CA Aix-en-Provence, 9e ch. soc., 16 décembre 1996, n° 93-2930
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Arnaud (ès qual.), MS Production (SA)
Défendeur :
Cardon (ès qual.), Radoni, Cailleau, CGEA
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Labignette (conseiller faisant fonction)
Conseillers :
MM. Blanc, Grand
Avocats :
Mes Marchand, Anaya-Cohen.
Faits et procédure :
Exposant qu'il avait été engagé pour une durée de trois ans suivant contrat à durée déterminée, avec effet à compter du 17 juin 1990, en qualité d'assistant technique, par la SA " MS Production " et M. Cailleau et qu'il avait été licencié par lettre du 11 mars 1991, Max Radoni a saisi le Conseil des prud'hommes de Grasse, d'une demande tendant à se voir allouer diverses somme à titre d'indemnité de rupture anticipée, d'indemnité de fin et de contrat et d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Estimant qu'avait été rompu de manière abusive le contrat à durée déterminée dont bénéficiait Max Radoni, le Conseil de prud'hommes, suivant jugement en date du 4 décembre 1992, a condamné la SA " MS Production " à verser les sommes suivantes :
- indemnité de fin de contrat : 26 352 F ;
- dommages-intérêts équivalents aux salaires restant dus jusqu'au terme du contrat 317 200 F ;
- indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile : 5 000 F.
Le 8 février 1993 l'employeur a régulièrement relevé appel de cette décision.
A la suite d'une production de redressement judiciaire ouverte à l'encontre de la SA " MS Production " le 23 octobre par le Tribunal de commerce d'Antibes, par jugement en date du 7 juillet 1995, la liquidation judiciaire a été prononcée et Maître Arnaud a été désigné en qualité de liquidateur.
Max Radoni qui avait créé un fonds de commerce a été déclaré en redressement judiciaire par le Tribunal de commerce d'Antibes qui, par jugement en date du 8 juillet 1994, a prononcé la liquidation judiciaire et a également nommé Maître Arnaud en qualité de liquidateur. Aussi Maître Cardon a été désigné en qualité de mandataire ad hoc par ordonnance du 22 mai 1996 rendue par le Président du Tribunal de commerce d'Antibes.
Moyens et prétentions des parties :
Maître Arnaud fait valoir que le contrat signé, le 18 juin 1990, entre Max Radoni, la SA " MS Production " et M. Cailleau s'analyse comme un contrat de parrainage publicitaire et non comme un contrat de travail ; que le préambule de cette convention indique que la SA " MS Production " souhaite utiliser le nom et l'image de M. Max Radoni dans un but promotionnel ; que malgré la référence à un statut de salarié il s'agit d'un contrat de travail fictif puisque l'obligation de la société de verser à Max Radoni une somme mensuelle n'était que la contrepartie du support médiatique que Max Radoni offrait à la SA " MS Production ".
Il ajoute que Max Radoni ne pouvait dans le même temps participer et s'entraîner aux compétitions durant l'année 1990 et travailler pendant 169 heures au sein de l'entreprise en tant qu'assistant technique.
Maître Arnaud conclut à la réformation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Max Radoni et à sa condamnation à lui verser une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'ASSEDIC des Alpes Maritimes et l'AGS ont soutenu que le contrat unissant Max Radoni à M. Cailleau n'était pas un contrat de travail. Elles ont indiqué que le contrat ayant été conclu pour une durée de trois ans devait être requalifié en contrat à durée indéterminée car il dépassait la durée de 18 mois, renouvellement inclus, prévus par l'article L. 122-1-2 du Code du travail.
L'Assedic des Alpes-Maritimes et l'AGS concluent à la réformation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Max Radoni.
Le CGEA de Marseille et l'AGS demandent à la cour de :
- recevoir l'AGS et le CGEA de Marseille en leur intervention volontaire ;
- constater la qualité du CGEA de Marseille, gestionnaire de l'AGS aux lieu et place de l'ASSEDIC des Alpes Maritimes ;
- mettre hors de cause l'ASSEDIC des Alpes Maritimes.
Max Radoni réplique qu'en vertu du contrat il avait des tâches précises à effectuer qui étaient énumérées par ce contrat. Il soutient qu'il s'agissait bien d'un contrat à durée déterminée dont seul le salarié peut demander la requalification. Il estime qu'il ne pouvait être rompu par anticipation pour cause économique, ce qui ne constitue pas un cas de force majeure. Il précise que ce contrat ayant été signé le 18 juin 1990, ne s'appliquait pas l'article L. 122-1 du Code du travail prévoyant une durée maximale de 18 mois.
