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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 18 janvier 1996, n° 93-2221

GRENOBLE

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Augier

Défendeur :

EDF

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Beraudo

Conseillers :

M. Baumet, Mme Comte

Avoués :

SCP Grimaud, SCP Calas, Balayn

Avocats :

Mes Mages, Escallier.

TI Bourgoin-Jallieu, du 9 févr. 1993

9 février 1993

Les faits et la procédure :

Dans la nuit du 30 au 31 juillet 1989, M. Jean-François Augier, abonné au tarif domestique, a enregistré une interruption de plusieurs heures dans la fourniture de courant, ce qui a provoqué la mort de plusieurs milliers de poulets, dans son élevage,

L'expert de son assureur a évalué le préjudice à la somme de 57 052,52 F,

M. Augier demande à EDF le paiement de la somme de 14 291,27 F restée à sa charge en raison des stipulations de sa police d'assurances.

Par jugement contradictoirement rendu le 9 février 1993, le Tribunal d'instance de Bourgoin-Jallieu a débouté M. Augier au motif principal que ce dernier n'avait pas doté son installation d'un système approprié pour pallier les conséquences d'une interruption de la fourniture de courant,

Déclaré le 18 mai 1994, mis au rôle le 8 juin 1994, l'appel est régulier,

M. Jean-François Augier, appelant, conclut à l'infirmation, à la condamnation d'EDF à lui payer les sommes de :

- 14 291,27 F, avec intérêts au taux légal depuis l'assignation,

- 2 000 F, à titre d'indemnité pour résistance abusive,

- 3 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

M. Augier fait valoir que le contrat de fourniture de l'énergie électrique constitue une vente imposant à EDF l'obligation de résultat d'alimenter en permanence tout abonné, y compris la fourniture en basse tension,

Il souligne qu'aucune disposition contractuelle ou réglementaire ne lui impose d'équiper son installation d'une alarme destinée à le prévenir d'une interruption de l'alimentation, ou d'une installation de secours,

Il ajoute qu'une alarme ou une telle installation n'aurait d'ailleurs point prévenu le dommage dès lors que la coupure de courant a duré plus de huit heures, ce qui aurait tenu en échec une installation destinée à pallier les conséquences de brèves coupures,

M. Augier dénonce la faute d'EDF qui ne l'a pas averti de la coupure de courant et qui ne lui a pas conseillé de mettre en place une installation de secours,

EDF, intimé, conclut à la confirmation et à la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 5 000 F, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, et au recouvrement direct des dépens,

EDF explique l'interruption de la fourniture de courant par deux incidents imputables à la faute lourde sur la même ligne, laquelle dût être examinée par son personnel à pied, en raison de la configuration du terrain, en zone rurale, alors que l'abonné est situé en bout de ligne,

EDF fait valoir qu'elle n'a que l'obligation de mettre en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer la continuité de la fourniture,

Elle fait grief à l'abonné d'avoir souscrit un abonnement domestique dont l'équilibre économique est altéré par une utilisation professionnelle de l'énergie et de n'avoir pris aucune précaution pour se prémunir contre les risques prévisibles d'interruption d'alimentation,

Elle ajoute qu'elle n'a pas accès à l'installation interne de l'abonné,

Sur ce :

a) Attendu que le contrat de fourniture de courant s'analyse en contrat de vente,

Attendu que les mesures protectrices du consommateur résultant de l'application des dispositions combinées de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 et de l'article 2 du décret du 24 mars 1978 ne sont point applicables dans les contrats conclus entre professionnels (Civ. 21 février 1995, JCP 1995 II, 22502, note Paisant),

Attendu que le décès accidentel de plusieurs milliers de poulets montre que M. Augier a souscrit un abonnement à EDF à des fins professionnelles,

Attendu que sont, par suite, opposables à l'abonné les " Dispositions générales de fournitures ", rappelées dans chaque facture adressée à l'abonné, aux termes desquelles le maintien de l'énergie, à sa disposition, est assuré sous la réserve des interruptions survenues " du fait d'aléas techniques inévitables ",

Attendu que des impacts de foudre sur une ligne d'alimentation répondent à cette définition dès lors qu'EDF est dans l'impossibilité, en raison de l'étendue de son réseau, d'empêcher la foudre de frapper ses lignes d'alimentation ou de prévoir les points d'impact,

Attendu que l'on ne peut imputer à faute le rétablissement de l'alimentation, après une interruption de six heures, dès lors qu'EDF a dû réparer les conséquences de deux impacts de foudre, sur une ligne seulement accessible à pied, alors que l'abonné se trouvait en fin de réseau,

b) Attendu, au surplus, que M. Augier ne peut prétendre avoir ignoré les risques inhérents à son exploitation d'élevage dès lors que le rapport de M. Pupier, expert de son assurance, indique que le 13 juin (et non septembre), il avait connu un premier incident, cause de la perte de plus de 12 000 poulets.

Qu'il n'a pourtant point équipé son installation d'un dispositif d'alerte dont le déclenchement lui aurait permis d'ouvrir manuellement les volets d'aération, ce qui aurait évité l'étouffement des animaux,

Attendu que M. Augier ne peut utilement faire grief à EDF de ne point l'avoir conseillé sur son installation ou prévenu de l'interruption domestique interne de l'abonné, ne pouvait prévoir l'usage industriel auquel l'énergie était destinée,

Attendu que pour ces raisons, le jugement déféré est confirmé,

Attendu que l'origine du litige rendrait toutefois inéquitable toute application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

Par ces motifs, LA COUR, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Après en avoir délibéré conformément à la loi, Confirme le jugement déféré, Déboute EDF de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Mat les dépens d'appel à la charge de M. Jean-François Augier, avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'avoués Calas et Balayn.