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Décisions

CCE, 10 mars 1998, n° M.1125

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Cereol/Sofiproteol/Saipol

CCE n° M.1125

10 mars 1998

Le 10 février 1998, la Commission a reçu une notification, au titre de l'article 4 du règlement du Conseil (CEE) n° 4064-89, d'un projet de concentration aux termes duquel la société Sofiproteol, par l'intermédiaire de sa filiale Soprol, et la société Cereol France SA acquièrent, au sens de l'article 3 paragraphe 1 point b) du règlement du Conseil, le contrôle en commun de la société Saipol. Après examen de la notification, la Commission est arrivée à la conclusion que l'opération notifiée relève du règlement (CEE) n° 4064-89 du Conseil, et qu'elle ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE.

I. LES ACTIVITES DES PARTIES

Cereol France ("Cereol") est une filiale du groupe agro-alimentaire Eridania Beghin-Say ("EBS") notamment actif au plan international dans la trituration d'oléagineux, la production d'huiles et de tourteaux, et la commercialisation d'huiles et graisses alimentaires. Cereol exploite deux sites de raffinage d'huiles brutes en France (à Cappelle La Grande et Bordeaux) et produit également du bio-diesel par l'intermédiaire de sa filiale Novaol.

Sofiproteol est une holding financière française possédant des participations et finançant des activités dans la filière oléagineuse. Son principal actionnaire (à hauteur de 20 %) est la fédération française des producteurs d'oléagineux. Sofiproteol détient 77 % du capital de Soprol, laquelle est une holding industrielle qui détient une part de 49 % dans la société Vamo Mills, entreprise commune créée en 1995 [La création de l'entreprise commune Vamo Mills a été autorisée par les autorités françaises compétentes le 24 janvier 1995.]. Le groupe agro-alimentaire belge Vandemoortele, qui opère notamment dans le secteur de la transformation des oléagineux en France, Belgique et Allemagne, détient jusqu'à présent 51 % du capital de Vamo Mills. Saipol, filiale française entièrement détenue par Vamo Mills, est engagée dans la trituration et/ou le raffinage d'oléagineux au travers de trois usines situées à Rouen, Dieppe, Bordeaux.

II. L'OPÉRATION

Le groupe Vandemoortele se retirant du secteur de la trituration, envisage de céder les activités de Vamo Mills dans ce secteur d'une part à Sofiproteol/Soprol et d'autre part à la société Cargill. L'opération notifiée résulte donc du démembrement de la société Vamo Mills. Elle s'effectuera en plusieurs étapes. Préalablement à l'opération envisagée, Sofiproteol/Soprol se retireront du capital de Vamo Mills et Soprol reprendra les actifs français de Vamo Mills en matière de trituration et raffinage d'oléagineux.

Dans un deuxième temps, Soprol procèdera à l'acquisition de 100 % du capital de Saipol, actuellement détenu par Vamo Mills. Dans un troisième temps, Cereol prendra une participation de 33,34 % dans le capital de Saipol, qui sera augmenté, et apportera notamment en échange ses propres actifs de Cappelle-La-Grande et Bordeaux. Soprol demeurera propriétaire de 66,66 % du capital de l'entreprise commune.

III. ENTREPRISE COMMUNE CONCENTRATIVE

Contrôle conjoint

Soprol détiendra une majorité des voix au sein du conseil d'administration de l'entreprise commune. Cependant, les deux entreprises fondatrices ont conclu un pacte d'actionnaire aux termes duquel les décisions stratégiques relatives à l'approbation du plan stratégique annuel, aux investissements et aux choix technologiques requerront l'unanimité des membres du conseil d'administration de Saipol. Les décisions à prendre dans le cadre du plan stratégique s'appliqueront notamment aux objectifs commerciaux significatifs, relatifs par exemple (Exemple concret d'objectif commercial qui relève du secret d'affaires). Cereol disposera d'un droit de veto sur tout investissement supérieur à un montant faible, comparé à la taille de l'entreprise et aux types d'investissements requis dans cette industrie. Il résulte des accords conclus entre les parties que les droits de veto dont disposera Cereol s'appliqueront notamment à certaines décisions stratégiques relatives aux investissements, à l'organisation de la production et à certains éléments de la politique commerciale. Ces droits de veto vont au-delà de la protection normale des intérêts d'un actionnaire minoritaire et confèrent à Cereol un pouvoir de codécision sur la détermination de la stratégie commerciale de l'entreprise commune.

