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Décisions

CCE, 10 août 1995, n° M.617

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

Décision

Crédit Local de France/Hypotheken Bank in Berlin

CCE n° M.617

10 août 1995

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

1. La notification mentionnée en objet a été reçue par la Commission le 19 juillet 1995. Elle concerne l'entrée du Crédit local de France dans le capital de Hypothekenbank in Berlin à hauteur de 50,5 %.

2. Après examen de cette notification, la Commission a abouti à la conclusion que l'opération notifiée entre dans le champ d'application du règlement du Conseil n° 4064-89 et ne soulève pas de doute sérieux quant à sa compatibilité avec le Marché commun.

I. LES PARTIES

3. Le Crédit local de France (CLF) est un établissement de crédit spécialisé dans les prêts à long terme aux collectivités locales et aux autres entités de droit public, à leurs émanations et aux entreprises chargées de gérer un service public.

4. Hypothekenbank in Berlin (HBB) est une banque hypothécaire privée. Elle est spécialisée dans l'octroi de prêts aux collectivités locales et, [Supprimé pour publication - Lire "secondairement"], de prêts hypothécaires.

II. L'OPERATION

5. Elle consiste en l'acquisition par CLF de 50,5 % du capital de HBB, au moyen d'une augmentation de capital réservée. [Supprimé pour publication - Lire "les anciens actionnaires"] gardent, directement ou indirectement, les 49,5 % restants du capital de HBB.

III. CONCENTRATION

6. L'acquisition par CLF de 50,5 % du capital de HBB lui permettra d'en obtenir le contrôle unique. [Supprimé pour publication]. Le conseil de surveillance de HBB, qui décide à la majorité simple, comprendra 6 membres dont 3 seront nommés par CLF, 2 par les salariés et 1 par [Supprimé pour publication - Lire "les anciens actionnaires"]. Le président du conseil, qui disposera d'un droit de vote double, sera nécessairement l'un des trois membres nommés par le CLF. Dans ces conditions, CLF sera toujours en mesure d'imposer ses vues. [Supprimé pour publication]. Supprimé pour publication, l'opération est donc une concentration au sens de l'article 3 paragraphe 1 lettre b) du règlement.

IV. DIMENSION COMMUNAUTAIRE

7. Le chiffre d'affaires [calculé conformément à l'article 5 paragraphe 3 du règlement] total réalisé sur le plan mondial par l'ensemble des entreprises concernées représente un montant supérieur à 5 milliards d'Ecus (CLF: 5,96 milliards d'Ecus; HBB: 0,55 milliard d'Ecus). Le chiffre d'affaires réalisé individuellement dans la Communauté par au moins deux des entreprises concernées représente un montant supérieur à 250 millions d'Ecus (CLF: 5 954 millions d'Ecus; HBB: 553,5 millions d'Ecus). Chacune des entreprises concernées ne réalise pas plus des deux tiers de son chiffre d'affaires total dans la Communauté à l'intérieur d'un seul et même Etat membre. La concentration est donc de dimension communautaire au sens de l'article premier du règlement.

V. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

Marché de produits en cause

8. La partie notifiante présente l'activité de prêts aux collectivités locales et aux autres entités de droit public, à leurs émanations et aux entreprises chargées de gérer un service public comme un marché distinct des autres activités bancaires. Une telle définition paraît vraisemblable pour les raisons suivantes:

- les collectivités locales et autres entités ci-dessus mentionnées forment une clientèle clairement identifiée et différente de celle des entreprises;

- les prêts en question sont en règle générale d'une très longue durée (10 à 15 ans). [Caractère réglementé des prêts de trésorerie];

- les collectivités locales empruntent le plus souvent dans la devise du pays dans lequel elles sont implantées. Les prêts en devises étrangères restent l'exception;

- les prêts aux collectivités locales ne sont en principe assortis d'aucune sûreté, compte tenu de ce que les procédures de faillite ne sont normalement pas possible;

- les emprunts des collectivités locales obéissent à des règles juridiques précises et contraignantes (droit des finances et de la comptabilité publiques; autorisation parfois nécessaire de la part de l'autorité de tutelle par exemple);

- dans tous les Etats membres, et malgré une tendance à la banalisation des circuits financiers [l'expression signifie que les banques offrent désormais tous les types de crédits et s'adressent à toutes les catégories de clientèles], il existe certains établissements spécialisés dans les prêts aux collectivités locales. Compte tenu de ce qui précède, la Commission peut accepter la définition du marché de produits telle que proposée.

