CA Paris, 1re ch. A, 17 décembre 1990, n° 90-038
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Crédit Commercial de France (SA)
Défendeur :
Union Fédérale des Consommateurs, Jacquin, Saint-Martin
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hannoun
Conseillers :
MM. Guerin, Bergougnan
Avoués :
SCP Gauzere-Lagourgue, Me Ribaut
Avocats :
Mes Stasi, Rives-Lange, Bihl.
La société Crédit Commercial de France (CCF) est appelante du jugement rendu le 25 octobre 1989 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a déclaré nulles les modifications par elle apportées aux contrats de compte-courant les liant à deux de ses clients, jugé abusives les clauses intitulées " arrêtés de compte ", et mis à sa charge le paiement d'une somme globale de 106 000 F de dommages-intérêts.
Référence étant faite à cette décision pour l'exposé complet des faits, de la procédure et des moyens retenus par les premiers juges, il suffit de rappeler que :
Le CCF ayant, sous la rubrique " arrêté de compte ", facturé à deux de ses clients Messieurs Jacquin et Saint Martin, qui contestent en être débiteurs, la somme trimestrielle de 150 F dont le paiement n'était pas expressément prévu au contrat initial d'ouverture de leur compte, c'est dans ces circonstances que, sur assignation de ces derniers et de l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC), la décision du 25 octobre 1989 a été rendue.
Le CCF en sollicite l'infirmation.
Reprenant l'argumentation qu'il avait développée devant les premiers juges, il soutient que, compte tenu des dispositions des articles 5 et 6 de la loi du 5 janvier 1988, l'UFC n'a pas qualité pour agir. Il affirme également que la convention de compte entre une banque et son client a un caractère " d'intuitus personae " excluant toute possibilité de mesures discriminatoires, lesquelles sont au surplus rendues impossibles par les " paramètres de calcul de cette redevance qui sont les mêmes pour tous ".
Il rappelle également que les termes du contrat d'ouverture de compte-courant prévoyaient que, faute d'acceptation dans le délai d'un mois, les relevés de celui-ci étaient réputés tacitement approuvés par les clients et affirme que Messieurs Jacquin et Saint Martin, qui sont restés plusieurs mois sans protester après la réception d'une telle facturation, en ont accepté le principe.
Il conteste que cette clause contractuelle ait un caractère abusif et fait observer que la résiliation et, par voie de conséquence, la modification unilatérale d'un contrat à durée indéterminée n'est ni prohibée ni illicite.
Messieurs Jacquin et Saint Martin ainsi que l'UFC concluent au contraire à la confirmation de la décision entreprise et au paiement de la somme globale de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 NCPC.
Cela étant exposé, LA COUR,
- Sur la procédure :
Considérant que les articles 5 et 6 de la loi du 5 janvier 1988 autorisant les associations de consommateurs à agir en justice pour demander la suppression de clauses abusives et pour intervenir dans un litige individuel ;
Que les termes de la demande introduite par l'UFC répondant à ces deux critères, cette partie est recevable en sa demande dont l'objet est déterminé dans les conditions prévues à l'article 4 du NCPC.
- Sur le fond :
Considérant que les contrats d'ouverture de compte produits aux débats précisent que les opérations (ou les écritures) qui y sont passées, font l'objet de l'envoi d'un relevé qui constitue pour la banque une demande d'approbation des opérations (ou des écritures) qui y figurent, et que, dans l'intérêt commun des parties, il est admis que cette approbation peut être tacite et résulter de l'absence d'observation pendant le délai d'un mois à dater de la réception du relevé ;
Considérant que cette clause contractuelle manifestement relative aux diverses opérations de fonctionnement du compte ne concerne pas les frais de gestion ou de tenue de celui-ci ;
Que la modalité d'acceptation qui y est prévue n'est donc pas applicable aux sommes litigieuses ;
Considérant en effet que la concordance de l'offre et de l'acceptation, doit, pour former le contrat porter sur tous les éléments essentiels de celui-ci ;
Que le paiement d'aucune somme relative à la tenue ou à la gestion du compte n'ayant été prévue entre les parties lors de son ouverture, l'acceptation préalable et sans réserve des deux clients était donc en l'espèce nécessaire ;
Considérant en effet que le silence de celui qu'on prétend obligé ne peut suffire en l'absence de toute autre circonstance pour faire preuve contre lui de l'obligation alléguée.
Considérant en outre que le Crédit Commercial ne peut sérieusement soutenir que l'ouverture d'un compte courant, matérialité par la souscription d'un contrat-type est une convention intuitus personae, ni que la lettre circulaire précisant qu'un préposé du CCF se tient à la disposition des clients pour les rencontrer et examiner avec eux " les possibilités de développement des relations bancaires et financières, de nature à éviter d'avoir à acquitter ces frais " ... exclut toute possibilité de discrimination entre eux.
Qu'il échet en conséquence de confirmer la décision entreprise ;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'UFC et de Messieurs Saint Martin et Jacquin les frais irrépétibles par eux exposés du fait de l'appel interjeté par leur adversaire ; qu'il convient d'allouer sur la fondement de l'article 700 du NCPC 5 000 F à l'UFC et 1 000 F à chacun des deux intimés.
Par ces motifs : LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions le jugement du 25 octobre 1989. Condamne le Crédit Commercial de France à payer, sur le fondement de l'article 700 NCPC 5 000 F à l'Union Fédérale des Consommateurs et 1 000 F à chacun des deux autres intimés. Rejette toutes les autres demandes formées. Condamne le CCF aux dépens exposés en cause d'appel. Autorise Me Ribaut, avoué, à procéder à leur recouvrement dans les conditions prévues à l'article 699 NCPC.