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Décisions

CA Dijon, 1re ch. sect. 1, 17 décembre 1998, n° 97-01143

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cours Hôtelier de Besançon

Défendeur :

Olivier (Consorts)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Littner

Conseillers :

M. Jacquin, Mme Arnaud

Avoués :

Me Gerbay, SCP André & Gillis

Avocats :

Mes Bellard, André.

TI Dijon, du 7 avr. 1997

7 avril 1997

Exposé de l'affaire :

Le 8 septembre 1995, Caroline Olivier et ses parents ont signé un bulletin d'inscription au Cours Hôtelier Féminin de Besançon pour l'année scolaire 1995-1996. Le document précisait que le coût de la scolarité s'élevait à 34 800 F, somme intégralement due au jour de l'inscription et qui pouvait être payée en trois fois, le jour de l'inscription, le 1er décembre 1995 et le 1er mars 1996.

Le 18 septembre 1995, Pierre Olivier a écrit à la directrice du Cours Hôtelier que sa fille ne suivrait pas l'enseignement dans cet établissement et il a sollicité le remboursement de la somme versée, soit 11 600 F. Dans un courrier ultérieur du 28 septembre 1995, Madame Olivier a invoqué l'état de santé de sa fille.

Le Cours Hôtelier de Besançon a alors assigné M. Pierre Olivier en paiement de la somme de 23 200 F, outre intérêts au taux de 12 % et 4 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Caroline Olivier est intervenue volontairement.

Par jugement du 7 avril 1997, le Tribunal d'instance de Dijon a déclaré recevable l'intervention de Caroline, considéré que la clause obligeant au paiement immédiat et intégral de la scolarité était abusive, débouté le Cours Hôtelier de sa réclamation, ordonné le remboursement de la somme de 11 600 F, avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 1995 et accordé aux consorts Olivier 1 500 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le Cours Hôtelier de Besançon a fait appel.

Il fait valoir qu'il est une association à but non lucratif, qui ne fait donc aucun bénéfice et que le prix de la scolarité couvre les frais de fonctionnement incompressibles. Il ajoute qu'aucun remplacement n'était possible, que la demande de paiement de la scolarité ne présente aucun caractère abusif et que le contractant bénéficiait de l'exception non adimpleti contratus si l'établissement n'avait pu assurer l'enseignement garantie.

Il réclame 19 400 F (31 000 - 11 600 F), outre intérêts et 4 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

M. Olivier et sa fille Caroline maintiennent que la clause imposant le paiement dès l'inscription, de la totalité du prix de la scolarité, même si celle-ci n'est pas assurée, a un caractère abusif. Ils soulignent qu'il n'existe aucune contrepartie, que Caroline a renoncé à son inscription bien avant la rentrée, prévue pour le 3 octobre et invoquent la recommandation de la commission des clauses abusives.

Ils concluent à la confirmation du jugement et souhaitent obtenir 4 500 F en remboursement de leurs frais irrépétibles.

L'appelant maintient sa position et soutient qu'il est en droit de réclamer réparation de son préjudice, indépendamment de l'application de la clause litigieuse.

Il a déposé le 21 octobre des écritures dont les intimés demandent qu'elles soient rejetées des débats en raison de la date de l'ordonnance de clôture, le 26 octobre, mais cette demande est sans objet, ainsi que l'admettent les parties à l'audience, ces conclusions étant identiques à celles déposées le 20 mai.

Motifs de la décision :

Attendu que le bulletin d'inscription signé par Caroline Olivier et ses parents le 8 septembre 1995 contenait la clause suivante :

" Le coût de la scolarité pour l'année 1995-1996 s'élève à la somme globale et forfaitaire de 34 800 F.

Cette somme englobe les droits de pension et de scolarité.

Elle est intégralement due au jour de l'inscription et du seul fait de celle-ci, et ce, même si l'élève vient à quitter l'école en cours d'année scolaire, pour quelque cause que ce soit, même en cas de force majeure. "

Attendu que les consorts Olivier soutiennent que cette clause est abusive au sens de l'article L. 132-1 du Code de la consommation selon lequel sont abusives, dans les contrats conclu entre professionnels et consommateurs, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Que l'article 1 d/ de l'annexe à cet article considère comme abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui renonce ;

Attendu que le tribunal a exactement considéré, par des motifs pertinents que la cour adopte, que la clause litigieuse répondait à cette définition et devait être considérée comme abusive ;

Attendu en effet que cette clause oblige le consommateur, qui renonce à son inscription avant la rentrée scolaire, au paiement de la totalité du coût de la scolarité alors qu'il ne bénéficiera d'aucune contrepartie et que le contrat ne prévoit aucune réciprocité en cas de rupture du contrat par le professionnel ;qu'une telle situation crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat(Civ. I, 10 février 1998 - D 1998 IR 68) ;

Attendu que les conditions de souscription du bulletin d'inscription permettent de conclure au caractère abusif de cette clause conformément à l'article 132-1 alinéa 5 du Code de la consommation puisque seule la signature de la totalité du contrat permettait l'admission dans une école présentée comme assurant une " formation haut de gamme " et assurant le suivi de carrière ;

Attendu que la clause abusive est, selon l'alinéa 6 de l'article 132-1 réputée non écrite ; qu'il en résulte nécessairement que le Cours Hôtelier doit rembourser la somme perçue et ne peut prétendre au paiement du solde du coût de la scolarité ;

Attendu que le fait que l'appelant soit une association sans but lucratif consacrant à ses frais de fonctionnement les sommes perçues au titre de la scolarité est sans incidence sur la nature de la clause litigieuse et sur la sanction prévue par une législation d'ordre public ;

Attendu que le Cours Hôtelier ne peut tenter de faire échec à cette législation en sollicitant la condamnation des consorts Olivier à lui payer la même somme à titre de dommages-intérêts ; qu'au surplus le préjudice invoqué n'est pas justifié alors que la renonciation de Caroline Olivier a eu lieu plusieurs semaines avant la rentrée, de sorte qu'un autre élève pouvait être trouvé ;

Attendu que le jugement mérite dès lors entière confirmation sauf à porter à 5 000 F la somme allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'appelant, qui succombe, ne peut prétendre bénéficier de ce texte ;

Décision :

Par ces motifs, LA COUR : Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à porter à 5 000 F la somme allouée aux consorts Olivier sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne le Cours Hôtelier de Besançon aux dépens et dit que la SCP André-Gillis, avoué, pourra les recouvrer conformément à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.