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Décisions

CCE, 5 novembre 1992, n° M.254

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Fortis/La Caixa

CCE n° M.254

5 novembre 1992

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. L'OPERATION

1.1 Le 5 octobre 1992, Fortis International NV (Fortis) et Caixa d'Estalvis i Pensions de Barcelona (La Caixa) ont notifié une opération dont l'objet est de créer une entreprise commune (EC) active sur les marchés des assurances en Espagne.

1.2 La Caixa, qui détient actuellement 100 % de AgenCaixa, SegurCaixa et VidaCaixa, transfèrera ses participations actionnaires de la manière suivante:

- 100 % de ses actions dans AgenCaixa seront transférées à l'EC;

- 80 % de ses actions dans SegurCaixa seront transférées à l'EC; 20 % seront achetées par Fortis;

- 80 % de ses actions dans VidaCaixa seront transférées à l'EC; 20 % seront conservées par La Caixa.

Fortis achètera 50 % de l'EC.

2. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

Les chiffres d'affaires atteints par Fortis et La Caixa au niveau mondial et communautaire pour la dernière année fiscale ont respectivement dépassé 5 000 et 250 millions d'Ecus. En outre, les parties ne réalisent pas les deux tiers de leurs chiffres d'affaires communautaires dans un seul et même Etat membre. L'opération notifiée a donc une dimension communautaire.

3. CONCENTRATION

Contrôle en commun

Dès la réalisation de l'opération notifiée, chacune des parties détiendra 50 % de l'EC. Elles auront le droit de nommer des représentants dans tous les organes de l'EC, notamment au Conseil d'Administration, chargé de gérer l'EC et de définir la politique commerciale et la stratégie industrielle de celle-ci, proportionnellement à leur participation dans l'EC. Le "Shareholders Agreement" n'accorde ni à l'une ni à l'autre des parties la voix prépondérante [Secret d'affaires].

Il s'ensuit que l'entreprise commune sera contrôlée conjointement par Fortis et La Caixa.

4. Autonomie de la nouvelle entreprise

4.1 L'EC sera active sur le marché espagnol en tant qu'entité indépendante et autonome, les activités principales de La Caixa dans le domaine des assurances lui étant transférées. De plus, tous les moyens matériels et financiers seront mis à la disposition de la nouvelle entreprise, lui permettant ainsi de développer sa politique commerciale de manière autonome et pour une période illimitée.

4.2 L'EC distribuera ses produits via son propre réseau de distribution ainsi que [Lire: "le réseau de La Caixa. Aucun accord de distribution exclusive ne lie l'EC à celle-ci."].

5. ABSENCE DE COORDINATION DU COMPORTEMENT CONCURRENTIEL

5.1 Exception faite de sa participation dans l'EC, La Caixa ne sera plus présente sur le marché espagnol des assurances. En effet, sa participation minoritaire dans Adeslas ne suffit pas à lui permettre de contrôler seule ou conjointement cette entreprise, en l'absence d'un accord de vote. De plus, Adeslas est uniquement présente dans le secteur des assurances d'assistance-soins de santé, dans lequel ni l'EC ni Fortis ne seront actives. En ce qui concerne la participation directe de 20 % de La Caixa dans VidaCaixa, il apparait clairement que VidaCaixa sera totalement contrôlée par l'EC.

5.2 La Caixa, en cédant son savoir-faire et son expérience dans le domaine des assurances à l'EC, sera découragée d'entrer à nouveau sur ce marché. Même si La Caixa dispose des ressources financières suffisantes pour le faire, étant donné l'ouverture prévisible dans un avenir proche du marché des assurances au sein de la communauté, il lui serait déraisonnable d'un point de vue financier et économique, d'abandonner les avantages qu'elle détient maintenant et repénétrer seule ce marché quand les barrières à l'entrée et les conditions de concurrence seront plus difficiles. De plus, l'activité primaire de La Caixa est le service bancaire et financier, et non l'assurance.

5.3 Il y a donc des raisons d'estimer qu'après la mise en œuvre de l'opération notifiée, La Caixa se retirera du marché espagnol des assurances, et qu'une repénétration potentielle de celui-ci est hautement improbable.

5.4 Fortis restera active sur le marché espagnol des assurances à travers sa filiale "Seguros Bilbao" pour une période de [Secret d'affaires. Moins de 5 ans]. Pendant cette période, Fortis a l'intention soit de transférer les activités d'assurance de Seguros Bilbao à l'EC, soit de vendre celles-ci à un tiers.

5.5 Fortis fournira à l'EC ses connaissances et son savoir-faire dans le domaine de la commercialisation des produits d'assurances, notamment son expérience en politique des prix, ses systèmes d'information, ses techniques de distribution, la formation des forces de vente et toute autre connaissance spécifique concernant la souscription et la vente de produits d'assurances.

