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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 7 septembre 2000, n° 1998-25136

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Softissimo (SARL)

Défendeur :

Isabelle Jourdain (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

M. Faucher, Mme Riffault

Avoués :

SCP Bommart- Forster, Me Hardouin-Herscovici

Avocats :

Mes Bernard, Sers.

T. com. Paris, du 15 oct. 1998

15 octobre 1998

LA COUR statue sur l'appel interjeté par la société Softissimo contre le jugement rendu le 15 octobre 1998 par le Tribunal de commerce de Paris, qui l'a condamnée à payer à la société Isabelle Jourdain les sommes de 82 664,06 F TTC au titre de diverses factures, 90 000 F HT à titre d'indemnité pour rupture abusive et 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, ordonnant l'exécution provisoire sous condition de constitution d'une garantie bancaire, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et mis les dépens à la charge de la société Softissimo, défenderesse.

La société Softissimo, ayant notamment pour activité la vente de logiciels et de disques CD ROM, a, à partir d'octobre 1994, confié à la société Isabelle Jourdain, agence de conseils en relations avec la presse et relations publiques, des missions de relation avec la presse. Par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 23 juin 1997 elle a notifié à sa cocontractante qu'elle mettait fin aux relations contractuelles à compter du 30 juin suivant.

Les deux parties étant en désaccord sur le paiement d'une indemnité de résiliation à la société Isabelle Jourdain, qui estimait que la société Softissimo aurait du respecter un préavis de 6 mois, ainsi que des factures relatives aux prestations fournies au cours des mois d'août 1996, avril, mai et juin 1997, la société Isabelle Jourdain a, le 21 octobre 1997, fait assigner la société Softissimo en paiement d'une somme de 90 000 F à titre d'indemnité forfaitaire correspondant à un préavis de 6 mois, et d'une somme de 82 664,06 F au titre des factures litigieuses, outre des dommages intérêts.

C'est dans ces conditions qu'est intervenue la décision déférée, qui a fait droit aux demandes de la société Isabelle Jourdain, en retenant que la rupture brutale des relations contractuelles avec un préavis de 8 jours, sans qu'ait été invoquée une faute grave, était abusive et justifiait une indemnité, les régies professionnelles fixées par l'Union nationale des attachés de presse pouvant être appliquées, et, d'autre part, que la société Softissimo ne pouvait, en refusant de payer les factures d'avril, mai et juin 1997, prétendre faire rétroagir au 30 mars 1997 la rupture du contrat, intervenue à compter du 30 juin 1997.

La société Softissimo, appelante, soutient pour l'essentiel que la société Isabelle Jourdain a commis de graves manquements dans l'exécution de ses obligations, qui justifiaient la rupture immédiate du contrat ; qu'elle même n'était tenue de respecter aucun préavis, en toute hypothèse, en l'absence d'un contrat écrit et alors que la société Jourdain n'a été chargée que de missions ponctuelles et ne peut revendiquer le statut d'agence de publicité, que la rupture n'a pas été brutale puisqu'elle avait manifesté depuis un an à la société Isabelle Jourdain son mécontentement et son insatisfaction devant les résultats ; que la société Isabelle Jourdain ne prouve pas avoir subi un quelconque préjudice ; que les prestations fournies par ladite société en août 1996 ne justifient pas les honoraires réclamés, cependant qu'il n'est pas justifié de la réalité et de l'importance du travail qui aurait été fait en avril, mai et juin 1997 ni des résultats qui auraient été obtenus.

L'appelante demande en conséquence à la Cour de débouter la société Isabelle Jourdain de toutes ses demandes et de la condamner à lui payer 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Isabelle Jourdain, intimée et incidemment appelante, conclut à la confirmation du jugement mais réclame en outre les intérêts sur le montant total des factures à compter de la mise en demeure, avec application de l'anatocisme. Elle sollicite encore 20 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé.

