Ministre des Finances, 2 juin 1996, n° FCEC9610424Y
MINISTRE DES FINANCES
Lettre
PARTIES
Demandeur :
MINISTRE DES FINANCES
Défendeur :
Conseil des sociétés Coleman et ADG
MINISTRE DÉLÉGUÉ AUX FINANCES ET AU COMMERCE EXTÉRIEUR
Maître,
Par dépôt d'un dossier dont il a été accusé réception le 2 avril 1996, vous m'avez notifié l'acquisition de la société française Application des gaz (ADG) par la société de droit américain Coleman.
S'agissant d'une prise de contrôle, cette opération constitue une concentration au sens de l'article 39 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986.
Cette concentration n'est pas contrôlable au regard des seuils en chiffres d'affaires prévus par l'article 38 de ladite ordonnance, ADG et Coleman réalisant un chiffre d'affaires cumulé inférieur à sept milliards de francs.
Aussi convient-il de rechercher si le seuil en valeur relative est atteint, ce qui impose de définir le ou les marchés pertinents.
En l'espèce, les activités visées par l'opération sont les loisirs de plein air et le bricolage. Les produits concernés sont les appareils portables de cuisson, l'équipement de soudure et les réservoirs à gaz.
Les appareils portables de cuisson peuvent fonctionner avec plusieurs sources d'énergie. Ces appareils sont de taille et de puissance différentes. Leurs prix sont comparables à usage équivalent. Ils peuvent être considérés comme substituables entre eux. Il existe donc un premier marché pertinent des appareils portables de cuisson.
L'équipement de soudure comprend les appareils dits à souder fonctionnant à l'électricité ou au gaz (fers à souder, lampes à souder, chalumeaux...) et les consommables (brasures, soudures...). Ces produits constituent ensemble les éléments d'un même assortiment. Un deuxième marché pertinent est donc constitué par les équipements de soudure.
Les sources d'énergie sont l'accessoire des appareils de cuisson et de l'équipement de soudure. En France, les réservoirs à gaz (cylindres et cartouches) sont la principale source d'énergie utilisée pour les appareils portables de cuisson et l'équipement de soudure. Les modes de conditionnement de cette source d'énergie ne sont que partiellement substituables entre eux et les réservoirs d'une contenance supérieure à trois kilogrammes ne sont pas commercialisés en France en tant que produits de plein air. On peut donc considérer que les réservoirs à gaz de moins de trois kilogrammes constituent un troisième marché pertinent.
L'entité issue de cette concentration représente nettement plus de 25 p. 100 des ventes en France sur chacun des marchés d'appareils de cuisson, de réservoirs à gaz et d'équipements de soudure.
Le seuil en parts de marché prévu par l'article 38 de l'ordonnance est donc dépassé sur ces trois marchés.
En dépit de la forte position du nouveau groupe sur les marchés pertinents précités et de la disparition d'un concurrent potentiel fort qu'entraîne cette opération, elle n'apparaît pas de nature à porter atteinte à la concurrence pour les raisons suivantes ;
Le nouvel ensemble occupera en France une position égale (réservoirs à gaz et équipements de soudure) ou légèrement supérieure (appareils de cuisson) à celle qu'occupait ADG avant l'opération ;
Les structures de production sur ces marchés sont fortement concurrentielles:
- de nombreux concurrents sont déjà présents sur les marchés pertinents susvisés ;
- les marques de distributeurs jouent un rôle croissant, tant en ce qui concerne les appareils de cuisson que les réservoirs à gaz, ce qui permet de relativiser l'effet de gamme ;
- les industriels déjà présents sur le marché disposent de capacités de production potentielles inemployées qui leur permettraient de rétablir la concurrence au niveau de l'offre si le nouveau groupe tentait d'augmenter notablement ses prix.
Les coûts d'entrée sur les marchés susvisés restent faibles et les éléments suivants vont dans le sens d'une internationalisation croissante des marchés considérés:
- il n'existe pas de barrière technologique à l'entrée sur les marchés des produits concernés, les techniques de production n'étant pas ou peu brevetées. ADG et Coleman disposent de quelques brevets qui sont tombés ou vont prochainement tomber dans le domaine public ;
- il n'existe pas non plus de barrières à l'entrée sur le marché géographique considéré. La libre circulation des produits est assurée grâce aux normes communautaires pour tous les appareils à gaz portables. De la sorte, il n'y a aucune incompatibilité entre les modèles fabriqués par des entreprises différentes. Pour chaque système de fixation utilisé (à vis ou à valve), les cylindres et les cartouches sont interchangeables;
- les produits étant petits et légers, le coût du transport est faible et ne constitue pas une barrière au commerce;
- il s'agit de produits banalisés, d'un coût de production relativement modeste;
- l'absence de barrières significatives à l'entrée permet l'accès de concurrents potentiels sur ces marchés ou sur des secteurs voisins.
Une très grande majorité des produits sont vendus par la grande distribution, qui dispose d'un fort pouvoir de négociation sur les prix, et par des points de vente spécialisés, ce qui atténue également l'effet de gamme.
C'est pourquoi, compte tenu de ces divers éléments, je n'ai pas l'intention de saisir le Conseil de la concurrence de cette opération.