D'après les parties, Fortis, en sa qualité de partenaire-assureur, jouera un rôle déterminant dans la définition de la politique commerciale de l'entreprise commune.

5.6 Dans ces conditions, l'opération n'a pas pour objet ou effet la coordination du comportement concurrentiel d'entreprises restant indépendantes et, en conséquence, l'opération doit être examinée à la lumière de l'article 3 du règlement n° 4064-89.

6. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Marché des produits en cause

6.1 Le secteur des assurances est divisé en autant de marchés que de type d'assurances couvrant les différents risques. C'est pour cette raison que les produits d'assurances ne sont pas substituables entre eux dans une mesure appréciable. Par conséquent, l'assurance-vie et tout autre type d'assurance semblent constituer, du point de vue du consommateur, des marchés différents compte-tenu de leurs caractéristiques, primes et objectifs.

Cependant, la question de savoir si chaque assurance correspond à un marché distinct peut demeurer ouverte dans la mesure où, même si tel était le cas, l'appréciation de l'opération ne s'en trouverait pas modifiée sur le plan de la création ou du renforcement d'une position dominante.

6.2 Plusieurs produits d'assurances se chevauchent entre les parties, notamment l'assurance-vie, transport, perte de bénéfices, auto et incendie. Néanmoins, du fait de l'addition des parts de marché, seule l'assurance-vie peut être considérée comme le marché affecté par l'opération notifiée. La part de marché détenue par l'EC est supérieure à 10 % uniquement dans ce domaine.

L'assurance-vie est essentiellement une assurance à long-terme, d'une moyenne de 15 à 20 ans, comprenant le paiement de primes régulières pendant un nombre d'année indéterminé. Elle vise à couvrir les risques en cas de décès ou non.

Marché géographique en cause

6.3 Actuellement, les marchés des assurances semblent être nationaux, principalement pour les raisons suivantes :

a) Préférences des consommateurs

Les particuliers et les petites et moyennes entreprises établies dans un Etat membre ont l'habitude de conclure des contrats d'assurances avec des compagnies de leur nationalité, lesquelles, par ce fait, jouissent d'une certaine notoriété auprès de leurs clients. En fait, les compagnies d'assurances nécessitent une bonne réputation auprès de leurs clients potentiels pour pouvoir commercialiser leurs produits.

De plus, selon les Etats membres, les attitudes et les demandes des clients varient considérablement vis-à-vis des produits d'assurances. Celles-ci obligent souvent les compagnies d'assurances à concevoir pour chaque Pays membre des produits spécifiques pour y satisfaire la demande.

b) Primes

Actuellement, les primes payées tendent à varier significativement d'un pays à l'autre, en raison, entre autre, de dispositions légales différentes.

c) Réseaux de distribution

Les réseaux de distribution sont également très différents d'un Etat membre à l'autre. Dans certains pays, tel le Royaume-Uni, les produits d'assurances sont surtout distribués par des courtiers d'assurances, tandis que dans d'autres, comme la France, ils sont surtout distribués par le réseau bancaire.

L'existence actuelle de marchés nationaux est aussi corroborée par le fait que les parts de marché détenues par les différentes compagnies d'assurances dans les différents Etats membres varient d'une façon considérable.

6.4 Dans un avenir proche, la plupart des marchés d'assurances pourraient s'ouvrir à une concurrence intra-communautaire dans le cadre de l'application des dispositions concernant le marché unique. La nouvelle législation communautaire, en facilitant la libre circulation des services dans le domaine des assurances, permettra aux compagnies d'assurances d'amorcer leurs activités dans un Etat membre plus aisément qu'actuellement.

Néanmoins, la définition du marché géographique peut demeurer ouverte dans la mesure où, même si l'on considérait la définition la plus étroite, l'appréciation de l'opération ne s'en trouverait pas modifiée sur la question de savoir si cette opération crée ou renforce une position dominante.

En fait, compte tenu du très faible degré de concentration des marchés d'assurances dans la Communauté, et du fait que l'opération notifiée n'affecte aucun marché au niveau communautaire, seul le marché espagnol sera pris en considération.

La position des parties sur le marché espagnol

6.5 L'entreprise commune détiendra sur le marché espagnol de l'assurance-vie une part de marché d'environ 10 %. Le marché espagnol de l'assurance-vie est caractérisé par un degré très faible de concentration: il suffit de dire que la part de marché détenue par l'ensemble des cinq premières entreprises ne dépasse pas 50 %.

Il s'ensuit que l'opération n'est pas de nature à créer ou à renforcer une position dominante dans le marché affecté.

7. CONCLUSION

Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission a décidé de ne pas s'opposer à l'opération notifiée et de la déclarer compatible avec le Marché commun. Cette décision est adoptée en application de l'article 6 (1) b du règlement du Conseil n° 4064-89.