Considérant que, même si les parties ne l'ont pas formalisé dans un écrit, il n'est pas sérieusement contestable qu'un contrat s 'est formé entre les parties à partir du mois d'octobre 1994, la société Isabelle Jourdain ayant fourni des prestations relevant de son activité d'agence de conseil afin de promouvoir, en particulier auprès de la presse, les produits de la société Softissimo, laquelle a en contrepartie payé à sa cocontractante une rémunération qui, sur la période d'octobre 1994 à mars 1997, s'est élevée à 15 000 F hors taxes par mois indépendamment de " frais techniques " ;que la régularité et la continuité de cette rémunération établissait le caractère permanent, continu et non ponctuel, comme le soutient la société Softissimo, de la mission confiée à la société Jourdain ;

Considérant que la lettre du 23 juin 1997, par laquelle la société Softissimo a mis fin aux relations contractuelles, est ainsi rédigée : " Chère Isabelle Je te remercie pour les différentes propositions que tu m'as envoyées mais, malheureusement, elles ne répondent pas à mes attentes. Par ailleurs les retombées presse que nous avons eues cette dernière année ne me paraissent pas suffisantes compte tenu de sorties de produits que nous avons faites et des ressources que nous y consacrons. En conséquence je souhaite que nous cessions notre collaboration à compter du 30 juin 1997. Je tiens néanmoins à te remercier, ainsi que tes collaboratrices, pour le travail que vous avez effectué pour nous tout au long de ces dernières années ";

Que, si cette lettre fait apparaître que la société Softissimo n'était pas satisfaite des résultats de l'activité déployée par la société Isabelle Jourdain, elle ne met nullement en cause la réalité et le sérieux des prestations fournies et n'invoque aucune faute grave ni même légère du ce contractant dans l'exécution de sa mission;que les manquements graves aujourd'hui allégués par la société Softissimo ne sont pas démontrés par l'expression d'une insatisfaction ou d'une déception concernant les résultats obtenus alors qu'il n'est pas soutenu que la société Isabelle Jourdain s'était engagée à la réalisation d'objectifs contractuellement définis;

Que c'est dès lors à juste titre que le Tribunal a estimé qu'en raison de la durée des relations contractuelles du caractère indéterminé de la durée de la mission et l'absence de faute grave démontrée -ni même alléguée au moment de la rupture-, la société Softissimo, tenue d'exécuter loyalement le contrat, ne pouvait y mettre fin sans respecter un délai de préavis que les premiers Juges ont justement fixé à six mois ;qu'en procédant comme elle l'a fait, la durée du préavis étant réduite à 8 jours, la société Softissimo a commis une faute, qui a eu pour effet de priver sa cocontractante de la rémunération qu'elle aurait perçue pendant la durée du préavis dont elle aurait du bénéficier ; que ce préjudice a été exactement évalué par le Tribunal, sur la base de la rémunération mensuelle moyenne perçue par la société Isabelle Jourdain au cours des deux années et demie ayant précédé la rupture

Considérant que la société Isabelle Jourdain justifie, par les comptes-rendus d'activités versés aux débats et dont la société Softissimo ne soutient pas qu'ils seraient mensongers, de la réalité des prestations auxquelles correspondent les factures litigieuses, l'appréciation, au demeurant subjective en l'absence de critères contractuels, des résultats obtenus ne pouvant être prise en considération pour dénier tout droit à rémunération à la société Jourdain;

que le jugement sera donc également confirmé sur ce point;

Considérant que la société Isabelle Jourdain est fondée à réclamer les intérêts au taux légal sur le montant des factures impayées à compter de la mise en demeure reçue par la société Softissimo le 8 octobre 1997; que les conditions d'application de l'article 1154 du Code civil sont réunies, à compter du 9 juin 1999, date de signification des conclusions contenant pour la première fois une demande de ce chef;

Considérant que la société Softissimo, qui succombe, doit supporter les dépens d'appel, ne peut qu'être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et sera condamnée en application de ce texte à payer à l'intimée 10 000 F au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs : Confirme le jugement attaqué ; Condamne la société Softissimo à payer à la société Isabelle Jourdain les intérêts au taux légal de la somme de 82 664,06 F à compter du 8 octobre 1997, lesdits intérêts produisant eux mêmes intérêts au même taux, à compter du 9 juin 1999 dans les conditions prévues par l'article 1154 du Code civil ; Condamne la société Softissimo à payer à la société Isabelle Jourdain, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, 10 000 F au titre de frais irrépétibles d'appel ; La déboute de toutes ses demandes ; La condamne aux dépens d'appel et admet la SCP Hardouin Herscovici, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.