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Décisions

CA Aix-en-Provence, 5e ch. corr., 15 janvier 1998, n° 98-24

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Lapeyrere

Conseillers :

Mmes Delpon, Montélimard

Avocat :

Me Casanova.

TGI Toulon, ch. corr., du 24 oct. 1995

24 octobre 1995

Décision :

Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi.

Jean-Claude T a été cité devant le Tribunal correctionnel de Toulon prévenu d'avoir à La Valette, le 16 décembre 1993, effectué une publicité comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ceci sur la portée des engagements pris par l'annonceur, en l'espèce en faisant paraître des publicités allant du 7 décembre 1993 au 2 janvier 1994 relatif à un produit qui n'était plus disponible dès le 10 décembre 1993 (infraction prévue et réprimée par les articles L. 121-1, L. 121-7 du Code de la consommation et 44-1 de la loi du 27 décembre 1973).

Par jugement contradictoire en date du 24 octobre 1995, le Tribunal correctionnel de Toulon a déclaré Jean-Claude T coupable des faits reprochés et l'a condamné à la peine de 10 000 F d'amende.

Jean-Claude T a interjeté appel de la décision selon déclaration au greffe en date du 26 octobre 1995. Le Ministère public formait le même jour appel incident.

Régulièrement cité pour avoir statué sur les recours à l'audience du 4 décembre 1997, Jean-Claude T comparait assisté de son avocat qui dépose des conclusions tendant au principal à la relaxe du prévenu et à la mise hors de cause de la société X motif pris de la délégation de pouvoir consentie au directeur du magasin M. D exonérateur de la responsabilité pénale du président du directoire, subsidiairement à la requalification des faits incriminés en contravention de 5e classe, les faits visés à la prévention étant incriminés par les dispositions de l'article 5 de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977, faits amnistiés en vertu de l'article 7 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995, et plus subsidiairement à la relaxe, le délit n'étant pas constitué en l'absence d'élément intentionnel.

Motifs de la décision :

Attendu que l'arrêt sera contradictoire à l'égard du prévenu comparant ;

Attendu que les appels interjetés dans les forme et délai légaux sont recevables ;

Attendu qu'en ce qui concerne les faits délictueux reprochés à Jean-Claude T, président du directoire de la société X, la cour se référera à l'analyse exacte et complète contenue dans le jugement dont il résulte que la société X a diffusé fin 1993 un catalogue publicitaire présentant une sélection de produits proposés à prix attractif au nombre desquels figurait une chaîne Klervox type MCD6600 offerte à la vente au prix de 790 F TTC ;

Que le catalogue publicitaire précisait qu'il était diffusé pour la période du 7 décembre 1993 au 2 janvier 1994 à l'occasion de la campagne publicitaire nationale correspondant aux fêtes de fins d'année ;

Qu'un contrôle effectué le 16 décembre 1993 par les agents de la Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes en suite d'une plainte déposée le 13 décembre 1993 par un consommateur mettait en évidence que sur l'unique exemplaire en rayon la chaîne mini stéréo laser Klervox MCD6600 était apposé un panneau indiquant que cet article était momentanément en rupture de stock, le modèle d'exposition étant lui-même vendu.

Que le directeur intérimaire du magasin M. K expliquait que les 116 appareils reçus pour satisfaire la demande avaient été mis en vente le 28 octobre 1993 et qu'ils avaient tous été vendus avant le 7 décembre 1993 et que pour pallier à cette rupture de stock un produit de substitution avait été proposé à la clientèle au prix de 690 F, produit équivalent hormis l'absence d'une platine tourne-disque ;

Attendu que la matérialité des faits n'est pas contestée ;

Attendu qu'il convient de rappeler que la campagne publicitaire a été organisée pour l'ensemble des 165 magasins répartis sur le territoire national, par la direction de la société X qui a commandé à la société Madalec les pièces nécessaires (10 800), opéré les prévisions et distribués aux magasins de la chaîne la totalité des stocks nécessaires au bon déroulement de la campagne ;

Attendu que les faits incriminés sont relatifs à une indisponibilité constatée au niveau du magasin de Toulon dans le cadre de la mise en œuvre de la campagne nationale promotionnelle ;

Attendu que le chef d'entreprise qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et de moyens nécessaires ;

Que s'il est établi que M. T, président du directoire, avait bien, selon délégation écrite du 1er décembre 1989, délégué ses pouvoirs à M. D alors directeur du magasin de Toulon,ce dernier avait été investi d'une mission de directeur régional dans le courant de l'année 1992, mission prolongée le 29 avril 1993 jusqu'au 31 décembre 1993 et qu'aucun directeur du magasin de Toulon n'avait été nommé par la direction générale ;

Que la délégation conférée à M. D en sa seule qualité de directeur du magasin ne prévoit aucune subdélégation au bénéfice d'un directeur intérimaire dont la nomination entre dans la compétence exclusive de la direction générale échappe au directeur du magasin ;

Attendu que M. K, directeur intérimaire au moment des faits (il sera nommé directeur du magasin en janvier 1994), ne bénéficiait d'aucune délégation de pouvoir ;

Attendu au surplusqu'il n'est pas établi que dans le cadre d'une campagne publicitaire nationale, le directeur du magasin ait eu les moyens de pallier la rupture de stock, étant précisé que le nombre d'appareils spécialement fabriqués a été déterminé par la direction générale, les livraisons planifiées par la direction générale (dès le 28 octobre 1993 sans restriction de vente antérieurement au 7 décembre 1993) le nombre d'appareils fourni déterminé également par le siège ;

Attendu que M. T ne peut dès lors s'exonérer de la responsabilité pénale en l'absence de justification d'une délégation de compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;

Attendu que la publicité présentant à des prix intéressants des marchandises non disponibles en quantité suffisante pour répondre à la demande caractérise le délit justement visé à la prévention ;

Que les dispositions de l'arrêté n° 77-105 P du 2 septembre 1977 sont inapplicables en l'espèce, la publicité trompeuse reprochée au prévenu ne procédant pas d'une réduction du prix de vente de l'objet mais bien seulement du caractère non disponible d'un objet présenté à un prix intéressant ;

Attendu que toute publicité trompeuse est interdite et doit être sanctionnée, qu'elle ait été faite de bonne ou de mauvaise foi, l'élément intentionnel se déduisant de la seule connaissance du caractère trompeur de nature à induire le consommateur en erreur ;

Attendu que le jugement sera donc confirmé tant sur la déclaration de culpabilité que sur la peine d'amende qui tient exactement compte des facultés pécuniaires du prévenu ;

Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière correctionnelle, En la forme, reçoit les appels, Au fond, confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris, Dit qu'en application des dispositions de l'article 473 du Code de procédure pénale modifié par la loi 93-2 du 4 janvier 1993, la contrainte par corps s'exercera conformément aux dispositions des articles 749 et suivants du Code de procédure pénale. Le tout conformément aux articles visés a jugement, au présent arrêt, et aux articles 512 et suivants du Code de procédure pénale.