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Décisions

CE, sect. du contentieux, 20 janvier 1989, n° 102993

CONSEIL D'ÉTAT

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Commission nationale de la communication et des libertés

Défendeur :

La Cinq (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Commissaire du gouvernement :

Mme Moreau

Rapporteur :

Mme Aubin

CE n° 102993

20 janvier 1989

LE CONSEIL : - Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 1988 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le président de la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), sur le fondement de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, et tendant à ce que le Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat ordonne à la société "La Cinq" de respecter l'article 17 de la décision du 25 février 1987 modifiée par la décision du 12 juillet 1988 fixant à dix minutes quarante huit secondes pour une heure donnée le temps maximum consacré à la diffusion de messages publicitaires, et assortisse cette injonction d'une astreinte égale à la somme de 135 000 francs pour 30 secondes affecté du coefficient 1,2; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi du 30 septembre 1986 modifiée par la loi du 30 novembre 1986 et par la loi du 17 janvier 1989 ; Vu le décret n° 87-37 du 26 janvier 1987 ; Vu la décision n° 87-12 du 15 janvier 1987 de la Commission nationale de la communication et des libertés ; Vu l'ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Vu la loi du 30 décembre 1977 ;

Considérant qu'aux termes des sixième et septième alinéas de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : "En cas de manquement aux obligations de la présente loi et pour l'exécution des missions de la Commission nationale de la communication et des libertés, son président peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets. La demande est portée devant le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Le président peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public" ; que, par requête du 2 novembre 1988, le président de la Commission nationale de la communication et des libertés, a, sur le fondement de ces dispositions, saisi le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat d'une demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la société "La Cinq" de respecter l'article 17 de la décision du 25 février 1987, modifié par la décision du 12 juillet 1988, fixant à 10 minutes 48 secondes pour une heure donnée le temps maximum consacré à la diffusion de messages publicitaires et à ce que cette injonction soit assortie d'une astreinte ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 42 de la loi du 30 septembre 1986, reprises à l'article 42-10 de la même loi dans sa rédaction issue de la loi du 17 janvier 1989 que l'exercice de la compétence attribuée par lesdites dispositions au Président de la Section du Contentieux du Conseil d'Etat, qui a transmis à cette section l'examen de la demande, comporte nécessairement le pouvoir de constater les manquements allégués dans la demande de la Commission nationale de la communication et des libertés ; qu'il lui appartient non seulement de prescrire des mesures à caractère conservatoire, mais également, après avoir tranché le cas échéant les questions de fait ou de droit dont la solution est nécessaire à cette fin, d'ordonner toute mesure visant à ce que le responsable du manquement mette fin à l'irrégularité ou en supprime les effets ;

Considérant que la société pour l'exploitation de la cinquième chaîne "La Cinq" a été autorisée par une décision n° 87-12 du 25 février 1987 de la Commission nationale de la communication et des libertés à exploiter un service de télévision nationale diffusé en clair par voie hertzienne terrestre ; que, selon l'article 17 de cette décision, modifié par une décision n° 88-299 du 12 juillet 1988 : "A compter du 1er août 1988 et jusqu'au 31 juillet 1989, le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à six minutes par heure d'antenne (soixante minutes) en moyenne quotidienne sans pouvoir dépasser dix minutes quarante-huit secondes pour une heure donnée (soixante minutes)" ;

Sur l'exception d'illégalité de la décision n° 88-299 du 12 juillet 1988 modifiant l'article 17 de la décision du 25 février 1987 : - Sur le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 10 de la décision de la Commission nationale de la communication et des libertés du 15 janvier 1987 : - Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 complétée par la loi du 27 novembre 1986, l'exploitation des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre ou par satellite autres que ceux qui sont assurés par les sociétés nationales de programme "est subordonnée au respect d'obligations particulières définies par la commission et souscrites par le titulaire" et portant notamment sur " 7° Le temps maximum consacré à la publicité" ; que les "obligations particulières" applicables à un service donné peuvent résulter soit de l'adhésion du titulaire, à l'occasion de la décision d'autorisation, à des prescriptions préalablement énoncées par la commission, soit des engagements pris par le titulaire de respecter sur tel ou tel point des obligations plus strictes ; que, dans ce dernier cas, le respect de ces obligations prévaut nécessairement sur l'application des prescriptions énoncées par la Commission nationale de la communication et des libertés ;

Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la décision de la Commission nationale de la communication et des libertés n° 87-2 du 15 janvier 1987, prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 et concernant les obligations particulières applicables aux services de télévision privés à vocation nationale diffusés en clair par voie hertzienne terrestre : "Le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires ne peut être supérieur à neuf minutes par heure d'antenne en moyenne quotidienne sans pouvoir dépasser douze minutes pour une heure donnée" ; qu'aux termes de l'article 3 de la décision n° 87-12 par laquelle la Commission nationale de la communication et des libertés a autorisé la société "La Cinq" à exploiter un service de télévision, "La société s'engage à respecter les obligations particulières définies par la commission et celles qui résultent de la présente décision" et qu'aux termes de l'article 17, premier alinéa, de ladite décision, "La société s'engage pour la première année à limiter le temps consacré à la diffusion de messages publicitaires à six minutes par heure d'antenne en moyenne quotidienne sans dépasser neuf minutes pour une heure donnée. La modification de ces limites pour les années ultérieures devra faire l'objet d'une nouvelle décision de la commission" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'à l'occasion de la décision d'autorisation la société s'est engagée à respecter les limites de six et neuf minutes énoncées à l'article 17, puis les limites que définirait la commission dans la décision modificative qu'elle prendrait après l'expiration de la première année ; que, du fait de cet engagement, la société ne saurait utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision du 12 juillet 1988 modifiant pour l'avenir les limites de temps fixées par l'article 17 de la décision du 25 février 1987, de ce qu'elle définit des limites du temps consacré à la diffusion des messages publicitaires plus rigoureuses que celles qui étaient énoncées à l'article 10 de la décision du 15 janvier 1987 ;

Sur les moyens relatifs à la motivation de la décision du 12 juillet 1988 : - Considérant, en premier lieu, qu'en fondant la décision du 12 juillet 1988 sur la nécessité d'éviter toute mesure pouvant compromettre l'harmonisation européenne des règles applicables dans le domaine de l'audiovisuel, la Commission nationale de la communication et des libertés n'a pas, eu égard à l'état d'avancement, à la date de sa décision, des négociations engagées au sein des instances de la communauté économique européenne sur la limitation du temps consacré à la publicité par les services de communication audiovisuelle, retenu un motif entaché d'inexactitude matérielle ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en estimant qu'il devait être possible à la société "La Cinq", l'audience et la diffusion de la chaîne étant en progression, d'accroître ses recettes publicitaires sans une augmentation plus importante du temps consacré à la publicité, la Commission nationale de la communication et des libertés n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, enfin, que la circonstance que la décision n° 88-300 prise le même jour à l'égard d'une autre société comporte des motifs analogues n'est pas, par elle-même, de nature à établir que la décision n° 88-299 ait été prise sans examen particulier de la situation de la société "La Cinq" ;

Sur le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité : - Considérant que si l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que les obligations particulières au respect desquelles est subordonnée l'exploitation d'un service doivent être définies "compte tenu du respect de l'égalité de traitement entre les différents services", cette égalité de traitement doit être appréciée en fonction de la situation particulière des différents services et notamment des "conditions de concurrence propres à chacun d'eux" mentionnées à l'article 28 ; que la situation de la société "La Cinq" au regard de la loi du 30 septembre 1986 et ses caractéristiques d'exploitation sont différentes de celles d'autres sociétés et en particulier de celles de la société TF1 soumise à l'obligation de diffuser sur l'ensemble du territoire ; que, dès lors, la circonstance que la décision du 12 juillet 1988 impose à la société "La Cinq", en ce qui concerne le temps maximum consacré à la publicité, des règles plus strictes que celles auxquelles sont soumises d'autres sociétés n'est pas à elle seule constitutive d'une atteinte au principe d'égalité ;

Sur l'existence des manquements allégués : - Considérant qu'il résulte des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté qu'au cours de la période du 29 août au 13 septembre 1988, puis de la période du 10 au 16 octobre 1988, la société "La Cinq" a dépassé, à de nombreuses reprises, la limite de 10 minutes 48 secondes de publicité par heure fixée par l'article 17 de la décision du 25 février 1987, modifié par la décision du 12 juillet 1988 ; qu'eu égard aux manquements ainsi constatés, le président de la Commission nationale de la communication et des libertés est fondé à demander qu'il soit enjoint à la société "La Cinq" de se conformer aux obligations résultant jusqu'au 31 juillet 1989 de l'article 17 de la décision du 25 février 1987 modifié par la décision du 12 juillet 1988 et que l'inexécution éventuelle de la présente injonction donne lieu à une astreinte ;

Décide :

Article 1er : Il est enjoint à la société "La Cinq" de se conformer jusqu'au 31 juillet 1989 à l'obligation de ne pas diffuser plus de 10 minutes 48 secondes de messages publicitaires pendant toute période d'une heure calculée à partir d'un moment quelconque.

Article 2 : Tout dépassement constaté après notification de la présente décision donnera lieu à une astreinte proportionnelle à la durée du dépassement et calculée sur la base de 5 400 francs par seconde.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale de la communication et des libertés, à la société "La Cinq" et au ministre de la culture, de la communication, des grands travaux et du Bicentenaire.