Entité autonome de plein exercice opérant de manière durable

La propriété des sites de production reviendra à Saipol qui disposera du personnel dirigeant ainsi que des locaux et du personnel du siège de Vamo Mills à Rouen. Le contrat entre les parties prévoit, dans certaines conditions, la possibilité d'un retrait de Cereol à l'expiration de contrats de location et de location-gérance conclus entre les parties, soit à l'issue d'une période d'au moins huit années, renouvelable. Une telle durée minimum de fonctionnement de l'entreprise commune peut être considérée comme une base durable, compte tenu notamment de la probabilité de renouvellement des contrats précités. Environ (Secret d'affaires. Lire entre 45 % et 55 %.) de la production de Saipol sera absorbée par ses entreprises fondatrices, principalement en vue de la fabrication d'huile alimentaire par Cereol d'une part, et pour la production de bio-carburant par Diester Industrie, filiale de Sofiproteol, d'autre part. Les ventes de l'entreprise commune à ses actionnaires se feront cependant sur la base de conditions commerciales normales. En outre, la plus grande partie du volume total d'huiles alimentaires produit en 1996 par les usines qui formeront l'entreprise commune, a été vendue à des clients non liés aux parties, soit sous forme d'huile brute soit après raffinage par Saipol.

L'entreprise commune étant appelée à jouer un rôle actif sur le marché indépendamment des ventes à Cereol et à Diester Industries, exercera donc, de manière durable, les fonctions normales d'une entreprise commerciale dans le secteur de la trituration des oléagineux et du raffinage des huiles végétales.

Absence de risques de coordination

Bien que transférant ses activités de trituration et raffinage en France à Saipol, le groupe EBS conservera dans d'autres pays des activités significatives sur les mêmes marchés que ceux sur lesquels est active l'entreprise commune (tourteaux, huiles brutes et raffinées). Pour sa part, Sofiproteol transfèrera la totalité de ses actifs en matière de trituration et de raffinage à Saipol, à l'exception d'une usine de trituration dont la capacité de production équivaut à environ (Secret d'affaires. Lire entre 1 % et 10 %) de l'ensemble de la production européenne et (Secret d'affaires. Lire entre 1% et 10 %) de l'ensemble de la production de l'entreprise commune. Etant donné le caractère marginal de l'activité résiduelle de Sofiproteol aucun risque de coordination entre Sofiproteol et EBS sur les marchés de la trituration n'est à craindre.

Par ailleurs, Sofiproteol et EBS produisent tous deux de l'ester méthylique de colza (EMC) utilisé comme biocarburant dans les moteurs diesel. La commercialisation de ce biocarburant, qui bénéficie d'une défiscalisation, est étroitement réglementée par la directive communautaire 92-84 du 19 octobre 1992 et les pouvoirs publics nationaux. En France, les sociétés Diester Industries et Novaol, respectivement contrôlées par les groupes Sofiproteol et EBS, vendent principalement leur EMC aux sociétés pétrolières qui l'incorporent dans leur diesel.

Saipol fournit à Diester Industries des huiles non alimentaires destinées à la fabrication de bio-carburant après estérification, dans le cadre d'un contrat de trituration à façon. En outre, Saipol gère industriellement une unité d'estérification pour le compte de Dico, une autre filiale de Sofiproteol active dans le secteur du bio-carburant. Cependant, cette activité d'estérification demeure entièrement séparée de celle faisant l'objet principal de l'entreprise commune : en particulier, le contrat entre les parties prévoit que Cereol n'aura pas accès aux coûts de production relatifs à l'activité d'estérification de Saipol. En outre, Novaol dispose de sa propre usine d'estérification et ne se fournit pas auprès de Saipol. L'entreprise commune ne commercialise pas elle-même de biocarburant et n'est pas non plus appelée à développer une activité commerciale dans ce secteur, le groupe Sofiproteol demeurant seul responsable de la commercialisation de l'EMC transformé à partir des huiles produites par Saipol. Compte tenu de ces éléments, et notamment du caractère très réglementé du secteur du bio-carburant qui se trouve à un stade de développement encore expérimental, il peut être exclu que Saipol puisse devenir un instrument de coordination entre Diester Industries et Novaol.

III. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

Les entreprises concernées réalisent ensemble un chiffre d'affaires mondial supérieur à 5 milliards d'Ecus (EBS réalisant seul 8 467 millions d'Ecus). Le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées, calculé à la date de l'événement déclenchant l'obligation de notification, représente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus (EBS : 6 111 millions d'Ecus, Saipol : 596 millions d'Ecus). EBS ne réalise pas plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans le même Etat membre. L'opération notifiée a donc une dimension communautaire au sens de l'article 1 paragraphe 2 du règlement n° 4064-89.

IV. COMPATIBILITÉ AVEC LE MARCHÉ COMMUN

A. Marchés de produits en cause

L'entreprise commune est présente sur le marché à deux stades de la transformation des oléagineux, d'une part la trituration des graines qui mène à la coproduction de tourteaux et d'huile brute, et de l'autre le raffinage des huiles brutes. Elle ne commercialise pas d'EMC auprès de tiers. Les produits considérés sont donc les tourteaux et les huiles principalement vendus aux entreprises de l'industries agro-alimentaires (alimentation du bétail et alimentation humaine), qui les utilisent soit comme matières premières subissant d'autres transformations, soit en vue de leur commercialisation aux utilisateurs finals, après conditionnement.

Tourteaux

Les différents tourteaux issus de la trituration des graines oléagineuses sont incorporés dans l'alimentation du bétail, dans des proportions variant selon les besoins des utilisateurs. Les trois principales graines oléagineuses triturées en Europe sont le colza, le tournesol et le soja. Les parties estiment que la substituabilité entre tourteaux est totale du point de vue de la demande. Pour les besoins de la présente décision, il n'est cependant pas nécessaire de déterminer si les différents tourteaux constituent autant de marchés de produits distincts, car quelle que soit la définition du marché de produits, la concentration ne soulève aucun doute quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

Huiles brutes et raffinées

Les huiles de graines oléagineuses sont utilisées pour la consommation humaine directe, dans la fabrication de produits alimentaires divers (tels que margarine et produits de confiserie) et, dans une moindre mesure, pour des usages industriels tels que l'estérification en vue de la fabrication de bio-carburant à destination de moteurs diesel, et la lipochimie. Les huiles de colza, de tournesol et de soja représentent la majeure partie de la consommation européenne d'huiles végétales et toutes sont utilisées dans les applications industrielles. Une usine de trituration est en général capable de triturer les différentes graines sans transformation de l'outil industriel. Par ailleurs, la quasi totalité des utilisations nécessite le raffinage des huiles brutes issues de la trituration. Les principaux opérateurs présents en Europe sont intégrés verticalement et exercent les deux activités de trituration et de raffinage, bien qu'il existe également des raffineurs indépendants. Les parties invoquent notamment l'étroite corrélation entre les prix des huiles de différentes origines d'une part et les prix des huiles brutes et raffinées d'autre part, pour estimer qu'il convient de regrouper l'ensemble des huiles. Dans de précédentes décisions [Décisions IV-M.866 (Cereol/ÖSAT-Ölmühle), IV-M.720 (Cereol/ACEPROSA)], la Commission a relevé la similitude entre les conditions de production et de commercialisation des différentes huiles de graines oléagineuses commercialisées en vrac, en laissant toutefois ouverte la question de la définition précise du marché de produit en cause. Pour les besoins de la présente décision, il n'est pas non plus nécessaire de définir avec plus de précision le marché de produit en cause, car dans toutes les définitions alternatives considérées, l'opération ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

B. Marchés géographiques de référence

Tourteaux et huiles brutes et raffinées

Compte tenu notamment du fait que les tourteaux et les huiles de graines oléagineuses font l'objet d'importantes transactions internationales, qu'il n'existe pas de barrières douanières aux flux commerciaux et que la formation des prix de ces produits est déterminée en fonction des cotations sur les marchés de Chicago et Rotterdam, la Commission a considéré dans les décisions précitées [cf. note de bas de page n 2], que les marchés de tourteaux et des huiles sont au moins de dimension communautaire. Les conditions de concurrence n'ayant pas évoluées substantiellement la même analyse peut être retenue au cas présent.

