Livv
Décisions

CA Toulouse, 2e ch. sect. 1, 30 janvier 2003, n° 2002-03053

TOULOUSE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Art Edition Petit (SARL)

Défendeur :

Société des Editions Bucerep (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Foulquie

Conseillers :

MM. Vergne, Grimaud

Avoués :

SCP Boyer Lescat Merle, SCP Malet

Avocats :

Mes Boyer, Cohen

T. Com. Toulouse, du 17 juin 2002

17 juin 2002

Editeur spécialisé de publications de type annuaires et agendas, intéressant notamment les collectivités territoriales, la SARL Editions Bucerep (société Bucerep) recherche la responsabilité pour concurrence déloyale d'un de ses anciens salariés Monsieur Frédéric Petit et de la société qu'il a créée SARL Art Edition Petit (société Petit).

Vu le jugement rendu le 17 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Toulouse qui, constatant l'existence d'actes de concurrence déloyale, en a cessé la cessation immédiate, sous astreinte de 700 euros par infraction constatée, auprès des annonceurs habituels de la société Bucerep, a interdit la copie servile par la société Petit de documents contractuels identiques à ceux de la société Bucerep sous astreinte de 100 euros par infraction constatée, a condamné solidairement M. Petit et la société Petit à payer à la société Bucerep, à titre de dommages-intérêts, la somme de 40 000 euros et sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, celle de 2 000 euros;

Vu la déclaration d'appel de la SARL Art Edition Petit et de M~Petit, remise au secrétariat-greffe de la cour le 10 juillet 2002;

Vu les conclusions notifiées le 26 novembre 2002 par la société Bucerep, tendant à la confirmation du jugement sauf à voir augmentés à 763 euros l'astreinte pour acte de concurrence, à 153 euros celle pour copie servile, à 80 000 euros les dommages-intérêts alloués, M. Petit et la société Petit étant condamnés à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et ce en faisant valoir que l'absence d'une clause de non-concurrence laisse subsister l'obligation de loyauté d'un ancien salarié à l'égard de l'employeur, ce qui n'a pas été le cas alors que M. Petit, un an après son départ, a créé une publication concurrente créant une confusion avec un annuaire Bucerep dont la négociation lui avait été confiée, qu'il a démarché l'Association des maires de Tarn-et-Garonne pour l'édition d'un agenda, accompagnant ses offres d'un document contractuel identique à ceux de la concluante, les annonceurs précisant bien qu'ils croyaient toujours être en affaires avec Bucerep (attestations ADAPEI, Terrazoni, SARL Quercy Fête, SEMAEM, SARL Le Madison, société Austria Automobile, SARL Lanies), la mauvaise foi de M. Petit étant caractérisée par le fait qu'il a imposé à ladite association des maires une clause lui interdisant de faire éditer toute autre publication avec un tiers, qu'il n'a pas hésité à proposer au lycée Sainte-Marie Grand Lebrun la reprise du marché existant avec Bucerep, qu'il existe une similitude entre les agendas Bucerep et ceux de la société Art Edition Petit, que cette dernière et M. Petit ont eu un comportement parasitaire en usant de la notoriété et du savoir-faire de Bucerep, et ce de manière accrue même jusqu'en 2002;

