CA Rennes, 8e ch. prud'homale, 25 avril 2002, n° 01-03603
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bouttier
Défendeur :
Editions Vie et Santé (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Segondat
Conseillers :
Mme L'Henoret, M. Patte
Avocats :
Mes Godard, Commerçon, Perrault
Vu le jugement rendu le 9 mai 2001 par le Conseil des prud'hommes de Nantes qui, saisi par Jean Bouttier embauché le 3 février 1983 par la société Editions Vie et Santé en qualité de VRP, d'une demande en dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en paiement d'une indemnité de clientèle, l'a débouté de sa première demande et a condamné la société Editions Vie et Santé à lui payer 50 000 F au titre de l'indemnité de clientèle moins 22 880 F déjà perçus au titre de l'indemnité conventionnelle de rupture outre 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Vu l'appel formé le 23 mai 2001 par Jean Bouttier et l'appel incident formé par la société Editions Vie et Santé.
Vu les conclusions déposées le 8 février 2002 soutenues à l'audience par Jean Bouttier tendant à la réformation du jugement et sollicitant la condamnation de la société Editions Vie et Santé à lui payer 38 113 euros par application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, 32 166,74 euros à titre d'indemnité de clientèle et 2 290 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A. Sur la demande en dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant que par lettre en date du 3 mars 2000, Jean Bouttier a adhéré à la convention de conversion qui lui avait été adressée le 22 février précédent et que, par lettre en date du 8 mars 2000, la société Les Editions Vie et Santé lui a répondu: " nous vous rappelons que votre adhésion à la convention de conversion qui vous a été proposée le 2 février 2000 met fin à votre contrat de travail à partir du 24 février 2000, date d'expiration du délai de réponse qui vous était imparti. Toutefois, de commun accord, nous avons reporté cette date de cessation du contrai au 8 mars 2000. Conformément à l'article L. 321-6 du Code du travail, la cessation de votre contrat est réputée intervenue d'un commun accord... ";
Considérant que la rupture du contrat de travail résultant de l'acceptation par le salarié d'une convention de conversion doit avoir une cause économique réelle et sérieuse;
Considérant que l'appréciation de cette cause ne peut intervenir que sur la base des motifs énoncés par l'employeur soit dans le document écrit obligatoirement remis à tout salarié concerné par un projet de licenciement économique en application de l'article 8 de l'accord national interprofessionnel du 20 octobre 1986 soit dans la lettre de licenciement prévue par l'article L. 122-14-1 du Code du travail;
Considérant qu'il est constant que l'employeur n'a pas énoncé les motifs de la rupture dans l'un ou l'autre des documents écrits précités;
Considérant que l'employeur ayant manqué à son obligation d'énonciation de la cause économique de la rupture du contrat de travail, celle ci est bien dépourvue de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce qu'ont admis les Premiers Juges, peu important que Monsieur Bouttier ait été informé par d'autres moyens des raisons économiques de celle-ci;
Considérant que compte tenu de son ancienneté, de son âge et du préjudice subi, il lui sera alloué une somme de 21 000 euros à titre de dommages intérêts sur le fondement de l'article L. 122-14-4 du Code du travail.
B. Sur la demande d'indemnité de clientèle :
Considérant que l'indemnité de clientèleest destinée à réparer le préjudice causé au représentant par la perte, pour l'avenir, du bénéfice de la clientèle apportée, créée ou développée par lui, peu important que l'employeur ait cessé l'activité objet de la représentation et ne puisse lui-même en tirer profit;
Considérant qu'elle est due même lorsque le salarié a accepté une convention de conversion dès lors que celle ci est proposée à l'initiative de l'employeur au salarié dont le licenciement économique a été décidé, la résiliation du contrat de travail intervenant alors par le fait de l'employeur au sens de l'article L. 751-9 du Code du travail;
Qu'en outre, le refus de la société EVS de permettre à Monsieur Bouttier de prétendre à l'indemnité spéciale de rupture prévue à l'article 14 de l'accord national du 3 octobre 1975 ne lui interdit pas de prétendre au bénéfice de l'indemnité de clientèle sauf à en déduire l'indemnité de licenciement déjà perçue avec laquelle elle ne se cumule pas;
Considérant qu'eu égard aux chiffres d'affaires réalisés par Monsieur Bouttier et au nombre de clients recensés en 1999 comparé au nombre de clients initiaux (860 en 1999 - 80 en 1982) il est manifeste que Monsieur Bouttier a augmenté en nombre et en valeur la clientèle de la société; qu'il lui sera accordé de ce chef une indemnité de clientèle de 12 000 euros dont sera déduite la somme déjà perçue de 22 880 F soit 3 488 euros;
Considérant que l'équité commande de faire partiellement droit à la demande en paiement des frais non répétibles présentée par Monsieur Bouttier.
Par ces motifs : LA COUR : Réforme le jugement déféré ; Dit que le licenciement de Monsieur Jean Bouttier est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; Condamne la SARL Editions Vie et Santé à lui payer 21 000 euros à titre de dommages intérêts en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail ; Ordonne en tant que de besoin le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de 6 mois d'indemnités ; Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la société Editions Vie et Santé est redevable d'une indemnité de clientèle ; Réformant sur le quantum, la condamne à payer de ce chef à Monsieur Bouttier une somme de 8 512 euros ; La condamne à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.