CA Paris, 13e ch. A, 16 juin 1998, n° 97-06725
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Associations populaires familiales syndicales, Garage Menaud, Machavoine, Organisation Rhône-Alpes consommateurs
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guilbaud
Conseillers :
MM. Paris, Jacomet
Avocat :
Me Weissberg.
Rappel de la procédure :
La prévention :
L Wulf est poursuivi pour avoir à Paris et sur le territoire national, courant 1993, 1994 et 1995, effectué une publicité de nature à induire en erreur sur l'existence, les motifs ou procédés d'une prestation de service, en l'espèce, une commande pour insertion publicitaire,
Le jugement :
Le tribunal, par jugement contradictoire, a déclaré L Wulf :
coupable de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur, faits commis de 1993 à 1995, à Paris et sur le territoire national, infraction prévue par les articles L. 121-1, L. 121-5, L. 121-6 alinéa 1 du Code de la consommation et réprimée par les articles L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation,
et, en application de ces articles,
l'a condamné à payer 30 000 F d'amende
l'a condamné à payer
- au garage Menaud, la somme de 500 F à titre de dommages et intérêts,
- à l'APFS la somme de 1 F à titre de dommages et intérêts,
- à l'ORAC la somme de 3 000 F à titre de dommages et intérêts,
- à Mme Bernadette Machavoine la somme de 3 500 F à titre de dommages-intérêts,
a débouté les parties civiles du surplus de leur demande,
a dit que cette décision est assujettie au droit fixe de procédure de 600 F dont est redevable le condamné.
Les appels :
Appel a été interjeté par :
- M. L Wulf, le 11 juillet 1997 contre Mme Machavoine Bernadette, Garage Menaud, APFS Associations Populaires Familiales syndicales, ORAC Organisation Rhône-Alpes Consommateurs,
- M. le Procureur de la République, le 11 juillet contre M. L Wulf,
Décision :
Rendue contradictoirement à l'égard du prévenu, par défaut à l'égard des parties civiles et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Statuant sur les appels relevés par le prévenu et le Ministère public à l'encontre du jugement précité auquel il convient de se référer pour l'exposé de la prévention ;
Par voie de conclusions, Wulf L sollicite, à titre principal, sa relaxe et le débouté des prétentions des parties civiles ; à titre subsidiaire, il demande l'indulgence de la cour, par le prononcé d'une dispense de peine et la non inscription de la condamnation au B2 de son casier judiciaire ;
Il fait valoir essentiellement qu'un " nombre extrêmement faible de souscripteurs a prétendu avoir été induit en erreur par la formulation du document de souscription " ; que la jurisprudence allemande a estimé que le formulaire utilisé par la société X n'était pas de nature à induire les destinataires en erreur ; que les mêmes formulaires étaient employés en France comme dans tous les pays d'Europe, sans aucune difficulté de gestion ;
Qu'en tout état de cause, la rubrique " commande " avait été ultérieurement modifiée, la signature du souscripteur devant désormais être précédée de la mention manuscrite " lu et approuvé, bon pour commande d'insertion ... " ; que, dans un souci d'apaisement, la société X avait renoncé à poursuivre le recouvrement de quelques factures litigieuses ;
Monsieur l'avocat général s'en rapporte à la sagesse de la cour sur la qualification à retenir ; il relève le caractère ambigu de la rédaction litigieuse, mais s'interroge toutefois sur la notion de " publicité mensongère " ;
Il fait observer qu'en l'espèce, le produit proposé n'a été ni embelli, ni vanté de quelque manière que ce soit ; que la mention litigieuse n'est pas un élément de publicité ; qu'il s'agirait plutôt, en l'occurrence, d'une vente forcée de service, par artifice, c'est-à-dire par l'apposition d'une seule signature pour deux propositions différentes ;
Bien que régulièrement citées, les parties civiles intimées ne comparaissent pas. Il sera statué par défaut à leur égard.
Sur l'action publique :
Considérant qu'il convient de rappeler que Wulf L est gérant, depuis le 30 novembre 1990, de la société X Gmbh sise à Hambourg (Allemagne), qui a pour objet l'édition, la fabrication et la distribution d'ouvrages imprimés et notamment d'un annuaire international des abonnés de télécopie ; que cet annuaire est édité entre 1 500 et 2 500 exemplaires chaque année ;
Qu'en 1993, 1994 et 1995, cette entreprise a diffusé en France une publicité sous forme d'imprimé personnalisé auprès de divers professionnels visant à les démarcher pour qu'ils prennent une inscription dans l'annuaire ;
Que ce document était intitulé "Information de rubriques professionnelles 1995/1996 l'annuaire de télécopie X" et contenait le texte suivant en langue française : sur le haut de la page à gauche, figuraient le nom et l'adresse du destinataire de la publicité et en face, la mention suivante, en gros caractères :
ATTENTION : VEUILLEZ VERIFIER L'EXACTITUDE DES INDICATIONS CI-APRES, MEME SI VOUS NE PASSEZ PAS COMMANDE ET NOUS RENVOYER CE FORMULAIRE DÛMENT REMPLI AUSSI RAPIDEMENT QUE POSSIBLE AFIN D'ACTUALISER LES INSCRIPTIONS.
Qu'en bas du document, sous le mot commande, était inscrit un texte explicitant les conditions d'insertion de l'inscription dans l'annuaire ainsi que le prix s'élevant à 3 898 F ; qu'en dessous se trouvaient les emplacements pour la date et la signature ;
Considérant qu'un certain nombre de personnes, qui ne souhaitaient pas passer commande, renvoyaient cependant le formulaire revêtu de leur signature, croyant seulement donner ou confirmer les renseignements sur leur société ;
Qu'ils recevaient ensuite une facture qu'ils refusaient d'honorer et malgré leurs protestations auprès de X, le recouvrement de la créance était poursuivi par une société mandatée par cette entreprise ;
Qu'à la suite de ces multiples plaintes, une information était ouverte et M. L poursuivi du chef de délit de publicité de nature à induire en erreur ;
Considérant toutefois que la cour estime que les éléments constitutifs du délit de publicité mensongère ne sont pas réunis en l'espèce ;qu'elle relève, en effet, que le document litigieux présente un double caractère, à la fois interrogatif et informatif, à l'exclusion de toute formule vantant les qualités du service proposé ;
Que la cour considère, en particulier, que la mention incriminée, pour ambiguë qu'elle puisse paraître au regard de la présentation générale du formulaire, ne constitue pas, en soi, un élément de publicité ;qu'il convient, dès lors et par infirmation, de renvoyer Wulf L des fins de la poursuite ;
Sur l'action civile :
Considérant qu'au regard de la décision de relaxe à intervenir sur les dispositions pénales, la cour déboutera les parties civiles de leurs demandes ;
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, contradictoirement à l'encontre de Wulf L et par défaut à l'égard de l'APFS, du garage Menaud, de Bernadette Machavoine et de l'ORAC, parties civiles, Infirme le jugement dont appel, Renvoie Wulf L des fins de la poursuite, Déboute l'APFS, le garage Menaud, Bernadette Machavoine et l'ORAC, parties civiles, de leurs demandes.