Vu les conclusions notifiées le 28 novembre 2002 par la SARL Art Edition Petit et M. Petit, tendant au rejet des demandes de la société Bucerep et, subsidiairement à ce qu'il soit dit qu'il n'y a pas de préjudice, ladite société étant en tout état de cause condamnée à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et ce en faisant valoir que M. Petit n'a jamais eu accès à des informations confidentielles chez Bucerep qui, lors de son licenciement lui a délivré un certificat de travail particulièrement élogieux, que le rapprochement d'un ancien salarié dans une activité concurrente n'est pas interdit d'autant qu'il n'a pour sa part entretenu aucune confusion avec la clientèle, qu'il n'y a pas similitude entre les agendas quo vadis dont il a reçu commande de la part de l'Association des maires de Tarn-et-Garonne et des annuaires précédemment réalisés par Bucerep pour cet organisme, qu'aucune pratique déloyale n'est caractérisée, que M. Petit ne bénéficiait chez Bucerep que d'un contrat à durée déterminée de un an et demi, que l'absence de concurrence déloyale par rapport au client lycée Sainte-Marie Grand Lebrun à Bordeaux est établie par la lettre de cet établissement à Bucerep en date du 31 mai 1 997, le fait de l'avoir démarché n'étant pas fautif dès lors qu'il n'y a pas eu dénigrement ni informations ou allégations mensongères ou inexactes, la vérité étant encore mieux rétablie par une lettre du lycée produite en cours de procédure, qu'il n'y a pas eu faute dans le démarchage des annonceurs en vue de l'édition de l'agenda des maires de Tarn-et-Garonne dès lors que les coordonnées des destinataires ont été obtenues par M. Petit auprès d'organes administratifs du département, que la confusion qui a pu exister par des bons de commande ne peut résulter que de l'inattention de ceux qui y ont souscrit, que l'absence de préjudice de la société Bucerep est prouvée par le fait que, depuis 1998, l'agenda des maires et l'annuaire des maires de chacune des sociétés coexistent sans la moindre difficulté, que la preuve des commandes perdues n'est pas rapportée, que le tribunal de commerce n'a nullement caractérisé les agissements qu'il a interdits sous astreinte, ce qui pose une sérieuse difficulté d'exécution;

Vu les conclusions de procédure notifiées par le société Bucerep le 28 novembre 2002, tendant à l'irrecevabilité des conclusions et pièces déposées par la société Petit et M. Petit, notifiées le 28 novembre 2002 à 14 heures pour une audience se tenant le même jour à la même heure;

LA COUR considère que :

Sur la procédure

Alors que dans cette procédure où l'urgence a été reconnue par une autorisation d'assigner à jour fixe, elle avait elle-même notifié des conclusions et un bordereau de pièces le 26 novembre 2002 en réponse à de précédentes écritures de son adversaire du 10 juillet 2002, la société Bucerep est mal venue à voir une atteinte au principe du contradictoire dans le fait qu'if lui ait été répondu par M. Petit et la société Petit le 28 novembre 2002 même s'il s'agit du jour de l'audience de plaidoiries.

Ces dernières écritures sont donc recevables.

Au fond

La concurrence déloyale suppose l'existence d'une activité, directement ou indirectement, concurrente de la part de celui qui s'en plaint.

En l'espèce, la société Bucerep entend fonder ses demandes sur des travaux d'édition accomplis d'une part pour l'Association des maires de Tarn-et-Garonne et d'autre part pour le lycée Sainte- Marie Grand Lebrun à Bordeaux.

S'agissant d'une part de l'Association des maires de Tarn-et-Garonne, la société Bucerep fait valoir que tant M. Petit que la société Petit se sont présentés auprès des responsables de cet organisme et des annonceurs avec lesquels le premier avait été en rapport comme salarié de Bucerep, d'une manière telle qu'ils ont pu faire accroire par leurs interlocuteurs qu'ils avaient en définitive affaire à la même entreprise pour l'édition d'un produit similaire, la distinction entre L'annuaire des maires du département concerné mis en œuvre suivant contrat du 2 novembre 1995 par Bucerep et l'agenda édité sous l'égide de l'association susmentionnée par M. Petit et sa société n'étant pas, du fait notamment de la confusion entretenue par ces derniers, clairement perçue, y compris par les annonceurs démarchés pour payer des insertions publicitaires dans les ouvrages en question.

Cependant, l'examen des pièces communiquées et notamment des deux documents constituant, l'un l'index des élus et des municipalités de Tarn-et-Garonne 1996-97 édité par la société Bucerep, l'autre l'agenda 82 de l'Association des maires de Tarn-et-Garonne, édition 1998 dont la revendication par la société Petit n'est pas en doute, fait apparaître qu'en dehors du parrainage de cette association, il n'existe aucune similitude entre eux, faute d'objet et de finalité qui soient identiques, la présentation graphique et le formatage étant différent sans que l'utilisation commune du symbole de la "Marianne" - banale pour ce genre de publication - soit significative, de sorte qu'il ne peut être considéré comme fautif de la part de M. Petit comme ancien salarié de la société Bucerep, non tenu à une clause de non-concurrence, même s'il avait dans le cadre de cette collaboration pris une part certaine à la négociation de la convention ayant abouti à la réalisation du premier de ces documents, d'avoir ensuite contacté, pour lui ou pour te compte de la société Petit, l'association des maires en lui proposant le second document précisément, aucun des éléments versés aux débats ne permet de retenir qu'ait existé chez ce commanditaire une confusion tant sur l'identité de l'éditeur que sur l'objet de la convention passée et, pareillement, le parasitisme allégué par la société Bucerep n'est pas davantage caractérisé.