9. L'octroi de prêts hypothécaires à l'immobilier est également présenté comme un marché de produits distinct. Les prêts hypothécaires sont des prêts à long terme grevés d'hypothèques. Les hypothèques sont des sûretés réelles portant sur les biens immeubles destinées à garantir au profit du créancier le paiement de la charge de la dette en cas de défaillance du débiteur. Les prêts hypothécaires sont ou bien octroyés à des particuliers -principalement pour le financement du logement- ou bien octroyés à des entreprises. Dans le cas d'espèce, le fait de savoir si les prêts hypothécaires à l'immobilier font partie d'un marché de produits plus vaste incluant différentes catégories de prêts à long terme, ou si à l'inverse il y a lieu de distinguer comme marchés de produits pertinents entre les prêts hypothécaires aux particuliers et les prêts hypothécaires aux entreprises, peut rester ouvert. En effet, quelle que soit la définition retenue, l'opération ne conduit ni à la création ni au renforcement d'une position dominante.

Marché géographique

10. La partie notifiante présente l'activité de prêts aux collectivités locales, à leurs émanations, aux autres entités de droit public et aux entreprises chargées de la gestion d'un service public comme ayant un caractère national. Elle fonde cette assertion sur le fait que, dans chaque Etat membre, la demande de crédit émanant de ces entités est pourvue, dans sa quasi-totalité, par l'offre de crédit des établissements financiers situés dans ledit Etat; de même, les établissements prêteurs spécialisés ne disposent-ils encore que de manière très marginale de filiales étrangères; en outre, les collectivités locales, surtout celles de petite taille ou leurs émanations n'ont bien souvent pas les moyens notamment en termes de personnel pour emprunter à l'étranger et préfèrent garder des relations suivies avec un ou plusieurs banquiers présents dans l'Etat où elles sont implantées; enfin, la préférence des collectivités pour la devise nationale, le caractère légal contraignant dans lequel s'inscrit la décision d'emprunt qui diffère selon les Etats membres auquel on peut ajouter le caractère réglementé dans le passé de l'activité de prêts à ces entités, confirment le caractère national du marché. La Commission peut accepter une telle définition du marché géographique.

11. La question du marché géographique pertinent en ce qui concerne les prêts hypothécaires peut rester ouverte. En effet, même en retenant une dimension nationale, ce qui est en ligne avec la position traditionnelle de la Commission pour l'activité de prêts [cf. en dernier lieu la décision de la Commission du 17.07.95 dans l'affaire n° IV-M.596-Mitsubishi Bank/Bank of Tokyo, point 8] aux entreprises et aux particuliers, l'opération ne saurait conduire à la création ou au renforcement d'une position dominante.

Appréciation

12. En ce qui concerne les prêts aux collectivités locales, à leurs émanations, aux autres entités de droit public et aux entreprises chargées de la gestion d'un service public, il convient de mentionner que CLF est quasiment absent d'Allemagne où sa part de marché est négligeable et que HBB n'est présent ni en France, ni en Espagne, ni au Royaume-Uni où CLF est implanté. Il s'ensuit que la concentration n'aboutit à aucune addition de part de marché. Par ailleurs, les parts de marché respectives de HBB en Allemagne et de CLF en Espagne et au Royaume-Uni sont très faibles [Supprimé pour publication - Inférieures à 5 %] et ne sauraient donc être constitutives d'une position dominante. Quant à la part de marché de CLF en France (41 %), elle ne saurait être non plus constitutive d'une position dominante compte tenu du nombre et de l'importance des intervenants sur ce marché où sont présents, outre les grandes banques commerciales, les Caisses d'Epargne (24 %), le Crédit Agricole (13 %) et le Crédit Foncier de France (8 %). Quoi qu'il en soit, la position de CLF en France n'est en rien renforcée par l'acquisition de HBB laquelle est de taille très modeste, opère de surcroît sur un marché géographique distinct, et ne pouvait objectivement être considérée comme un entrant potentiel sur le marché français.

13. En ce qui concerne les prêts hypothécaires à l'immobilier, il suffit de mentionner que CLF n'est pas présent dans ce secteur, ni en France, ni à l'étranger. Quant à HBB, sa présence en Allemagne y est extrêmement marginale comptant pour moins de [Supprimé pour publication] des prêts hypothécaires à l'immobilier aux entreprises et moins de [Supprimé pour publication] des prêts hypothécaires à l'immobilier aux particuliers. Aucune création ou aucun renforcement de position dominante n'est donc à craindre.

VI. CONCLUSION

14. Compte tenu de ce qui précède, la Commission a décidé de ne pas s'opposer au projet de concentration et de la déclarer compatible avec le Marché commun et l'Espace économique européen. La présente décision est adoptée au titre de l'article 6 paragraphe 1 lettre b) du règlement n° 4064-89 ainsi qu'au titre de l'article 17 de l'Accord sur l'Espace économique européen.