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Décisions

CA Paris, 8e ch. A, 2 mai 1995, n° 93-23185

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bertail

Défendeur :

Banque Nationale de Paris (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Even

Conseillers :

MM. Remond, Anquetil

Avoués :

SCP Taze Bernard Belfayol Broquet, SCP d'Auriac Guizard

Avocats :

Mes Enjolars, Beaussier Maréchal.

TI Paris, du 14 sept. 1993.

14 septembre 1993

Par jugement du 14 septembre 1993 le Tribunal d'instance du XVIe arrondissement de Paris a :

- dit que l'obligation de garder secret le code confidentiel qui pèse sur le titulaire d'une carte de paiement est une obligation de moyens et que la BNP n'apporte pas la preuve d'une faute de Marie Aleth Bertail dans l'exécution de cette obligation,

- dit cependant que Mme Bertail doit voir sa responsabilité entièrement engagée dans les opérations de retrait effectuées entre le 12 octobre 1992 et le 19 octobre 1992 pour négligence dans le cadre de sa carte et pour opposition tardive,

- rejeté les demandes de Mme Bertail,

- rejeté toute autre demande.

Mme Bertail a interjeté appel de ce jugement.

Elle soutient n'avoir commis aucune faute en formant opposition le jour même où elle s'est aperçue de la disparition de sa carte Premier BNP alors qu'aucune stipulation contractuelle ne l'obligeait à vérifier quotidiennement qu'elle était toujours en possession de cette carte de paiement.

Elle se prévaut de la nullité de la clause stipulée à l'article 11-2 des conditions de fonctionnement de la carte, aux termes de laquelle la responsabilité du porteur est engagée intégralement pour les opérations de retrait comportant le contrôle du code confidentiel alors que cette clause, qui lui a été imposée dans le cadre d'un contrat d'adhésion souscrit auprès de la BNP, est abusive en application de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 comme conférant à un professionnel un avantage excessif que sa position économique lui permet d'imposer à son cocontractant consommateur.

Elle fait en outre valoir qu'aucune circonstance précise n'est invoquée par la BNP pour dire en quoi consisterait la faute que cette intimée lui reproche.

Mme Bertail conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité engagé pour négligences dans la garde de sa carte et pour opposition tardive.

Elle sollicite la condamnation de la BNP à lui payer la somme de 20 000 F, représentant des retraits d'espèces dont son compte a été indûment débité entre le 12 et le 9 octobre 1992, outre intérêts légaux à compter du 23 octobre 1993, qui seront eux-mêmes capitalisés, et allocation de la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La BNP soutient :

- que le titulaire d'une carte de paiement est contractuellement tenu à son égard d'une obligation de résultat de tenir secret son code confidentiel,

- que la clause du contrat conférant à l'usage de la carte avec code confidentiel une valeur probante, que le titulaire de la carte peut combattre, ne tombe pas sous la définition de la clause abusive puisque cette clause 11-2 ne comporte pas une quelconque interdiction relative à la preuve contraire telle que dénoncée par la Commission des clauses abusives.

Elle demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'obligation pesant sur Mme Bertail de garder secret son code confidentiel est une obligation de moyens alors qu'il s'agit d'une obligation de résultat que l'intéressée n'a pas respectée.

Elle conclut au débouté des demandes de Mme Bertail et à la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 10 000 F hors taxes sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 1995.

Sur ce, LA COUR,

Considérant que les conditions de fonctionnement de la carte Premier BNP, auxquelles Mme Bertail a déclaré adhérer sans réserve en sollicitant la délivrance de sa carte de paiement le 4 juillet 1989, prévoient :

- en leur article 3 que le code personnel communiqué confidentiellement au titulaire de ladite carte doit être tenu absolument secret par celui-ci,

- en leur article 11-2 que la responsabilité du titulaire de la carte est engagée intégralement pour les opérations de retrait, comportant le contrôle du code confidentiel, qui sont antérieures à l'opposition dont il a informé la BNP ou le centre carte bleue ;

Considérant que ces dispositions, qui consacrent l'élément substantiel de la confidentialité du contrat que constitue le code personnel du titulaire d'une carte de paiement, créent une présomption de simple responsabilité du porteur qui doit ainsi supporter la charge des retraits comportant le contrôle dudit code personnel sauf pour lui à rapporter la preuve contraire d'une utilisation frauduleuse de sa carte antérieurement à la date de réception de son opposition ;

Considérant que ces dispositions n'apparaissent donc pas contraires à l'article II-2 [de la recommandation n° 94-02] de la Commission des clauses abusives, prise en application de l'article L. 132-4 du Code de la consommation et ne créent pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat puisqu'elles ne confèrent pas à l'usage de la carte de paiement avec code confidentiel une valeur probante que le titulaire de la carte pourrait combattre ;

Or considérant que Mme Bertail ne justifie ni même de fait état, en l'espèce, d'éléments circonstanciés de fait qui seraient de nature à rapporter la preuve d'une utilisation frauduleuse de sa carte Premier à compter du 12 octobre 1992, soit pendant une période de dix jours antérieure à son opposition reçue au siège de la BNP le 22 octobre 1992 à 17 heures 15 et suivie d'une déclaration de vol effectuée au Commissariat de Police de la porte Dauphine à Paris le même jour à 18 heures ;

Considérant que Mme Bertail demeure donc tenue de supporter la charge des retraits d'espèces effectués au moyen de sa carte Premier pendant la période litigieuse du 12 au 19 octobre 1992 et d'un montant total de 20 000 F de sorte qu'il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de l'intéressée ;

Considérant que l'équité ne justifie pas, en l'espèce, l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile en faveur de la BNP ;

Par ces motifs, qui se substituent à ceux du premier juge, Statuant contradictoirement, Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Marie Aleth Bertail de sa demande en paiement de la somme de 20 000 F, augmentée des intérêts légaux à compter du 23 octobre 1992, et celle de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que la BNP de sa demande en paiement de la somme de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Infirme ledit jugement pour le surplus de ses dispositions. Déboute les parties de leurs demandes respectives d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au titre de l'instance d'appel. Condamne Mme Bertail aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP d'Auriac Guizard, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.