Pas plus la société Bucerep n'est elle en mesure d'établir l'existence de la confusion alléguée auprès des annonceurs dans des conditions dommageables pour elle: en effet, si certains de ces derniers manifestent dans les correspondances versées au dossier qu'une relative ambiguïté à pu entourer la présentation du support pour lequel leur concours était sollicité-ainsi pour M. Terrazzoni, architecte ou I'ADAPEI de Tarn-et-Garonne - il résulte des pièces produites que les faits ont été rétablis en toute transparence soit par la société Bucerep, soit par M. Petit lui-même et sa société de sorte qu'une possible confusion à cet égard - au demeurant momentanée - est sans portée pour la solution du présent litigealors qu'à l'évidence l'identité du commanditaire était le seul élément déterminant pour les annonceurs.

Pour le surplus, les pièces communiquées au sujet du démarchage de la SARL Quercy Fêtes, de la société SEMAEM, de la SARL Le Madison et de la société Austra Automobiles ne peuvent donner lieu à responsabilité pour concurrence déloyale à l'encontre de M. Petit et de la société Petit dès lors qu'il s'en déduit que les annonceurs concernés ont renoncé à leur commande ou l'ont annulée, ce qui enlève tout manque à gagner à la société Bucerep qui n'est par ailleurs en mesure d'établir aucun préjudice lié à ces rapports avec les clients dont s'agit dont rien ne permet de considérer qu'ils ne lui sont pas restés fidèles du fait de ses adversaires à la présente procédure.

Si l'on se penche enfin sur les conditions du démarchage par M. Petit et sa société de la SARL Lanies, l'attestation en date du 27 octobre 1999 du gérant de cette société, telle qu'elle est rédigée, ne permet pas de considérer que la confusion commise par son auteur entre l'index et l'agenda des maires est imputable à ceux qui se sont présentés pour recueillir la publicité de cette entreprise.

S'agissant d'autre part des rapports entre les parties et le lycée Sainte-Marie Grand Lebrun, il résulte clairement de la mise au point contenue dans la correspondance du directeur de cet établissement en date du 15 novembre 2002 que si celui-ci était lié depuis 1994 par un accord avec la société Bucerep en vue de la réalisation de l'annuaire des anciens élèves et de la revue de l'établissement, à compter de 1998 il a entendu ne pas renouveler ce contrat et a confié l'édition des documents à M. Petit et à sa société, tout en précisant bien que cette décision n'était pas liée à une visite qu'il avait reçue de M. Petit en 1997, lequel, connu du lycée depuis sa collaboration avec la société Bucerep, L'avait simplement informé de son souhait de poursuivre une activité dans le même secteur : alors qu'une telle démarche n'est pas en soi fautive ainsi qu'indiqué supra par rapport à l'association des maires, les allégations, somme toute assez vagues, de Bucerep ne caractérisent à cet égard aucun dénigrement, aucun acte de parasitisme ou de déloyauté en faveur d'une faute et par conséquent d'un dommage indemnisable pour les suites économiques qu'elle serait susceptible d'avoir comporté.

Il s'ensuit que la société Bucerep sera déboutée de l'intégralité de ses demandes,

Sur les frais irrépétibles :

Il ne serait pas équitable de laisser à la société Petit et à M. Petit la charge de leurs frais irrépétibles et il leur sera alloué à ce titre la somme de 3 000 F.

Par ces motifs : LA COUR, Infirme le jugement rendu le 17 juin 2002 par le Tribunal de commerce de Toulouse; Déboute la société Editions Bucerep de ses demandes, fins et conclusions; La condamne à payer à la société Art Edition Petit et à Monsieur Frédéric Petit la somme de trois mille euros (3 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; La condamne aux entiers dépens, avec, pour ceux d'appel, faculté de les recouvrer directement par la SCP Boyer-Lescat-Merle, avoué, conformément à l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.