C. Appréciation concurrentielle

Cette opération est à replacer dans le contexte du retrait du marché de Vamo Mills, qui conduit à la disparition d'un des principaux acteurs européens sur les marchés de produits issus de la trituration des oléagineux, à une concentration de l'offre de tourteaux et d'huiles. A la suite du démembrement de Vamo Mills, les unités de trituration et de raffinage de cette entreprise seront pour une partie reprises par Saipol et pour une autre cédées à Cargill, l'un des producteurs majeurs sur le marché.

Tourteaux

En matière de tourteaux, le regroupement des capacités de trituration précédemment détenues par Vamo Mills et EBS en France viendra accroître la position globale du groupe EBS, déjà présent sur la majeure partie du territoire de l'Union européenne. Ce regroupement conduira à la détention, de la part des parties, d'une part cumulée du marché communautaire évaluée à (Secret d'affaires. Lire entre 5 % et 15 %.) (Sofiproteol/Soprol (Secret d'affaires. Lire entre 1 % et 10 %), EBS (Secret d'affaires. Lire entre 5 % et 15 %). Plusieurs concurrents détiennent des parts de marché comparables ou supérieures. Les groupes américains Cargill et ADM, actifs au plan mondial et également fortement intégrés verticalement, comptent notamment parmi les premiers acteurs sur le marché européen des tourteaux. Les grands négociants en produits agricoles tels Toepfer International, Continental Grain ou Louis Dreyfus jouent également un rôle majeur sur le Marché commun, étant donné que plus de la moitié de la consommation des tourteaux dans l'Union européenne est importée.

Huiles brutes et raffinées

En matière d'huiles, l'acquisition des unités de production françaises de Vamo Mills permet à EBS et Saipol de détenir une part combinée d'environ (Secret d'affaires. Lire entre 15 % et 25 %) sur l'ensemble du marché des huiles à l'intérieur de l'Union européenne. Les parties à l'opération ne détiendront en tout état de cause pas plus de (Secret d'affaires. Lire entre 25 % et 35 %), sur aucun des segments constitués par un type d'huile issu de l'une ou l'autre des graines oléagineuses triturées. Cereol accroîtra également son intégration en amont. Cependant, la position du groupe EBS demeurera inférieure à celle de Cargill, qui occupe déjà le premier rang et devrait accroître sensiblement sa position à l'issue du démembrement de Vamo Mills. Le troisième acteur majeur, ADM, qui constitue, comme Cargill, un groupe intégré tout au long de la filière oléagineuse, détiendra une part de marché comparable ou supérieure à celle d'EBS. Par ailleurs d'autres entreprises moins intégrées verticalement subsistent, en particulier dans la filière alimentaire et représentent une concurrence réelle ou potentielle. Il s'agit soit de négociants tels Nidera, soit de triturateurs indépendants, tels Lezay et GHM en France, soit de raffineurs tels Anglia Oils et Acatos & Hutcheson, soit d'entreprises conditionnant et commercialisant des huiles végétales, tel Unilever, qui peuvent être à la fois clientes et concurrentes d'EBS.

A la lumière des informations recueillies par la Commission et compte tenu de la position combinée de Saipol et du groupe EBS, de la présence de deux concurrents majeurs appartenant à des groupes fortement intégrés et présents dans le monde entier, et de l'existence d'autres concurrents indépendants, l'opération ne conduira pas à la création ou au renforcement d'une position dominante ayant pour conséquence qu'une concurrence effective serait entravée de manière significative dans le Marché commun ou une partie substantielle de celui-ci.

V. CONCLUSION

Pour les motifs exposés ci-avant, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et la déclarer compatible avec le Marché commun et avec le fonctionnement de l'accord EEE. La présente décision est adoptée en application de l'article 6 paragraphe 1 point b) du règlement du Conseil n° 4064-89 du Conseil.