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Décisions

CCE, 18 décembre 1991, n° M.147

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Eurocom/RSCG

CCE n° M.147

18 décembre 1991

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. L'opération notifiée concerne un projet de fusion-absorption entre les sociétés Eurocom, SA (Eurocom) et Roux Séguéla Cayzac et Goudard (RSCG) qui donnera naissance à une nouvelle société, "Euro-RSCG".

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil nº 4064-89 et ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. L'ACCORD

3. RSCG est une entreprise de conseil en publicité, filiale de la société Rouseca, qui possède 72 % du capital. La fusion-absorption se fera avec Eurocom, société également de conseil en communication publicitaire dont 44,25 % du capital est détenu par le groupe Havas.

4. L'accord entre Eurocom et RSCG prévoit:

- une augmentation de capital de RSCG préalablement à la fusion d'un montant de 500 millions de FF, dont une partie majoritaire sera souscrite par le groupe Havas à travers sa filiale Eurocom.

- un projet de fusion à l'issue duquel le capital de la nouvelle entité "Euro-RSCG" serait détenu à raison de 40 % par Havas, de 10 à 20 % par des partenaires financiers, de 5 à 10 % par des managers de RSCG et enfin de 30 à 45 % par des investisseurs institutionnels et par le public.

- un droit de préemption conféré à Havas sur la totalité des titres détenus par les cadres de RSCG dans le cas de cessions eventuelles.

Les parties notifiantes ont déclaré qu'à l'issue de l'opération, le groupe Havas gardera le même degré de contrôle sur la société issue de la fusion que celui qu'il exerce à présent sur Eurocom.

II. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

5. Pour le calcul des chiffres d'affaires il faut considérer d'une part RSCG et d'autre part l'ensemble du groupe Havas, qui contrôle Eurocom. L'existence de ce contrôle a été établie sur la base que la participation de 44,25 % que le groupe Havas détient dans Eurocom -le reste étant constitué par des actionnaires financiers et le public- lui a permis d'exercer au cours des trois dernières assemblés générales d'actionnaires (1989, 1990, 1991) respectivement 69,5 %, 68 % et 77,5 % des droits de vote des présents et représentés. Havas dispose ainsi, grâce à la dispersion du reste des actionnaires d'Eurocom, du pouvoir d'exercer directement plus de la moitié des droits de vote aux assemblées générales et contrôle par conséquent Eurocom au sens de l'article 5 (4) c du règlement.

6. Le chiffre d'affaires mondial du groupe Havas (avec Eurocom) était de 5 370 millions d'Ecus en 1990 et celui de RSCG était de 880 millions d'Ecus. Le chiffre d'affaires total réalisé individuellement par les deux entreprises dans la Communauté réprésente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus. Les parties concernées ne réalisent plus des deux tiers de son chiffre d'affaires dans un seul et même Etat membre. L'opération est par conséquent de dimension communautaire au sens de l'article 1.2. du règlement.

III. CONCENTRATION

7. Au sens du règlement n° 4064-89, l'opération de fusion-absorption décrite ci-dessus aboutit à l'acquisition par le groupe Havas du contrôle de Euro-RSCG, société issue de la fusion absorption. Elle est ainsi une concentration qui relève de l'article 3 (1) b du règlement.

IV. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Marchés de produit

8. Les parties considèrent qu'il n'existe qu'un seul marché concerné, celui du conseil en communication publicitaire.

Les prestations fournies par les sociétés de conseil en communication publicitaire sont nombreuses. Les agences publicitaires distinguent généralement les études de marché, les activités de création (conception, mise au point et illustration de messages publicitaires), le choix des supports où sera réalisée la campagne publicitaire (media planning) et l'achat d'espace.

9. La profession (les agences publicitaires) distingue également les actions publicitaires en fonction du support dans lequel elles seront réalisées, ce qui permet de différencier les opérations "grands médias" -c'est à dire celles réalisées dans la presse, la télévision, la radio, l'affichage extérieur et le cinéma- et les opérations "hors médias": promotion des ventes (primes, jeux, concours...), édition d'imprimés publicitaires (prospectus, catalogues, brochures), publicité sur les lieux de vente, expositions foires et salons, etc.

10. La Commission considère que l'ensemble de ces opérations, à l'exception de l'achat d'espace, constitue un des marchés de produits concernés. En effet, elles apparaissent difficilement dissociables étant donné qu'elles ne sont que des moyens utilisés pour satisfaire une campagne publicitaire. Le client annonceur négocie avec une agence de façon globale les campagnes publicitaires qui seront lancées, et c'est dans le cadre d'un plan d'ensemble que seront retenues des applications dans tel ou tel support. Le plus souvent une action publicitaire comportera l'utilisation de l'ensemble des supports disponibles.

11. La Commission considère que l'activité achat d'espace constitue un marché séparé. En effet, cette activité n'est pas liée directement à la conception et à l'élaboration d'une campagne publicitaire. Les annonceurs peuvent décider de ne pas confier cette activité à l'agence à laquelle ils demanderont de concevoir et de réaliser leur campagne publicitaire. Des centrales d'achat se sont d'ailleurs constituées indépendamment des agences. En outre, certains annonceurs ont créé leurs propres centrales d'achat d'espace.

