait promis 700 000 F HT, l'alinéa 1 dudit article et l'article 2 in fine ne permettait pas à CBS de dégager sa responsabilité expressément personnelle pour les 300 000 F dont la collecte était prévue auprès de " petits porteurs ".

Les premiers juges ont retenu par ailleurs la somme de 200 000 F HT au titre de l'article 2 du contrat, ont-ils indiqué, mais en réalité de l'article 3 alinéa 1 (30), ci-dessus reproduit. Or ces dispositions rappellent un contrat conclu avec la société CIR dont la somme de 200 000 F HT était attendue au plus tard le 28 février 1993. L'existence de ce contrat n'est pas contestée, mais son inexécution n'est aucunement expliquée et a pu être réciproque. En toute hypothèse CBS n'a pas donné sa garantie à l'exécution de ce contrat et il n'est pas établi qu'elle ait commis une faute quelconque en s'en occupant pour LRVF. Dès lors ces 200 000 F HT ne pourront être mis à la charge de CBS.

Par ailleurs la somme de 202 000 F HT comportant les 90 000 F par application de l'article 3 (32) ci-dessus reproduit, en raison de l'insuffisance des résultats, apparaît, au vu des écritures des parties et des documents régulièrement produits, avoir été exactement déduite, sans que d'autres prestations plus particulièrement en nature (mise à disposition de personnel) alléguées par CBS en-dehors de toutes justifications que celles-ci faisaient l'objet de contreparties conventionnelles au profit du sponsor, puissent venir augmenter ces déductions.

Il s'ensuit que CBS devra être condamnée à payer à LRVF le montant de son préjudice évalué à :

700 000 F - 202 000 F = 498 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1993.

L'appel étant en partie fondé il n'y a pas lieu à condamnation supplémentaire au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

III - Dispositif :

Par ces motifs et ceux non contraires des premiers juges, LA COUR, Limite à la somme de 498 000 F avec intérêts au taux légal à compter du 30 juillet 1993, la condamnation de la société CBS au profit de la société LRVF ; Confirme la condamnation à 4 000 F prononcée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes ; Condamne la société CBS aux dépens et autorise la SCP Paille-Thibault à recouvrer directement les frais dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.