Max Radoni conclut à la confirmation de la décision déférée et réclame la somme de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Maître Cardon estime que Max Radoni était lié par un contrat de travail puisque des horaires étaient aménagées et qu'il avait été convenu d'un travail à effectuer.
Il demande que lui soit donné acte de son intervention et que la SA " MS Production " soit déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Motifs de la décision :
Attendu que M. Michel Cailleau a été cité, le 26 septembre 1996, et qu'étant sans adresse connue, a été établi un procès-verbal de recherches infructueuses ; qu'il ne s'est pas présenté de sorte que la décision à intervenir sera rendue par défaut à son encontre ;
Attendu que le préambule du contrat versé aux débats est rédigé de la manière suivante : " M. Max Radoni pratique le VTT dans le cadre des compétitions organisées autour de ce sport. M. Michel Cailleau souhaite gérer la carrière de M. Max Radoni. La société " MS Production " souhaite utiliser le sport comme moyen de promotion et de publicité. Elle souhaite utiliser le nom et l'image de M. Max Radoni dans un but promotionnel ".
Attendu qu'<strong>il résulte de ce préambule sans ambiguïté que l'objet principal de ce contrat était la gestion de la carrière sportive de Max Radoni et la promotion publicitaire de la SA " MS Production " et non l'instauration d'une relation de travail</strong>;
Attendu qu'en application de ce préambule Max Radoni s'engage à " arborer toute marque, sigle, tenue couleurs, et, en général, tous signes distinctifs propres à la société " MS Production " et choisis par elle et M. Michel Cailleau " (article 1er du contrat) ; que cette obligation est prévue pour les compétitions, entraînement, déplacement... (article 2) ;
Attendu que Max Radoni " s'engage à être présent lors d'opérations de relations publiques à des fins publicitaires, commerciales ou pour la société " MS Production " ou toute société du groupe en France ou à l'étranger, comme pour tout sponsor désigné par Michel Cailleau " (article 3) ; que ce dernier article prévoit également une substitution de sponsor et non d'employeur ;
Attendu que l'article 4 prévoit que Max Radoni cède à la SA " MS Production " et à Michel Cailleau ses droits personnels, le choix des compétitions ou opérations publicitaires ou de relations publiques sera réservé à M. Michel Cailleau ;
Attendu que la somme mensuelle de 12 200 F ne s'analyse pas comme la contrepartie d'un travail car l'article 1er du contrat précise bien que "M. Michel Cailleau prend en charge dans les conditions visées sous l'article 5 ci-après, (dont la cour remarque qu'il prévoir le versement de cette somme) le coût financier de toutes les compétitions auxquelles participera Max Radoni";que ce paiement de somme n'est que le règlement des dépenses de compétition;que l'article 5 indique que ce versement est effectué en contrepartie des prestations fournies par Max Radoni ainsi que de la concession de ses droits personnels;qu'il ne s'agit donc pas d'un salaire ;
Attendu que dans ces conditions le seul fait de participer à des compétitions ne manifeste pas l'existence d'un lien de subordination vis à vis de la société " MS Production ";qu'au surplus l'article 7 du contrat prévoit seulement une obligation de Max Radoni de participer à toutes les compétitions opérations publicitaires et relations publiques choisies par M. Cailleau et non par la société " MS Production " à l'égard de laquelle seule Max Radoni revendique la qualité de salarié ;
Attendu qu'enfin il n'est versé aucun document aux débats établissant que Max Radoni ait réellement exercé les fonctions prétendues d'assistant technique ; que dès lors sont sans portée les bulletins de salaires, le reçu pour solde de tout compte et la lettre de licenciement qui sont produits devant la cour ;
Attendu que ne constitue pas un contrat de travail la convention signée entre Max Radoni, M. Michel Cailleau et la SA " MS Production ";qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris et de débouter Max Radoni de toutes ses demandes ;
Attendu que l'équité en la cause commande de condamner Max Radoni, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à payer à Maître Arnaud, en sa qualité de liquidateur de la société " MS Production ", la somme de 5 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Attendu que Max Radoni qui succombe supportera les dépens et sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, par défaut à l'égard de M. Michel Cailleau et en matière prud'homale, Reçoit l'AGS et le CGEA de Marseille en leur intervention volontaire, Met hors de cause l'Assedic des Alpes-Maritimes, Infirme la décision entreprise, Déboute Max Radoni de ses demandes, Condamne Max Radoni à supporter les dépens et à payer à Maître Arnaud, en sa qualité de liquidateur de la SA " MS Production ", une somme de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.