Le marché géographique de référence

12. Le marché de la publicité était considéré comme adapté aux conditions locales de langues ou d'habitudes de consommation et au caractère national des supports (presse, radio, télévision).

Ces conditions qui ont longtemps prévalues sont en cours de transformation. En effet, les grands annonceurs engagent de plus en plus de campagnes publicitaires européennes ou même internationales. Les agences se sont adaptées à cette situation en constituant des réseaux internationaux rassemblant soit des filiales installées dans différents pays soit d'autres agences liées par des accords de coopération. Le concept d'une campagne publicitaire est élaboré de façon centralisée et il est ensuite adapté localement. En outre, certains médias comme la télévision commencent à s'internationaliser grâce aux réseaux câblés et aux satellites. Il n'est toutefois pas nécessaire de définir le marché de référence avec précision car même si on le définit d'une manière étroite au niveau national comme les parties le suggèrent, Euro-RSCG ne détiendra pas une position dominante.

Les aspects horizontaux

Structure du marché du conseil en communication publicitaire

13. L'évaluation des parts de marché détenues dans le secteur de la publicité est confrontée au problème de la diversité des sources disponibles, notamment du fait de l'apparition récente de nouvelles activités.

La profession utilise un chiffre d'affaires reconstitué, différent du chiffre d'affaires comptable, représentatif du volume d'affaires traité par une agence. Il est calculé à partir de la marge brute réalisée par les agences publicitaires affectée d'un coefficient de 6,67 correspondant traditionnellement à la commission moyenne de 15 % appliquée par la profession. Toutefois, actuellement les honoraires sont la première source de revenu des agences et non plus les commissions.

14. L'information sur les parts de marché fournie par les parties notifiantes comprend le marché publicitaire le plus large possible, c'est-à-dire toutes les activités ayant un rapport avec la publicité -y compris l'achat d'espace- calculé à partir du chiffre d'affaires reconstitué. Selon ces données, Euro-RSCG atteindrait [Parts de marché comprises entre 10 et 20 %] en France et détiendrait des parts de marché inférieures sur le marché communautaire. Cette part est aussi représentative de celle détenue par Euro-RSCG sur le seul marché de la conception et de la réalisation d'une campagne publicitaire, puisque cette activité est à l'origine de la grande majorité des revenus des deux sociétés qui fusionnent.

15. En France, le marché de la publicité reste encore assez peu concentré, puisque les dix premières agences publicitaires réalisaient avant la fusion d'Eurocom et de RSCG 35 % de la valeur du marché. Euro-RSCG sera le premier groupe français. Cependant, ses principaux concurrents en France appartiennent, à l'exception de BDDP [Parts de marché inférieures à 10 %] soit à un groupe multimédia comme Publicis [Parts de marché inférieures à 10 %], soit à de grands groupes internationaux comme Young et Rubicam [Parts de marché inférieures à 10 %], DDB [Parts de marché inférieures à 10 %] et Lintas [Parts de marché inférieures à 10 %]. Ces trois dernières sociétés appartiennent respectivement au 7ème, 4ème et 3ème groupe mondial. Dans ces conditions l'opération ne donnera pas lieu à la création d'une position dominante.

Structure du marché de l'achat d'espace publicitaire

16. Les parts de marché détenues par les parties, rapportées aux recettes publicitaires des médias sont de [Parts de marché comprises entre 10 et 20 %] en France, et elles sont inférieures dans l'ensemble de la Communauté.

17. Il apparaît que le chiffre d'affaires réalisé par la nouvelle société sera, de toute façon, inférieur à la simple addition des chiffres d'affaires des deux sociétés fusionnées. En effet, les grands annonceurs, en règle générale, ne souhaitent pas s'adresser à une agence qui réalise une campagne publicitaire pour le compte d'un de ses concurrents. Or Eurocom et RSCG réalisaient chacune des campagnes publicitaires pour des annonceurs directement concurrents.

18. En France, où des concurrents très influents sont présents sur le marché de l'achat d'espace, Euro-RSCG sera au troisième rang derrière Carat Espace et PMS qui détiennent chacune environ 10 % du marché. Dans ces conditions il n'y a pas création de position dominante.

Les aspects verticaux

19. Le groupe Havas est présent par l'intermédiaire de filiales comme exploitant de medias dans l'affichage extérieur et la presse, et comme régisseur de publicité pour le compte de médias, dans la presse, la télévision, la radio et le cinéma.

20. Toutefois, cette situation ne donne pas lieu à un renforcement de la position des agences publicitaires dans un marché concurrentiel où selon les déclarations de clients, le caractère intégré ou non d'un groupe publicitaire n'apparaît pas comme un élément déterminant dans le choix effectué par un annonceur dans la mesure où il peut pour l'achat de son espace publicitaire s'adresser à d'autres intervenants ou même effectuer son achat directement.

L'opération de concentration d'Eurocom avec RSCG n'aboutit ni à la création ni au renforcement d'une position dominante par le groupe Havas sur les marchés du conseil en communication publicitaire et de l'achat d'espace ayant pour conséquence qu'une concurrence effective serait entravée dans le Marché commun.

Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est prise sur la base de l'article 6 (1) b du règlement du Conseil n° 4064-89.