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Décisions

CA Aix-en-Provence, 2e ch., 21 septembre 1995, n° 92-147

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance (sté)

Défendeur :

Quiniou

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dragon

Conseillers :

M. Isouard, Mme Cordas

Avoués :

Me Ermeneux, SCP Primout Faivre

T. com. Aix-en-Provence, du 29 juin 1992

29 juin 1992

Exposé du litige :

Début 1989, la société Solovam a donné en crédit bail à Monsieur Dominique Quiniou un véhicule utilitaire de marque Mercedes. Ce contrat a été cautionné par Monsieur Robert Quiniou.

A la suite de la défaillance du locataire, cette convention a été résiliée et le véhicule restitué. Par jugement du 29 juin 1992, le Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a rejeté les demandes contre Monsieur Robert Quiniou et condamné Monsieur Dominique Quiniou à payer à la société Solovam la somme de 8 228,97 F représentant la pénalité de 10 % sur les loyers à échoir, rejetant le surplus de la demande.

Le 12 août 1992, la société Franfinance, nouvelle appellation du bailleur, a interjeté appel de cette décision.

Elle sollicite sa réformation et la condamnation de Monsieur Dominique Quiniou à lui payer les sommes de :

- 66 547,07 F avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1990, solde du crédit-bail selon les dispositions contractuelles ;

- 20 000 F de dommage-intérêts ;

- 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En cours de procédure, elle s'est désistée de son action contre Monsieur Robert Quiniou.

Monsieur Dominique Quiniou conclut à la confirmation du jugement attaqué, à l'allocation des plus larges délais pour se libérer des sommes qui seraient mises à sa charge et à la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 8 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Il soulève tout d'abord la nullité de l'indemnité de résiliation qui constitue une clause abusive au sens de l'article 35 de la Loi du 10 janvier 1978.

Subsidiairement il réclame la modération de cette indemnité en raison de son caractère manifestement abusif.

Motif de la décision :

Sur les sommes dues au titre du crédit bail :

Le contrat de crédit bail stipule (article 13) qu'en cas de résiliation pour défaut de paiement du loyer, ce qui est le cas en l'espèce, Monsieur Quiniou ayant cessé ses règlements à compter d'octobre 1990, le crédit preneur sera redevable des loyers restant à échoir diminués du prix de reprise ou de revente du matériel financé et une indemnité de 10 % s'appliquera à toutes les sommes non payées à leur date.

Pour obtenir la nullité de cette clause, Monsieur Quiniou ne peut valablement se fonder sur l'article L. 132-1 du Code de la consommation qui prohibe les clauses abusives entre professionnels et non professionnels ou consommateurs alors que le véhicule acheté était destiné à son activité professionnelle comme l'établit l'apposition de son tampon commercial avec son enseigne et son numéro au registre du commerce sur le contrat de crédit bail.

En conséquence, cette clause s'avère valable.

La société Franfinance décompose ainsi sa créance :

I. Solde débiteur avant résiliation

Loyers échus impayés :

. mensualité impayée du 5-10-90 : 3 902,63 F

. mensualité impayée du 5-11-90 : 3 092,63 F

. mensualité impayée du 5-12-63 : 3 092,63 F

11707,89 F

- Indemnité forfaitaire de 10 % + TVA : 1 388,54 F

Soit : 13 096,63 F

II. Solde débiteur après résiliation

- Loyers à échoir hors taxe :

. 25 échéances du 5-01-93

(chacune de 3 291,59 F) : 82 289,75 F

- Peine de 10 % suivant dispositions

contractuelles : 8 228,97 F

- Option d'achat de fin de contrat : 7 358,16 F

Soit : 97 876,88 F (A)

- A déduire :

. Vente du matériel le 7-12-90 : 56 179,65 F

diminuée des :

. frais de réparation : 0,00 F

. commission de remplacement de 6 % : 3 370,77 F

Soit : 52 808,88 F (B)

(A-B): 45 068,00 F

TVA 18,60 %: 8 382,64 F

Soit : 53 450,64 F : 53 450,64 F

Solde restant dû : 66 547,07 F

L'indemnité de résiliation prévue par le contrat constitue une clause pénale en ce qu'elle a pour objet de sanctionner l'inexécution des obligations du locataire ; elle est soumise en tant que telle aux dispositions de l'article 1152 du Code civil ; la cour peut donc la modérer d'office.

En prenant en considération le capital investi, les sommes versées, le prix de revente du véhicule, les frais de gestion et de fonctionnement inclus dans le montant des loyers, la juste rémunération de la prestation, l'exigibilité anticipée de la dette, la Cour estime que l'indemnité de résiliation est excessive par rapport au préjudice effectivement subi et doit être ramenée, en tenant compte de ces différents éléments d'appréciation à 40 000 F ;

Monsieur Quiniou doit être condamné à payer à la société Franfinance la somme de 53 096, 43 F (13 096,43 F + 40 000 F) avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 1990, date de la résiliation du crédit-bail ainsi que le prévoit l'article 413-3C du contrat ;

En raison de l'ancienneté de la dette, il ne convient pas d'accorder à Monsieur Quiniou des délais de paiement.

Sur la demande en dommages-intérêts :

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, la société Franfinance expose que Monsieur Dominique Quiniou a inventé l'existence de Monsieur Robert Quiniou qu'il a présenté comme son frère alors que cette personne n'existe pas et a signé l'acte de caution à sa place, lui créant ainsi un préjudice résultant dans l'absence de sûreté personnelle.

Monsieur Quiniou reconnaît être le signataire de l'acte de caution. En signant cet engagement pour une personne imaginaire, il a commis une faute laissant croire à son créancier qu'il bénéficierait d'une garantie et aurait un gage supérieur à la réalité, lui causant par là un préjudice.

Il convient d'évaluer ce préjudice à la somme de 5 000 F, peu important la négligence du proposé de la société Franfinance qui a rempli et recueilli le cautionnement sans s'assurer de l'existence de la caution.

Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties le montant de leurs frais non compris dans les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement ; Infirme le jugement du 29 juin du Tribunal de commerce d'Aix-en-Provence ; Statuant à nouveau : Condamne Monsieur Dominique Quiniou à payer à la société Franfinance la somme de 53 096,43 F (cinquante trois mille quatre vingt seize francs, quarante trois centimes) avec intérêts à compter du 5 décembre 1990 ; Refuse à Monsieur Quiniou l'octroi d'un délai de paiement ; Condamne Monsieur Quiniou à payer à la société Franfinance la somme de 5 000 F (cinq mille francs) à titre de dommages-intérêts ; Rejette les demandes au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Monsieur Quiniou aux dépens et autorise Maître Ermeneux, Avoués à recouvrer directement ceux d'appel dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision.